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    L'Actu vue par Remaides : Rassemblement en hommage à Géraldine, femme transgenre assassinée à Paris

    • Actualité
    • 19.07.2024

     

    Géraldine

    © Sébastien Tüller

    Par Jean-François Laforgerie

    Rassemblement en hommage à Géraldine, femme transgenre assassinnée à Paris

     

    Quelques centaines de personnes se sont réunies mardi 16 juillet, en fin de journée, à Paris, à l’appel d’Acceptess-T, du Pastt et du Strass, en hommage à Géraldine, femme transgenre et travailleuse du sexe, tuée le 9 juillet dans la capitale. Une victime de plus à une liste de crimes transphobes déjà trop longue. L’auteur présumé du crime, un homme de 22 ans, a été mis en examen pour meurtre en raison de l’identité de genre et écroué.

    « Ce n’est pas un fait divers mais un fait politique. Ces meurtres se produisent encore et encore », a dénoncé (17 juillet) Mimi, présidente de l’association Acceptess-T, dans son intervention lors du rassemblement en hommage à Géraldine près du Trocadéro, non lion du parvis des droits de l’homme. Son association, à l’instar du Strass (syndicat du travail sexuel) et du Pastt (Prévention action santé travail pour les transgenres), avait appelé à un rassemblement d’hommage et de protestation. Dans un communiqué, titré « Meurtre de Géraldine, une transphobie et une insécurité « ubuesques » ! », les trois organisations ont rappelé les faits et donné leur lecture de ce crime.

    Les faits
    « Mardi 9 juillet 2024, Géraldine, travailleuse du sexe trans péruvienne de 30 ans, a été poignardée et assassinée dans son appartement du 16e arrondissement à Paris. Elle était en France depuis à peine deux ans, et travaillait comme escort pour aider financièrement sa mère et toute sa famille. Comme beaucoup de collègues, elle voulait simplement gagner sa vie, et non pas la perdre », indique le communiqué. « Le meurtrier présumé s’est dénoncé à la police en expliquant avoir paniqué, et avoir été « trompé » en découvrant la transidentité de Géraldine. Le caractère transphobe du crime est donc évident. La supposée « tromperie » quant au sexe d’une travailleuse du sexe ne peut jamais être prétexte à la tuer. Non seulement le motif est inacceptable, mais il pose question. Pour poignarder Géraldine, il a bien fallu que l’auteur soit en possession d’une arme tranchante, or un vrai client ne se rend pas à un rendez-vous armé ainsi. C’est d’autant moins crédible que les annonces d’escorting sont explicites, et que les clients contactent les femmes trans en pleine connaissance de cause », indique le texte.

    Crimes transphobes : des précédents
    « Nous croyons au contraire que l’agresseur a délibérément ciblé une femme trans migrante travailleuse du sexe en pensant s’en sortir impunément, car c’est malheureusement une grande partie de la société et du système judiciaire qui encourage à penser que certains groupes de personnes n’ont pas autant droit à la vie et à la sécurité », pointent Acceptess-T, le Pastt et le Strass.
    Et les trois organisations de rappeler des agressions et crimes récents :
    - 5 juillet 2024 : Angelina, une femme trans de 55 ans, est tuée à la hache par son compagnon dans l’appartement conjugal ;
    - 28 juin 2024 : une femme trans TDS est sauvagement agressée dans son appartement à Pigalle. Son agresseur prend la fuite et la laisse pour morte ;
    - Mai 2024 : une travailleuse du sexe trans est fauchée volontairement par un automobiliste après qu’elle ait refusé de monter dans sa voiture ;
    - Fin mars 2024 : un homme soupçonné d’avoir violé plusieurs dizaines de travailleuses du sexe trans pendant plusieurs années au bois de Boulogne est placé en détention provisoire après un énième viol.

