L’Actu vue par Remaides : « Lutte contre le sida : les Français-es appellent la France à renforcer son engagement »
- Actualité
- 11.04.2025
IAS. DR.
Par Jean-François Laforgerie
Lutte contre le sida : les Français-es appellent la France à renforcer son engagement
À l'occasion du 7 avril, Journée mondiale de la santé, Coalition PLUS et AIDES ont publié les résultats d’une enquête d’opinion réalisée par l'institut Viavoice. Les résultats du sondage démontrent clairement que les Français-es sont « très préoccupés-es » par les « enjeux sanitaires mondiaux, particulièrement la lutte contre le VIH/sida ». Ils et elles attendent d’ailleurs un « engagement fort de la France sur la scène internationale » à ce sujet, notamment lors de la 8ème reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, qui se déroulera cet automne.
Le contexte n’est pas bon concernant l’aide publique au développement. Deux exemples. La France, qui a bien déjà raboté l’aide publique au développement dans le budget 2025 (presque deux milliards d’euros en moins), entend « recentrer ses efforts (…) là où les besoins sont les plus importants et les plus urgents », selon un communiqué de L’Elysée, le 6 avril (voir encart en fin d’article). Le vote du budget 2025 avait d’ailleurs été très critiqué (30 janvier) sur ce point par AIDES et Coalition PLUS : « Vote du budget : Après Trump, la France prive les malades du sida de leurs traitements ? » Aux États-Unis, c’est pire encore avec le gel de la quasi-totalité de l’aide étrangère américaine (Usaid) décidée brutalement par l’administration Trump, mi-janvier.
À l'occasion du 7 avril, Journée mondiale de la santé, Coalition PLUS et AIDES ont publié les résultats d’une enquête d’opinion réalisée par l'institut Viavoice. Les résultats du sondage démontrent clairement que les Français-es sont « très préoccupés-es » par les « enjeux sanitaires mondiaux, particulièrement la lutte contre le VIH/sida ». Ils et elles attendent d’ailleurs un « engagement fort de la France sur la scène internationale » à ce sujet. Cela tombe bien car dans quelques mois, la France aura l’occasion de montrer son « engagement ». En effet, cet automne aura lieu la reconstitution des ressources du Fonds mondial pour le VIH, la tuberculose et le paludisme. Tous les trois ans, la communauté internationale se retrouve pour financer la lutte contre ces trois grandes pandémies sur les trois ans qui suivent. La dernière en date des conférences de reconstitution des ressources du Fonds mondial ― la 7ème du nom ― avait eu lieu à New York en 2022. Elle avait débouché sur une promesse de dons de 14,25 milliards de dollars. C’était le montant le plus élevé jamais promis à l’institution, mais loin derrière l’objectif fixé qui était d’atteindre 18 milliards de dollars. La demande pouvait paraître élevée, mais elle était à la hauteur des défis : « sauver 20 millions de vies en trois ans ».
« Cette somme n’aurait pas suffi à éradiquer les trois épidémies d’ici 2030, mais aurait toutefois permis au Fonds mondial de maintenir ses actions après les conséquences dramatiques de la crise de la Covid-19 », expliquait AIDES dans un communiqué en 2022. D’autant, qu’à cette période, dix millions de personnes vivant avec le VIH étaient privées de traitement et que pour la seule année 2021, 650 000 personnes étaient décédées de maladies liées au sida. Plus complexe encore est la donne actuelle. L’Onusida indique que 630 000 personnes sont décédées de maladies liées au sida en 2023, que sur les 39,9 millions de personnes vivant avec le VIH, près d’un quart, soit 9,3 millions, ne reçoivent pas de traitement anti-VIH. Enfin, les dirigeants et dirigeantes des États se sont engagés-es à réduire les nouvelles infections à moins de 370 000 par an d’ici 2025, mais elles étaient de 1,3 million de cas en 2023, soit plus de trois fois supérieures à cet objectif. Et cela avant l’attaque du financement de la santé mondiale par l'administration américaine de 2025.
