L’Actu vue par Remaides : « VIH et risques du tabac : les personnes vivant avec le VIH ne font pas le lien » (2)
- Actualité
- 21.07.2025
Crédit photo : Anthony Leprince pour Studio Capuche pour Remaides
Par Jean-François Laforgerie
VIH et risques du tabac :
les personnes vivant avec le VIH
ne font pas le lien (partie 2)
Réalisée entre juillet et octobre 2024 par l’institut Ipsos, une enquête nationale initiée par Actions Traitements et ses partenaires, dont AIDES, a été menée auprès des personnes vivant avec le VIH (fumeuses ou l’ayant été) et des professionnels-les de santé qui les prennent en charge. Cette enquête a permis de mettre « en évidence les bons leviers, les bons messages pour accompagner celles et ceux qui le souhaitent dans une démarche d’arrêt du tabac ». Quelques résultats marquants de cette enquête ont été présentés dans un premier article (Remaides N°131, printemps 2025). Ce deuxième article revient sur les enjeux de prise en charge et ce qu’il est désormais proposé comme accompagnement par certaines associations de lutte contre le sida et les experts-es du VIH. Un dernier article reviendra, cet automne, sur des expériences d’arrêt du tabac. À suivre.
Quelques généralités qui posent les enjeux de santé publique
Le tabac est la première cause évitable de mortalité en France. Ce produit est la première cause de mortalité par cancer et de mortalité avant 65 ans. Le tabac est responsable dans notre pays de près d’un décès sur huit. Sur le site du Comité national contre le tabagisme, on rappelle que le « tabac est le seul produit de consommation courante directement responsable de la mort prématurée de la moitié de ses consommateurs ». « Chaque année, la France paye un lourd tribut au tabagisme, qui reste la première cause de mortalité évitable avec 75 000 décès par an, soit 200 morts par jour », souligne, pour sa part, le ministère de la Santé et de l’Accès aux soins.
Faisons une pause. Ces chiffres peuvent faire peur, ce n’est pas l’objectif de Remaides qui souhaite rappeler ce que nous disent les données épidémiologiques au niveau général pour mieux comprendre quel peut être l’intérêt individuel à réfléchir à l’arrêt du tabac.
Poursuivons. La mortalité est plus élevée chez les fumeurs-ses actuels-les que chez les non-fumeurs-ses pour pratiquement toutes les causes, y compris les maladies pulmonaires chroniques, le cancer du poumon et les cancers oro-pharyngés ; les infections des voies respiratoires inférieures, les maladies vasculaires périphériques, le cancer de l'œsophage, le cancer du foie. Enfin, signalons que le coût social annuel du tabac était estimé à 156 milliards d’euros en 2019 (Source : Plan national de lutte contre le tabac, 2023-2027). Reste que ces chiffres concernent la population dans son ensemble. Qu’en est-t-il des personnes vivant avec le VIH ?
Quels liens entre VIH et tabac ?
Petit rappel à la suite du numéro précédent. La prévalence du « tabagisme » chez les personnes vivant avec le VIH est « plus de deux fois plus élevée que celle de la population générale, toutes régions et tous niveaux de revenu confondus », affirme un document de synthèse de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur tabac et VIH (juillet 2024). Le Rapport d’experts de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH (actualisation septembre 2024), qui consacre un court chapitre aux addictions dans la section consacrée à la prise en charge des comorbidités chez l’adulte vivant avec le VIH, explique à propos du tabac : « L’étude conduite dans la cohorte ANRS C03 Aquivih NA entre 2018 et 2020 montrait que 35,5 % des personnes vivant avec le VIH étaient des fumeurs actuels de tabac, dont les deux tiers avaient une dépendance moyenne ou sévère. » Selon les études, la consommation de tabac chez les personnes vivant avec le VIH oscille entre 36 % et plus de 50 %. Elle est supérieure à celle observée en population générale qui était établie à 31,9 % en France, en 2021. Des recherches récentes menées dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, indiquent que parmi les femmes vivant avec le VIH : 1,3 % fument, 2,1 % consomment du tabac sans fumée (tabac à macher, à priser) et 3,6 % consomment une forme ou une autre de tabac.
VIH et tabac : des risques aggravés de santé ?
Plusieurs études montrent que le « tabagisme » chez les personnes vivant avec le VIH « augmente considérablement le risque de morbidité et de mortalité par rapport aux personnes qui n’en consomment pas ou qui n’en ont jamais consommé. » « Le taux de surmortalité chez les fumeurs vivant avec le VIH est en moyenne trois fois plus élevé que celui de la population générale », assène l’OMS. Par ailleurs, chez les personnes vivant avec le VIH, la consommation de tabac est responsable de 30,6 % des cancers non liés au VIH, 25,5 % des infections respiratoires, 25,3 % des maladies cardiovasculaires et 24 % de la mortalité toutes causes confondues. Le Rapport d’experts résume l’enjeu d’une phrase : « Le risque de décès lié à la consommation de tabac est deux fois plus important chez les PVVIH comparé à la population générale. »
VIH et tabac : un « marqueur » social ?
