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    L’actu vue par REMAIDES : « Pauvreté, précarité : un impact sur bien des domaines dont la santé »

    • Actualité
    • 16.09.2024

     

    Maison virus santé

     

    Par Jean-François Laforgerie

     

    Pauvreté, précarité : un impact dans bien des domaines dont la santé

    L’actualité a été chargée ces dernières semaines dans le champ des infos de santé. On a notamment pu prendre connaissance du 18e baromètre de la pauvreté et de la précarité réalisé par Ipsos pour le Secours populaire français, il confirme (si besoin était) que la pauvreté et la précarité ont un net impact sur la santé et l’accès aux soins. Du côté des pouvoirs publics, on vient de lancer Mon Bilan Prévention, un dispositif de prévention innovant entièrement pris en charge par l’Assurance maladie qui entend pallier les lacunes de l’accès aux soins des personnes qui en sont éloignées. De son côté, France Assos Santé lance une enquête inédite sur « l’ampleur des restes à charge invisibles ». Elle sera menée jusqu’au 12 octobre. Côté recherche, une étude confirme l’efficacité réelle du Nutri-Score sur la santé cardiovasculaire. La rédaction de Remaides fait le point sur l’actu Santé.

    Pauvreté, précarité : un impact sur la santé et l'accès aux soins

    Le 18e baromètre de la pauvreté et de la précarité réalisé par Ipsos pour le Secours populaire français est sorti le 12 septembre. Une fois de plus, il « brosse le tableau d'une précarité qui s'aggrave, s'étend et où l'accès à l'énergie, à la prévention et aux soins est fortement dégradé, en particulier pour les populations des zones rurales », souligne un communiqué du Secours populaire français. Alors que montre cette 18e édition du baromètre de la pauvreté et de la précarité Ipsos/Secours populaire ? D’une part que deux Français-es sur cinq disent désormais avoir traversé « une période de grande fragilité financière » au moins à un moment de leur vie. « Jamais ce niveau n’a été aussi élevé depuis le pic enregistré en 2013 », note l’ONG. Le niveau de difficulté est tel qu’au total, 62 % des Français-es déclarent avoir connu la pauvreté ou avoir été sur le point de la connaître. Un chiffre en hausse de quatre points par rapport à 2023. Assez logiquement, cette « fragilité financière » touche en premier lieu les catégories populaires. Ainsi, 80 % des ouvriers-ères déclarent « avoir connu la pauvreté ou avoir été sur le point de la connaître », un niveau en progression de six points en un an. « Parmi les personnes vivant dans les communes rurales, zones où la population est constituée d’une part importante d’ouvriers et d’employés, le niveau monte à 69 % », avance l’ONG.
    La grande fragilité de nombreux ménages se reflète dans la hausse, pour la troisième année consécutive, du « seuil de pauvreté subjectif » : une personne seule doit désormais disposer de 1 396 euros par mois pour ne pas être considérée comme pauvre, selon les Français-es. Au terme d’une hausse de 19 euros par rapport à 2023, le « seuil de pauvreté subjectif » n’avait jamais été porté aussi haut par les personnes interrogées, le plaçant pour la première fois à 2 euros du SMIC (1 398 euros nets pour un mois travaillé à temps plein).
    Et le Secours populaire français de commenter : « S’il faut disposer au minimum d’un SMIC pour faire face aux dépenses de la vie quotidienne, c’est que les fins de mois restent tendues : 52 % des répondants-es déclarent ne toujours pas réussir à mettre de l’argent de côté (-1 % seulement en un an). Surtout, 16 % des personnes interrogées sont même à découvert chaque mois. Là encore, la proportion est en recul par rapport à l’an dernier (-2 %), mais les ouvriers-ères, qui constituent la catégorie sociale la plus confrontée à cette précarité, voient leur compte bancaire plonger dans le rouge deux fois plus souvent que le reste de la population (31 %).
    Près d’une personne sur deux a des difficultés à payer ses factures d’énergie : 47 %, un nouveau record, au terme d’une hausse de deux points depuis 2023. Les factures sont si lourdes que 43 % des personnes interrogées ne chauffent pas leur logement lorsqu’il fait froid, « parfois ou régulièrement ». Par ailleurs, le coût du logement continue de fragiliser les familles, à un niveau jamais mesuré auparavant : 38 % rencontrent des difficultés à payer leur loyer ou leur emprunt immobilier (+ quatre points). « Enfin, un autre record est à déplorer, dans le domaine de la santé cette fois : 29 % des répondants-es éprouvent de fortes contraintes pour disposer d’une mutuelle (+ trois points). De la même façon, du fait de la baisse de son pouvoir d’achat ces dernières années, un-e Français-e sur trois (32 %) est toujours contraint-e « parfois ou régulièrement » de ne pas faire trois repas par jour.
    « De tels contrastes entre les différents niveaux de vie témoignent d’une aggravation des inégalités d’accès aux besoins essentiels. Ces écarts se mesurent aussi entre habitants des grandes villes, globalement plus aisés, et des petites communes rurales, où les catégories populaires sont très représentées. Ainsi, 57 % des ruraux peinent à partir en vacances au moins une fois par an. C’est neuf points au-dessus de l’ensemble de la population alors que les vacances participent au bien-être des personnes et à leur dignité (…) hors des métropoles, 40 % des répondants ont de grandes difficultés à disposer d’équipements numériques en état de fonctionnement. C’est sept points de plus que l’ensemble des Français. Une privation qui marginalise dans une société où l’accès aux services, et même aux services publics, a massivement migré sur Internet, rendant plus aléatoire la possibilité de faire valoir ses droits », indique le Baromètre. Toujours concernant la santé : un-e Français-e sur trois (34 %) juge difficile l’accès aux services de santé autour de chez lui-elle. Cette proportion atteint plus de deux habitants-es sur cinq en zone rurale (44 %).
    Le baromètre de la pauvreté et de la précarité a été mené auprès de 996 personnes, constituant un échantillon représentatif de la population française âgée de 16 ans et plus. Elles ont été interrogées par téléphone les 24 au 26 mai 2024.