Les résultats du sondage de 2025 attestent une « large prise de conscience de l'urgence sanitaire mondiale » chez les Français-es. Ainsi, 85 % des Français-es considèrent aujourd’hui la lutte contre le VIH/sida comme une « priorité mondiale de santé publique », tandis qu’un tiers (33 %) en est même « tout à fait » convaincu. Cette mobilisation conséquente s'accompagne d'une conviction claire : pour neuf Français-es sur dix, « investir dans la prévention et le traitement du VIH/sida, ainsi que de la tuberculose et du paludisme, permet de renforcer la sécurité sanitaire mondiale et de prévenir la propagation de ces maladies. » Face aux pandémies mondiales, une majorité écrasante des Français-es souligne l'importance d'une réponse collective : « 90 % estiment que la prévention des grandes pandémies nécessite une solidarité et une coopération entre tous les pays ». Près d’un-e Français-e sur deux (47 %) exprime même une totale conviction à ce sujet. Très logiquement, il existe une « forte inquiétude liée à la suspension du financement américain », décidée en janvier dernier. L’arrêt brutal du financement américain des programmes internationaux de lutte contre le VIH/sida suscite de profondes inquiétudes dans l’opinion française : 80 % des Français-es anticipent une « dégradation significative de la prévention et des soins dans les pays en développement ». Par ailleurs, 75 % craignent une « hausse dramatique de la mortalité liée au VIH/sida », tandis que 65 % redoutent une « augmentation des contaminations, y compris dans les pays occidentaux. » « En effet, les virus ne connaissent pas de frontières. Un recul dans la lutte contre les grandes pandémies aurait des conséquences dramatiques et coûteuses sur le système de santé français : des malades supplémentaires à prendre en charge, des coûts de soins plus élevés que ceux liés à la prévention, des virus plus difficiles à traiter en raison des résistances », soulignent Coalition PLUS et AIDES.
Face à cette situation préoccupante, 78 % des Français-es affirment que la France doit jouer un « rôle majeur dans la lutte contre le VIH/sida à l’échelle mondiale ». Cette attente forte se traduit également sur le plan financier. En effet, « malgré le contexte de rigueur budgétaire, plus d’un-e Français-e sur deux (53 %) est favorable à l’augmentation de la participation financière française au Fonds mondial de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme ». Les Français-es s’opposant à une augmentation de la participation financière de la France représentent une part minoritaire (30%), tandis que 17 % ne se prononcent pas, signe d’une réserve plus que d’un refus manifeste. Pour les deux ONG, le « chef de l’État [Emmanuel Macron] doit s’engager à augmenter la contribution française pour atteindre l’objectif de 18 milliards de dollars » lors de la 8ème reconstitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Le Fonds mondial a récemment publié son « argumentaire d’investissement » (voir encart ci-dessous) pour la 8ème reconstitution ; autrement dit ce qu’il pourrait faire avec 18 milliards de dollars : « En atteignant les objectifs de financement exposés dans l’argumentaire d’investissement, le Fonds mondial pourrait sauver 23 millions de vies durant la période 2027-2029, réduire la mortalité combinée des trois maladies de 64 % par rapport à 2023 et bâtir des systèmes de santé et communautaires plus solides et mieux préparés à combattre les flambées épidémiques et les pandémies. »
Plus d’infos en français ici.
Enquête réalisée en ligne par Viavoice pour Coalition PLUS et AIDES du 19 au 21 mars 2025, auprès d'un échantillon de 1 000 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. Afin de garantir la représentativité de l’échantillon, des quotas ont été établis sur la population globale interrogée selon les critères suivants : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, région et catégorie d’agglomération.