    « Entre les attaques des TERF [pour Trans-exclusionary radical feminist, c’est-à-dire des féministes qui excluent les femmes trans des luttes féministes, ndlr], la promotion de leur livre [celui de Marguerite Stern et Dora Moutot, ndlr] par l’extrême droite, la proposition de loi LR contre les transitions des mineurs, et jusqu’aux propos du président Macron sur les « changements de sexe en mairie » qualifiés « d’ubuesques » : le contexte actuel de transphobie est une cause majeure de normalisation du déchaînement de haine à l’encontre des personnes trans et surtout des femmes trans », déplore le communiqué. Les trois organisations constatent que « depuis une semaine, des vidéos circulent et sont partagées sur des réseaux sociaux d’extrême droite pour s’amuser d’attaques par balles de airsoft sur des travailleuses du sexe au bois de Boulogne. Cette situation est loin d’être nouvelle : il y a deux ans, des femmes trans TDS étaient la cible de tirs de balles en plomb à Lyon. Cette vidéo a plutôt visibilisé des violences commises quotidiennement au bois de Boulogne dans l’indifférence des médias. Médias qui préfèrent nier la dignité humaine des femmes trans et leur véritable identité, même dans la mort, comme BFM Paris qui [a titré] dans son direct « L’escort-girl tuée car elle était un homme ». » « L’acharnement médiatique, les caricatures, la place offerte aux articles et aux tribunes transphobes sont responsables d’une déshumanisation qui se traduit en rejets familiaux, en violences et en assassinats », analysent les trois organisations.

    Une haine transphobe et contre les TDS… qui vient de loin
    Le communiqué souligne que « l’insécurité subie par les travailleuses du sexe est également liée au contexte politique répressif ». « Lors du procès en première instance du meurtre de Vanesa Campos en janvier 2022, Maître Nefali a fait remarquer à l’enquêteur que les accusés ont commencé à voler les travailleuses du sexe et leurs clients en 2016, justement par ce que la loi de prétendue « lutte contre le système prostitutionnel », en pénalisant les clients, empêche de porter plainte ». Les associations de défense des TDS rappellent que « lors de l’annonce du plan gouvernemental contre la « prostitution » d’Aurore Bergé [ministre démissionnaire chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, ndlr], il y a à peine deux mois, nos associations ont une fois de plus mis en garde que la répression accrue contre la location d’appartements Airbnb ou l’éviction par les chaines d’hôtels auraient pour conséquence davantage de clandestinité et donc d’insécurité ».

    Assassinats de TDS : des précédents
    « Nous aurions tellement aimé avoir tort mais les faits sont là, note le communiqué. Rien qu’à Paris, une travailleuse du sexe est assassinée en moyenne tous les deux ans :
    - Vanesa Campos, 36 ans, tuée par balle, bois de Boulogne, 18 août 2018 ;
    - Jessyca Sarmiento, fauchée volontairement par un automobiliste, 38 ans, bois de Boulogne, 20 février 2020 ;
    - Anissa, 26 ans, étranglée, Paris 19e, 9 avril 2021 ;
    - Ivanna Macedo Silva, 31 ans, assassinée dans son appartement, Courbevoie, 14 septembre 2021 ;
    - Saba, 49 ans, rouée de coups et battue à mort, Paris 19e, 8 novembre 2022 ;
    Géraldine, 30 ans, poignardée, Paris 16e, 9 juillet 2024.
    « Rien n’a changé depuis les mobilisations de 2018 suite au meurtre de Vanesa Campos, affirment Acceptess-T, le Pastt et le Strass. Toujours la même indifférence et silence gêné de la classe politique. Nos associations ont fait barrage à l’extrême droite lors des dernières élections pour des raisons évidentes : nous exigeons donc que le prochain gouvernement fasse barrage à la transphobie. Les OQTF [obligations à quitter le territoire français, ndlr] contre les femmes trans TDS doivent cesser. À défaut de régulariser tous les sans-papiers, les victimes de violence doivent a minima pouvoir bénéficier d’un droit au séjour ne serait-ce que pour organiser leur défense en France. Enfin, il est plus que temps de décriminaliser le travail sexuel afin d’améliorer la sécurité des TDS ».