    Mon Bilan Prévention est lancé

    « Mon Bilan Prévention » est un dispositif de prévention innovant entièrement pris en charge par l’Assurance maladie. Il est accessible partout en France. Il est assuré par les médecins, les sages-femmes, les infirmiers-ères et pharmaciens-nes volontaires, il donne à « chaque personne la possibilité de devenir actrice de sa santé et d’être sensibilisée tout au long de sa vie sur les comportements favorables à la santé ». Une campagne d’information pour promouvoir ce nouveau dispositif a été lancée le 9 septembre. Ce dernier est censé être une des pierres angulaires de la « mise en œuvre d’une politique publique globale de prévention », une des priorités de la Stratégie nationale de santé 2022-2023. « Mon Bilan Prévention » entend être un « temps d’échange privilégié » avec un-e professionnel-le de santé qui « permet de faire le point sur ses habitudes de vie (nutrition, sommeil, activité physique, addictions, bien-être mental et social, santé sexuelle) et de développer les bons comportements grâce à des conseils adaptés (à l’âge et la situation individuelle) ». Ce dispositif cible des âges clés de la vie : 18-25 ans ; 45 - 50 ans ; 60 - 65 ans ; 70-75 ans. En pratique : il s’agit d’un « rendez-vous santé entièrement pris en charge ». On doit le préparer en amont à l’aide d’un auto-questionnaire adapté en fonction de la tranche d’âge. Cet auto-questionnaire est disponible sur Mon Espace Santé après connexion, ou sur le site du ministère du Travail, de la santé et des Solidarités, puis on prend rendez-vous avec l’un-e des professionnels-les de santé de son choix proposant ces bilans. Une carte disponible sur Santé.fr recense toutes les personnes habilitées. Le Bilan Prévention s’effectue à l’occasion d’une consultation de 30 à 45 minutes, en moyenne. Cet échange avec le-la professionnel-le de santé sur ses habitudes de vie permet de déterminer ensemble une ou deux priorités en matière de prévention en santé. À l’issue de cet entretien, un Plan personnalisé de prévention est rédigé et transmis au médecin traitant. Dans son communiqué, le ministère explique que l’objectif de cette « nouvelle offre personnalisée » est de rendre chaque personne « actrice de sa propre santé » de façon à « éviter la survenue de maladies chroniques en identifiant les facteurs de risques ; prévenir la dégradation de la santé mentale ; programmer dépistages et rappels de vaccinations si besoin ; vivre mieux et plus longtemps en bonne santé. Ce bilan est « pris en charge à 100 % par l’Assurance maladie et la Mutualité sociale agricole » pour toutes les personnes assurées sociales, sans avance de frais.  « Mon Bilan Prévention contribue aussi à lutter contre les inégalités sociales de santé, particulièrement chez les personnes vulnérables ou éloignées du système de santé », souligne le ministère de la Santé et de la Prévention. Vingt-et-un millions de personnes sont concernées par ce dispositif : une personne sur quatre souffre d’une maladie chronique en France, trois sur quatre après 65 ans.

    Enquête : quelle est l'ampleur des restes à charge invisibles ?