Fonds mondial : l'argumentaire d'investissement de la 8ème reconstitution
Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (dit Fonds mondial) a lancé le 18 février l’argumentaire d’investissement de sa huitième reconstitution des ressources. « En atteignant les objectifs de financement exposés dans l’argumentaire d’investissement, le Fonds mondial pourrait sauver 23 millions de vies durant la période 2027-2029, réduire la mortalité combinée des trois maladies de 64 % par rapport à 2023 et bâtir des systèmes de santé et communautaires plus solides et mieux préparés à combattre les flambées épidémiques et les pandémies », y explique le document. « La lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme arrive à un moment crucial », a déclaré Peter Sands, directeur exécutif du Fonds mondial. « Sans investissement soutenu, les remarquables progrès accomplis jusqu’ici par notre partenariat sont à risque. Un investissement de 18 milliards de dollars US préviendra 400 millions de nouvelles infections » et sauvera des millions de vie (voir ci-dessus). « À l’heure actuelle, tous les partenaires qui s’efforcent de sauver des vies et d’améliorer la santé dans les pays à revenu faible ou intermédiaire sont confrontés à des difficultés financières sans précédent, qui mettent en péril les remarquables progrès accomplis dans le domaine de la santé mondiale. Un investissement soutenu et une action collective sont essentiels – non seulement pour préserver les accomplissements du passé, mais aussi pour achever le travail et bâtir un monde en meilleure santé et libéré des maladies », explique l’institution ; D’ailleurs, le Fonds mondial tente de convaincre par l’économie. Peter Sands explique ainsi : « L’impact d’un Fonds mondial entièrement financé ne se mesure pas seulement en vies sauvées : il change complètement la donne pour les nations et les communautés. Selon les estimations, chaque dollar investi produit 19 dollars en avantages pour la santé et l’économie, ce qui représente un extraordinaire retour sur investissement de 323 milliards de dollars au cours des trois prochaines années. » Et Peter Sands de conclure en appelant les pays à agir maintenant : « Le Fonds mondial appelle les gouvernements, la société civile et le secteur privé à unir leurs forces pour une action urgente. Il faut agir dès maintenant. Ensemble, nous pouvons changer la trajectoire de la santé mondiale, sauver des millions de vies et bâtir un monde en meilleure santé, plus sûr et plus équitable. ». À suivre.
Aide au développement : changement de pied à l'Elysée ?
La décision de « recentrer ses efforts » a été prise à l’Elysée lors d’un conseil présidentiel des partenariats internationaux, indique l’AFP. Ce conseil a fixé des « orientations stratégiques » qui « seront déclinées d’ici le mois de juin par le comité interministériel compétent en vue d’être appliquées par tous les opérateurs, instruments et instances dans lesquelles siège la France », selon le communiqué. Aucun chiffre n’est avancé à ce stade, mais « l’impératif national de redressement de nos finances publiques nous rappelle l’importance de recentrer nos efforts là où ces partenariats (internationaux) ont le plus d’impact et d’efficacité, de notre point de vue et de celui de nos alliés », « là où les besoins sont les plus importants et les plus urgents pour contribuer à la stabilité du monde ». « Nos actions doivent produire des résultats concrets et mesurables, et se concentrer sur les résultats, au-delà des moyens », et l’objectif est que « chaque euro investi produise un véritable retour sur investissement », est-il détaillé. « Parmi l’ensemble des pays où la lutte contre la pauvreté et la préservation de la planète constituent des défis aigus, l’État s’engage désormais à consacrer au moins 60 % de ses dons aux pays les plus vulnérables, dont les pays les moins avancés et ceux particulièrement vulnérables au changement climatique ou en situation de grande fragilité financière », selon le communiqué. « En raison du soutien massif dont elle a besoin et de la menace directe qui pèse sur l’Europe, la France réaffirme que l’Ukraine est considérée comme prioritaire », est-il notamment indiqué. La France « réaffirme » ainsi « l’importance particulière de ses partenariats avec le continent africain, ainsi que dans l’Indopacifique, et l’enjeu stratégique que constitue la stabilisation du voisinage européen ».
Au global, le conseil présidentiel des partenariats internationaux a « réaffirmé dix objectifs qualifiés de « prioritaires » définis en 2023, comme « renforcer la résilience face aux risques sanitaires, y compris les pandémies, en investissant dans les systèmes de santé primaire et en appuyant la formation des soignants dans les pays fragiles » ; « accélérer la sortie du charbon, financer les énergies renouvelables dans les pays en développement et émergents » ; « investir dans la jeunesse en soutenant l’éducation » ; « renforcer la souveraineté alimentaire notamment en Afrique » ; « promouvoir les droits de femmes » , ou « aider nos partenaires à lutter contre l’immigration irrégulière et les filières clandestines ».
Le gouvernement insiste également sur le fait de « privilégier la notion de partenariats internationaux plutôt que la terminologie de l’"aide publique au développement" » . Selon cette logique, l’acronyme AFD de l’Agence française développement ― l’un des bras armés de la politique d’aide de la France ― « devra faire l’objet d’une nouvelle explicitation permettant de mieux refléter le mandat de l’opérateur ». La France était le troisième contributeur européen et le sixième mondial à l’aide au développement en 2023, selon l’OCDE. Mais le gouvernement a sabré un tiers de l’enveloppe de l’APD (aide publique au développement dans le budget 2025, soit presque deux milliards d'euros.