    Rassemblement et recueillement : la mère de Géraldine présente
    Des participants-es tenaient des roses blanches à la main ou des pancartes où l’on pouvait lire des messages tels que « Contre la transphobie d’État », « Répression trans = régression sociale »,  « Vos politiques nous tuent », rapportent plusieurs médias.
    « Géraldine s’est assumée en tant que femme dès dix ans. Je l’ai soutenue face à son père qui l’a exclue du domicile familial (...) Géraldine, tu pars de ce monde comme une martyr de la cause trans », a déclaré devant les manifestants-es la mère de la victime, venue du Pérou, rapporte l’AFP. Avant d’ajouter : « C’était plus que ma fille, ma meilleure amie, ma confidente ». Des pancartes en hommage à une autre femme transgenre, Angelina, assassinée au début du mois de juillet à Compiègne (Oise) par son compagnon, étaient également présentes. 

    Un meurtre « transphobe » et un contexte
    Comme on a vu dans le communiqué d’Acceptess-T, du Pastt et du Strass, l’auteur présumé du crime a tenté de légitimer son geste par une panique qui l’aurait gagné lorsqu’il aurait compris que Géraldine était une femme trans. « En droit français, tuer une personne en raison de son genre est une circonstance aggravante, alors que l’auteur l’a utilisé pour sa défense, ce qui montre la transphobie », a fait valoir June Lucas, juriste de l’association Acceptess-T, citée par l’AFP et Le Monde. « Cette explication ubuesque et tragique [du suspect] rappelle la « trans panic defense » popularisée aux [États-Unis] », a réagi Sébastien Tüller, référent sur les droits des personnes LGBTI + au sein d’Amnesty International France. « La gay [ou] trans panic defense implique – soi-disant – que la simple découverte de l’orientation sexuelle ou identité de genre serait tellement terrifiante que cela pourrait entraîner un état psychotique temporaire s’exprimant par une violence incontrôlable. L’occasion de rappeler que l’homophobie, la transphobie et la putophobie devraient être considérées comme des circonstances aggravantes pas comme des circonstances atténuantes », assène Sébastien Tüller.
    « Avec les JO, la répression du travail du sexe est plus importante que jamais. Ces politiques mettent en danger les travailleurs du sexe », a dénoncé, de son côté, Maud Royer, présidente de l’association Toutes des femmes. Les participants-es au rassemblement du Trocadéro ont d’ailleurs demandé l’abrogation de la loi de 2016 contre la prostitution.

    Des réactions
    « La haine transphobe et la violence n’ont pas leur place dans notre société et doivent être combattus sans relâche », a réagi le 10 juillet sur X (ex-Twitter) la DILCRAH (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT), cité par Libé. Plusieurs personnalités politiques ont également réagi. « Une fois de plus un meurtre a été commis contre une femme trans, une fois de plus un meurtre a été commis sur une travailleuse du sexe. Cette fois, c’est le crime d’une escort girl trans dans le XVIe arrondissement dont il s’agit. Toute ma sympathie auprès de ses proches et de sa famille, toutes mes pensées pour elle », a écrit (sur X) la sénatrice écologiste de Paris Anne Souyris. Ella a également dénoncé « l’augmentation des discours transphobes, comme des propositions de lois de facto discriminantes (…) mènent à ces crimes de haine contre les personnes trans». Et Anne Souyris de souligner que la pénalisation des clients de prostitution rend toujours plus dangereuse l’activité du travail du sexe.  « Commérons son souvenir et celui de toutes les victimes de la transphobie. Il faut mettre fin à ce fléau. Ne lâchons rien face à la haine », a déclaré le sénateur communiste de Paris, Ian Brossat. De son côté, l’adjoint à la maire de Paris, David Belliard, a dénoncé une « transphobie décomplexée dans les médias » et une « complaisance avec les haineux » transphobes qui « tue », rappelle Libé. Pour l’Inter-LGBT, si « la transphobie tue […], c’est le résultat de la panique morale et de la stigmatisation orchestrée par une partie de la classe politique française ». « Nous réclamons justice pour Géraldine et de véritables mesures politiques contre toutes formes de haine et de violences transphobes ! », ont conclu Acceptess-T, le Pastt et le Strass dans leur communiqué.