    France Assos Santé (FAS), collectif dont AIDES est membre, a lancé le 12 septembre une enquête sur les « restes à charge invisibles, ces frais non remboursés, ni par la Sécurité sociale ni par les complémentaires santé ». « Nulle trace de ces « RACI » dans les statistiques officielles. Pourtant, ils pèsent lourd sur le portefeuille des personnes malades, en situation de handicap ou de perte d’autonomie », indique FAS. Le collectif cite d’ailleurs dans son communiqué le contexte actuel : « Baisse du remboursement des soins dentaires, doublement des franchises médicales, restriction de la prise en charge des transports, et maintenant remise en cause des ALD et proposition de créer des franchises supplémentaires ; 2024, annus horribilis pour les usagers du système de santé et les patients. Clairement, la tendance, cette année, aura été de faire des économies à leurs dépens. Et rien n’indique, moins encore dans le contexte politique actuel, qu’elle devrait s’infléchir dans un sens plus favorable, en témoigne la menace qui plane sur le principe de la prise en charge à 100 % des soins liés aux affections longue durée (ALD) ». Cela, c’est ce que FAS appelle la « partie émergée des frais » qui ont vu leur remboursement se réduire. « Mais nombre d’usagers-ères doivent aussi composer avec des dépenses de santé qui passent sous les radars et, à ce titre, ne font l’objet d’aucune prise en charge. Ce sont les restes à charge dits « invisibles », ou RACI, tels que le petit matériel médical (aiguille, pansement, désinfectant, etc.), les crèmes, les consultations avec un psychologue et/ou une diététicienne, l’activité physique adaptée, etc. », note le collectif, qui a eu l’idée de connaître le « poids réel » de ces « restes à charges dits invisibles » sur le portefeuille des personnes concernées. C’est le sens du questionnaire, lancé, il y a quelques jours. Ce questionnaire en ligne et anonyme est accessible jusqu’au 12 octobre. « Mobilisez-vous : l’heure des bons comptes a sonné ! », conclut FAS.

    Le Nutri-Score confirme son efficacité sur la santé cardiovasculaire

    La nouvelle version du Nutri-Score est contestée par plusieurs grandes entreprises agroalimentaires. Certaines marques (Danone, Bjorg, etc.) ont d’ailleurs décidé de retirer la mention sur certains de leurs produits en signe de protestation. Pourtant comme le souligne le Quotidien du Médecin (11 septembre) sa « pertinence en termes de santé publique » vient d’être confirmée par un groupe de chercheurs-ses français-ses, notamment dans le domaine de la santé cardiovasculaire. Selon une nouvelle étude de cohorte (cohorte Epic), un régime alimentaire contenant davantage d'aliments bien notés sur l'échelle du Nutri-Score dans sa nouvelle version protégerait contre le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) et d'infarctus du myocarde, explique le quotidien médical. On doit ce constat à des chercheurs-ses de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Cress-Eren), équipe mixte de l’Inserm, d’Inrae, du Cnam, de l’Université Sorbonne Paris Nord et de l’université Paris Cité, en collaboration avec des chercheurs-ses du Centre international de recherche sur le cancer (OMS-Circ). La cohorte Epic permet d’étudier les liens entre alimentation et santé cardiovasculaire. Plus de 345 533 personnes, réparties dans sept pays d’Europe et suivies pendant 12 ans, devaient renseigner le contenu de leurs assiettes, et donner régulièrement les tickets de caisses d’achats alimentaires, indique le journal. Entre 1992 et 2010, 16 214 participants-es ont développé une maladie cardiovasculaire (dont 6 565 infarctus du myocarde et 6 245 AVC). « Les résultats montrent que les personnes qui consommaient en moyenne plus d’aliments moins bien notés sur l’échelle du Nutri-Score présentaient un risque accru, notamment pour ces deux pathologies cardiovasculaires », explique le Quotidien du Médecin, faisant référence à un article publié dans The Lancet Regional Health. L’article explique que « chaque augmentation de un point sur la moyenne des Nutri-Score des aliments consommés (ce qui signifie une alimentation de moins bonne qualité) est associée à une augmentation de 3 % du risque d’infarctus et de 4 % de celui des AVC. « Ces résultats, combinés à l’ensemble des données disponibles concernant le Nutri-Score et l’algorithme qui le sous-tend, confirment la pertinence du Nutri-Score en tant qu’outil de santé publique pour guider les consommateurs dans leurs choix alimentaires dans une optique de prévention des maladies chroniques », souligne Mélanie Deschasaux-Tanguy, chargée de recherche à l’Inserm.