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Un chiffre serait la solution : 0,0025 % de la richesse mondiale suffiraient à mettre fin au sida, au paludisme et à la tuberculose ; trois pandémies qui sont encore responsables de 2,6 millions de morts par an, 7 300 décès par jour, cinq par minute ! On pourrait supposer que devant de tels chiffres, il ne soit pas nécessaire d’en appeler une nouvelle fois à "l’urgence d’agir ". Et pourtant, oui, il faut encore le faire, tant nos dirigeants-es ne semblent pas comprendre qu’on peut et qu’on doit éviter un tel désastre humain.
Nul n’ignore désormais que nous avons aujourd’hui des outils de diagnostic adaptés, des traitements efficaces permettant de sauver des vies et d’enrayer les transmissions. Mais ils demeurent insuffisamment accessibles. Ainsi, plus d’un million d’enfants vivant avec le VIH attendent encore un traitement. Le monde compte près de 37 millions de personnes séropositives au VIH ; moins de 22 millions d’entre elles ont accès à un traitement. En matière de tuberculose, plus de trois millions de personnes ne sont pas diagnostiquées et ne peuvent donc être traitées. Les trois pandémies qui mobilisent le Fonds mondial touchent en premier les populations les plus précaires, celles qui sont les plus vulnérables, les plus discriminées (1), souvent les plus éloignées du soin.
Un grand nombre d’indicateurs attestent du fait que nous allons dans le mur, alors que les moyens d’éviter le désastre existent. Nous avons des solutions pour éviter les nouvelles infections, pour sauver des vies, pour lutter contre les discriminations et les inégalités liées au genre (le sida est la première cause de mortalité des femmes de 15 à 49 ans dans le monde) - discriminations et inégalités qui sont des entraves réelles à l’accès aux soins.
En 2018, Hakima Himmich (2) et moi-même avions publié une tribune (3) qui rappelait cette situation, posait les enjeux et expliquait que nous pouvions éviter l’échec par des investissements financiers supplémentaires. Pour cela, il est indispensable de changer de braquet pour faire plus et mieux. C’est toujours le cas. Faute de quoi, nous nous exposons à une résurgence rapide de ces épidémies et à hypothéquer durablement les progrès de ces dernières décennies. Cette résurgence est déjà à l’oeuvre par endroits, mais nos dirigeants-es semblent l’ignorer. De fait, nous n’assistons pas (pour le moment) à une prise de conscience des enjeux de la part des principaux pays donateurs, qui tergiversent, font profil bas concernant les perspectives financières de cette institution.
Nous avons désormais quelques mois — c'est court — pour renverser la tendance. C’est le sens de notre campagne, lancée en mai dernier, de mobilisation du président de la R.publique Emmanuel Macron. Ce choix n’est pas gratuit, ni le fruit du hasard. Il tient au fait que la France est, pour la première fois, le pays hôte de la prochaine conférence de reconstitution des fonds du Fonds mondial (4). Ce sera le 10 octobre prochain . Lyon. Pour nous, le président français a une responsabilité particulière alors même que la réponse au sida dans le monde est bel et bien à un tournant. Notre campagne (5) n’a pas pu bénéficier des réseaux habituels de diffusion (refus de la part de l’organisme de contrôle) pour cause d’utilisation de l’image présidentielle. Elle a parfois été interprétée, comme une attaque de l’exécutif voire une forme d’anti-macronisme. Il s'agit de la juste interpellation d’un chef d’état sur un enjeu mondial. Elle se justifie d’autant plus que c’est souvent le pays hôte qui montre l’exemple aux autres participants-es. Un statu quo français dans le financement du Fonds mondial serait le pire des messages. Il laisserait entendre qu’on fait assez en matière de lutte contre le sida. Il suffit de voir les chiffres pour comprendre que ce n’est pas le cas. Elle est légitime parce qu’il ne nous échappe pas que le président français entend jouer les leaders au niveau mondial ; en matière de climat, par exemple. Il défend souvent l’idée que la France doit être un moteur voire un exemple. Nous sommes d’accord. C’est justement ce rôle-là que nous attendons de la France dans la lutte contre les grandes pandémies… et de celui qui la préside. L’enjeu de la conférence d’octobre à Lyon est vital pour les 37 millions de personnes touchées par le VIH ; vital pour éviter de nouvelles contaminations ; vital pour réussir le pari d’une fin de l’épidémie en 2030. Tout est désormais une question de volonté politique : celle d’Emmanuel Macron et celle des dirigeants-es qu’il réussira . entraîner à ses côtés.
Aurélien Beaucamp, président de AIDES
(1) : personnes vivant avec le VIH, hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes, travailleurs-euses du sexe, personnes consommatrices de drogues par injection, personnes trans, personnes migrantes, personnes d.tenues.
(2) : Hakima Himmich est la présidente de Coalition PLUS, dont AIDES est un des membres fondateurs.
(3) : "M. Macron, vaincre le sida en une génération dépend de vous" , par Hakima Himmich et Aurélien Beaucamp, Huffington Post, 30 novembre 2018.
(4) : Il s’agit de réunir les financements du Fonds mondial pour la période 2020-2022.
(5) : Voir en dernière page de couverture de Remaides.