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Le 17 décembre dernier, des dizaines de députés ont voté pour le "projet de loi de modernisation de notre système de santé", le nom officiel de la loi Santé portée par la ministre Marisol Touraine. Ce dernier chiffre ne doit pas en effacer d’autres : quatorze mois de travail, des centaines d’heures de débats, des milliers d’amendements, de nombreuses journées de grèves et des dizaines de manifestations de la part de médecins, des centaines d’heures de travail de militants d’associations de santé, un testing inédit sur les refus de soins et quelque cinquante-sept articles de loi.
Les lois de santé sont rares et ont toujours une vaste ambition: organiser, en l’améliorant, le système de santé pour les dix à quinze ans qui viennent. Cela donne des textes souvent complexes, denses, couvrants de très grands domaines comme la prévention, l’accès aux soins, les maladies chroniques, l’innovation médicale. Chaque loi de santé constitue, pour une association comme la nôtre, une occasion de plaidoyer à saisir. Pour nous assurer que la future loi soit utile à la lutte contre le sida et les hépatites virales, pour parer aux mesures qui représenteraient des reculs en matière de prévention, d’accès aux soins, de prise en charge. Ce travail, nous l’avons mené, seuls sur certains sujets, le plus souvent en collaboration avec des collectifs, des associations (1), partageant nos vues et les valeurs que nous entendions défendre.
Au final, la nouvelle loi comporte de belles avancées. La loi ouvre la possibilité de proposer des tests de dépistages rapides d’orientation diagnostic aux mineurs. Elle accorde la dispensation de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) et du traitement post-exposition (TPE) dans les futurs centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD). Elle permet l’expérimentation de salles de consommation à moindre risque et reconnait la pertinence de l’accompagnement et de l’éducation aux risques liés à l’injection (AERLI). Elle comporte des avancées en matière de politique de réduction des risques. Elle renforce également la démocratie sanitaire. Nous pouvons être doublement satisfaits de ces avancées : parce que nous attendions ces progrès, parfois depuis longtemps, et parce que certaines ont été permises grâce à notre action. Ce sont les résultats de projets de recherches que nous avons conduits en partenariat, les besoins identifiés dans nos actions de terrain que nous avons fait remonter aux décideurs politiques, qui ont permis de convaincre et d’emporter la décision.
Mais nous n’avons pas que des motifs de satisfaction. Certaines de nos revendications n’ont été que marginalement prises en compte. Il en va ainsi de notre demande d’avoir des représentants des usagers de santé dans tous les organes de gouvernance des agences sanitaires nationales, notamment dans celle qui fixe le prix des médicaments. Les associations seront certes prises en compte dans le processus de fixation du prix du médicament, mais bien en deçà de ce que nous souhaitions. Les polémiques actuelles sur les prix exorbitants de certains traitements et le choix de rationner l’accès aux médicaments qui en découle prouvent la légitimité de notre demande à devenir un des acteurs à part entière de ce processus de fixation des prix. Sur certains sujets, c’est même un échec. La loi Santé rate le coche sur la levée de l’interdiction de soins funéraires pour les personnes séropositives au VIH ou à une hépatite virale. La nouvelle loi échoue lamentablement sur les refus de soins, une fois de plus. Au final, reste un article de loi inepte qui confie aux ordres des médecins la surveillance des refus de soins. Cet échec est d’autant plus regrettable que notre opération de testing sur les refus de soins (2) a permis de quantifier l’ampleur du problème. Une fois de plus, l’action concertée des médecins aura joué à plein, conduisant les parlementaires de droite comme de gauche à écarter toutes mesures sérieuses pour lutter efficacement contre ce problème majeur d’accès aux soins.
La nouvelle loi votée… tout commence. Les avancées contenues dans le texte doivent se concrétiser. Des programmes d’échanges de seringues en prisons doivent être créés, des salles d’injection supervisée ouvrir, le droit à l’oubli concernant les maladies chroniques s’appliquer (3), etc. Notre rôle sera de veiller à ce que les décrets d’application soient pris, à ce que les dispositifs soient financés, à ce que cette loi, avec ses avancées, vive !
Aurélien Beaucamp, président de AIDES
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Collectif interassociatif sur la santé, Médecins du Monde, TRT-5, etc.
Voir article "Testing : ces praticiens qui ont une dent contre les séropos !", 4 juin 2015, sur Seronet.info
Voir article en page 57 dans ce numéro.