Dans le Rapport d’experts (2024), on explique qu’il « existe un gradient social marqué du tabagisme avec un écart de quinze points entre les revenus les plus faibles et les plus élevés. » Le gradient social représente les effets du revenu sur la santé, mais aussi l'importance du revenu comme moyen d'avoir accès aux autres déterminants sociaux de la santé : l’instruction, par exemple. Le tabac est donc un « marqueur social » qui nécessite de « poursuivre l’accompagnement des populations les plus vulnérables », estiment les pouvoirs publics. Chez les adultes (18-75 ans) : 33,6 % des personnes fumeuses quotidiennes se trouvaient chez les personnes aux revenus les plus modestes en 2022. Le « tabagisme » est encore plus présent chez les personnes au chômage (42,3 %). Seulement 21,4 % parmi les personnes aux revenus les plus élevés, (soit douze points d’écart, pointe le Plan national de lutte contre le tabac, 2023-2027). L’OMS affirme que le tabac est le premier facteur de paupérisation. Et d’expliquer : « Fumer des cigarettes pèse sur le pouvoir d’achat : un fumeur consomme en moyenne 13 cigarettes par jour, ce qui correspond à une dépense d’environ 2 500 € par an. Autrement dit, l’arrêt du tabac peut représenter un gain de pouvoir d’achat en plus de 200 € par mois en moyenne. » Une part non négligeable des personnes vivant avec le VIH vivent dans une situation précaire.
Enquête nationale VIH et tabac : une envie d’arrêter
Dans leur rapport consacré à cette enquête nationale, Actions Traitements et ses partenaires constatent que la population interrogée est « sensible à l’arrêt du tabac », puisque 88 % des fumeurs-ses actuels-les ont déjà essayé d’arrêter de fumer pendant au moins une semaine et 79 % envisagent sérieusement d’arrêter de fumer. En revanche, « vivre avec » a peu d’impact sur les motivations à fumer des personnes vivant avec le VIH : seuls 20 % des personnes qui fument actuellement déclarent fumer pour « oublier le VIH et ses traitements. »
Des mesures pour faciliter l’arrêt
Ces dernières années, la prise en charge du tabac a évolué. Depuis 2019, les traitements par substituts nicotiniques (gommes, pastilles, patchs, comprimés, inhalateurs ou sprays buccaux) sont remboursés par la Sécurité sociale à hauteur de 65 %. Le ticket modérateur peut être pris en charge par les complémentaires santé. Le montant n’est plus plafonné annuellement comme auparavant. Quasiment tout-tes les professionnels-les de santé peuvent les prescrire sur une ordonnance dédiée. Elle ne doit comporter que cela.
Quelque 71 spécialités étaient remboursées début 2022. Cette stratégie a permis de passer de 200 000 à un million de personnes bénéficiaires uniques, par an, entre 2016 et 2021. Le chiffre était de 1 020 679 bénéficiaires uniques en 2022 (Source : Plan national de lutte contre le tabac, 2023-2027). La prise en charge est de 100 % dans le cadre de la couverture maladie universelle (CMU) et pour les personnes en affection de longue durée (ALD). À noter qu’il n’y a pas d’interactions entre les substituts nicotiniques et les ARV. Le Rapport d’experts indique que la « cigarette électronique constitue un outil de réduction des risques lorsque le sevrage nicotinique n’est pas souhaité ou n’est pas possible. » Les échecs d’arrêt du tabac restent nombreux et sont liés à de nombreux facteurs. Pour autant, « les traitements actuels donnent de meilleures chances de succès », soulignent les experts-es. Enfin, il est important de rappeler que la probabilité de succès de l’arrêt augmente avec le nombre de tentatives. Plus on essaie, plus grandes sont les chances de réussite. Par ailleurs, tabac info service peut vous informer et conseiller. Le numéro d’appel est le 39 89.
Une nouvelle proposition d’accompagnement
C’est dans ce contexte et à la suite de l’enquête Ipsos pour Actions Traitements et ses partenaires qu’a débuté, en avril, un nouveau dispositif d'accompagnement à l'arrêt du tabac. Il est proposé en partenariat avec AIDES Paris. Ce programme est réalisé avec le soutien financier de Santé publique France et le Fonds de lutte contre les addictions (Caisse nationale d'Assurance maladie). Le programme comprend des groupes de parole (qui seront mis en place dans quelques semaines), des entretiens motivationnels et des consultations gratuites avec une tabacologue, qui peut prescrire des substituts nicotiniques.
Comment faire ?
Pour obtenir plus d’informations ou prendre rendez-vous, il faut contacter Actions Traitements au 01 43 67 94 97 ou envoyer un VIHtabac@actions-traitements.org. Les rendez-vous se déroulent dans les locaux de AIDES Paris au 99, rue de Meaux dans le 19ème arrondissement. Métro : ligne 5, station Laumière ou ligne 2, station Jaurès.