L'Actu vue par Remaides : Protéger la santé des TDS, protéger leurs droits
- Actualité
- 27.06.2024
© DR
Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton
Protéger la santé des TDS, protéger leurs droits
L’actualité a été chargée ces dernières semaines dans le champ des infos sociales. Début juin, s’est déroulée la Journée internationale des professionnels-les du sexe (TDS). Â cette occasion, l’Onusida a pu mettre l’accent sur les enjeux de santé des TDS et ils sont nombreux. L’accès à la santé, il est également mis à mal dans les prisons françaises, une nouvelle fois confrontées à un nouveau record de surpopulation. La situation de l’incarcération dans le pays des droits de l’Homme, on le découvre dans le récent Rapport de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Il est accablant. En revanche, on note, dans un tout autre domaine, une légère amélioration de l’emploi des personnes en situation de handicap dans la Fonction publique. La rédaction de Remaides fait le point sur l’actu sociale.
Le 2 juin dernier, s’est déroulée la Journée internationale des professionnel(le)s du sexe. À cette occasion, l’Onusida a publié un communiqué expliquant que l’institution onusienne se dit « solidaire des professionnel(le)s du sexe » et qu’elle « soutient leur santé ». « Les formes croisées de stigmatisation et de discrimination structurelles et sociétales, y compris les lois, politiques et pratiques punitives, creusent les inégalités et empêchent les travailleurs-ses du sexe de protéger leur santé, leur sécurité et leur bien-être », avance l’agence. « La criminalisation crée des obstacles à l'accès et à l'utilisation des services vitaux de prévention, de dépistage et de traitement du VIH, ainsi qu'aux services de santé sexuelle et reproductive », estime-t-elle. Pour les travailleurs-ses du sexe transgenres, migrants-es ou issus-es de minorités ethniques, les « formes multiples et croisées de discrimination créent des obstacles supplémentaires à l'accès aux services et augmentent les risques de violence et de harcèlement ». Une étude menée en Afrique subsaharienne a révélé que la « probabilité de vivre avec le VIH était sept fois plus élevée pour un-e travailleur-se du sexe dans un pays qui criminalise le travail du sexe que dans un pays qui le décriminalise ». Une autre étude a montré que la criminalisation de tout aspect du commerce du sexe était associée à une réduction de l'accès aux préservatifs et de leur utilisation, ainsi qu'à une augmentation des taux de violence. Pour l’Onusida : « La décriminalisation du commerce du sexe pourrait permettre d'éviter entre 33 % et 46 % des infections par le VIH chez les travailleurs-ses du sexe et leurs clients-es sur une période de dix ans ». Parmi les pays ayant communiqué des informations à l'agence onusienne, 22 % des professionnels-les du sexe ont été victimes de stigmatisation et de discrimination au cours des six derniers mois. De plus, 12 % des travailleurs-ses du sexe ont évité d'accéder aux services de santé en raison de la stigmatisation et de la discrimination au cours des douze derniers mois. D’ailleurs, une personne travailleuse du sexe sur cinq explique avoir subi des violences au cours des douze derniers mois. À l'heure actuelle, 168 pays disposent de lois répressives qui criminalisent certains aspects du travail du sexe.
La surpopulation carcérale bat un nouveau record en France au 1er mai
Sans fin ! La surpopulation carcérale a atteint un nouveau record en France au 1er mai 2024, avec 77 647 personnes détenues, une situation poussant 3 405 d’entre elles à dormir sur un matelas au sol, selon des chiffres publiés, fin mai, par le ministère de la Justice. C’est le huitième mois consécutif de hausse de la population carcérale, en progression de 6,1% en un an. Cette situation contraint désormais 3 405 personnes détenues à dormir sur un matelas posé au sol, contre 2 241 il y a un an, un chiffre en hausse de plus de 50 %. Au 1er mai, les prisons françaises comptaient 61 966 places opérationnelles. La « densité carcérale globale » s’établit ainsi à 125,3 %, mais dans les maisons d’arrêt — où sont incarcérées les personnes détenues en attente de jugement et donc présumées innocentes, et celles condamnées à de courtes peines — elle atteint 150,3 %. Elle atteint ou dépasse même les 200 % dans 14 établissements ou quartiers de détention. Parmi les personnes incarcérées, 19 978 sont des prévenus-es, incarcérés-es dans l’attente de leur jugement. Au total, 95 205 personnes étaient placées sous écrou au 1er mai. Parmi elles, on compte 17 558 personnes non détenues faisant l’objet d’un placement sous bracelet électronique ou d’un placement à l’extérieur. Dans un communiqué, l’Observatoire international des prisons (OIP) a appelé le gouvernement « à publier les vrais chiffres de la surpopulation carcérale », lui reprochant de publier des données « sans distinction, en termes de nombre de places, entre celles dédiées aux hommes, aux femmes, aux mineurs-es et, dans certains cas, à la semi-liberté ». « En persistant à occulter les taux spécifiques des quartiers dédiés aux hommes détenus, le ministère de la Justice publie consciemment des taux d’occupation largement sous-estimés », estime l’OIP, qui donne l’exemple de Perpignan où « le taux d’occupation bondit de 201 à 259 % dès lors que sont exclues les données relatives aux femmes, aux enfants et à la semi-liberté », indique l’AFP. La surpopulation carcérale devient un sujet de plus en plus brûlant pour l’exécutif : ce problème a été mis en avant lors du mouvement de blocage des prisons lancé après l’attaque mortelle d’un fourgon pénitentiaire dans l’Eure, mi-mai. Dans un accord signé par la Chancellerie et les syndicats de surveillants-es pénitentiaires, qui a permis de mettre fin au mouvement de blocage, il est prévu de mener « une large concertation pluridisciplinaire » sur le sujet. La forme et le calendrier de cette concertation doivent figurer à l’ordre du jour d’une rencontre entre l’intersyndicale et le ministère de la Justice le 10 juin. Des mesures ont déjà été prises pour tenter de remédier à ce problème, telles que l’interdiction des peines de prison de moins d’un mois, l’aménagement des peines ou encore le développement du travail d’intérêt général. Mais celles-ci s’avèrent insuffisantes. L’exécutif table aussi sur la construction de 18 000 places de prison d’ici 2027 pour porter la capacité à 78 000 places opérationnelles. Reste que cet objectif a pris un « sérieux retard » et semble « déjà obsolète au vu de la situation », de nombreux-ses acteurs-rices et observateurs-rices estiment que cela ne résorbera pas le problème de surpopulation actuelle.
Mi-mars, le Conseil de l’Europe avait exprimé sa « profonde préoccupation » et invité les autorités françaises à « examiner sérieusement et rapidement l’idée d’introduire un mécanisme national contraignant de régulation carcérale », une idée défendue depuis longtemps par de nombreuses institutions, associations et syndicats. Fin mai, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a publié un avis dans lequel elle juge infondé le refus de l’exécutif d’introduire dans la loi ce mécanisme, qui interdirait à tout établissement pénitentiaire de dépasser un taux d’occupation de 100 %. Pour la CNCDH, les arguments du gouvernement, selon lequel « un tel mécanisme aggraverait le risque de récidive, porterait atteinte à l’indépendance des juges ou encore entrainerait une rupture du principe d’égalité entre les personnes détenues », ne sont « ni fondés juridiquement ni justifiés par la réalité de terrain », et « relèvent avant tout d’un choix politique, celui de s’inscrire dans le contexte actuel d’une surenchère sécuritaire ». Plus d’infos.
Rapport accablant de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté
Boum. Mis en ligne mercredi 15 mai, le rapport annuel de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, dresse, une fois encore, un tableau accablant de la situation dans les prisons et autres lieux de privation de liberté en France. Fait du hasard, le rapport est publié au lendemain « du terrible drame qui a causé la mort de deux surveillants pénitentiaires et grièvement blessé d’autres », a indiqué Dominique Simonnot. « La Contrôleure générale des lieux de privation de liberté présente ses sincères condoléances aux familles des victimes et à l’ensemble des agents pénitentiaires », a indiqué la CGLPL dans un communiqué. « Aggravation dramatique de la surpopulation carcérale », « profonde crise démographique de la psychiatrie », « carcéralisation croissante de la rétention administrative des étrangers », « atteintes aux droits persistantes en garde à vue » et « structures toujours précaires » des centres éducatifs fermés... Le rapport d’activité annuel de la CGLPL est sans appel, note l’AFP. Ainsi, « avec 77 450 détenus pour 61 570 places au 1er avril et un taux d’occupation moyen des maisons d’arrêt à 150,4 % (avec des pics à 250 % dans certains établissements), la France atteint chaque mois de nouveaux records d’incarcérations », déplore le rapport.
La CGLPL, autorité administrative indépendante chargée de défendre les droits fondamentaux dans les prisons, mais aussi dans les hôpitaux psychiatriques, les centres de rétention administrative (CRA), les centres éducatifs fermés (CEF) et les locaux de garde à vue, préconise notamment « la mise en place, dans la loi, d’une régulation carcérale ». « Pas plus de prisonniers que de places. Est-ce anormal ? Pourquoi l’Allemagne a-t-elle réussi là où la France rate tout ? », s’interroge la CGLPL.
« Les cellules individuelles n’atteignent jamais 9m2 et sont le plus souvent doublées, voire triplées. L’espace disponible par personne, une fois déduite la surface des sanitaires et du mobilier, est le plus souvent très inférieure à 3m2 », indique le rapport, cité par l’AFP. « Dans plusieurs établissements, l’état des abords est épouvantable, ce qui attire rats, pigeons, mouettes et chats qui, parfois, s’introduisent jusque dans les cellules (...) Dans un établissement, les punaises de lit prolifèrent au point que les personnes détenues sont recouvertes de piqûres et que certaines en ont des cicatrices », décrit encore le rapport. « Les détenus dormant sur un matelas par terre se trouvent contraints de boucher leur nez et leurs oreilles avec du papier toilette afin d’éviter que des cafards s’y introduisent », précise le rapport. Au 1er avril 2024, 3 307 détenus-es étaient contraints-es de dormir sur un matelas posé à même le sol de leur cellule, selon les données officielles du ministère de la Justice. Si le sort des détenus-es est peu enviable, que dire de celui du personnel pénitentiaire qui fonctionne « avec des effectifs de plus en plus tendus » ?
« Dans la plupart des prisons contrôlées » par la CGLPL, « les effectifs sont en nombre cruellement insuffisant. Plusieurs établissements s’accoutument à un fonctionnement très détérioré qui finit par devenir la norme. Les professionnels sont épuisés, marqués par leur impuissance professionnelle », souligne le rapport. Dans ces conditions, les faits de violence augmentent dans certains établissements. Le rapport relate ainsi le cas d’un détenu incarcéré pour la première fois, en exécution de diverses courtes peines, qui « a subi des faits de viol et des actes de torture pendant toute une nuit au mois de janvier 2023 ».
Le rapport de 182 pages évoque également la situation dramatique dans les hôpitaux psychiatriques où le manque de médecins et de personnel soignant a atteint « un stade d’extrême gravité ». La CGLPL propose régulièrement des « recommandations » aux pouvoirs publics pour améliorer la situation dans les lieux de privation de liberté mais, au cours des six dernières années, les réponses des autorités sont restées « souvent parcellaires ». « Il est difficile de défendre les droits de ceux qu’une société n’aime pas, ne veut pas regarder et se moque bien des mauvais traitements qui leur sont infligés », a constaté Dominique Simonnot. « Difficile également, de devoir répéter qu’il est inconcevable, en France, d’abandonner à un sort, souvent infect, les captifs et avec eux, ceux chargés de les garder, de les surveiller, de les soigner, de les accompagner », a-t-elle ajouté.
Fonction publique : l'emploi des personnes en situation de handicap a progressé en 2023
Petit progrès. Le taux d’emploi des personnes en situation de handicap dans la fonction publique a progressé en 2023 à 5,66 % des effectifs, contre 5,45 % en 2022, en deçà toutefois de l’objectif légal de 6 %, a indiqué, mardi 14 mai, l’organisme chargé de favoriser leur insertion professionnelle. Près de 270 000 agents-es bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs-ses handicapés-es (BOETH) ont ainsi été recensés-es, un chiffre en hausse de « plus de 4 % » sur un an, s’est félicitée auprès de l’AFP Marine Neuville, la directrice du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). Dans le détail, la fonction publique d’État comptait en 2023 près de 95 000 BOETH parmi ses 2,5 millions d’agents-es, la fonction publique territoriale plus de 118 000 bénéficiaires sur deux millions de fonctionnaires et contractuels-les, et les hôpitaux, près de 57 000 BOETH dans un effectif total d’1,2 million d’agents-es. Comme le précise l’AFP : le taux d’emploi direct des personnes en situation de handicap a ainsi atteint 4,64 % dans la fonction publique d’État, 5,64 % dans la fonction publique hospitalière et 6,89 % dans les collectivités locales. Comme les années précédentes, la fonction publique territoriale est donc la seule branche du secteur public à dépasser l’objectif fixé par la loi de 6 % de travailleurs-ses en situation de handicap dans ses effectifs. Le profil des personnes bénéficiaires (BOETH) n’évolue guère par rapport aux années précédentes : plus des deux tiers d’entre eux sont des femmes et près de la moitié des bénéficiaires appartiennent à la catégorie C, celle « des métiers d’exécution qui peuvent comporter une plus forte pénibilité » physique. Au sein des entreprises, 4 % des personnes en emploi étaient bénéficiaires de l’obligation d’emploi en 2022 selon l’Agefiph, pendant du FIPHFP pour le secteur privé. Les employeurs-ses comptant plus de 20 agents-es ou employés-es et échouant à atteindre ce plancher de 6 % doivent acquitter une contribution financière auprès du FIPHFP ou de l’Agefiph. Depuis la création du FIPHFP, « le taux d’emploi est passé de 3,74 % en 2006 à 5,66 % en 2023 », a fait valoir l’organisme dans un communiqué.