L'actu vue par REMAIDES : "SFLS 2023 : VIH et comorbidités : trop d’inégalités"
- Actualité
- 22.12.2023
© Fred Lebreton
Par Fred Lebreton, Célia Bancillon, Juan Camillo Jones, Jean-François Laforgerie, Thierry Tran, Daniel Hilt et Vincent Péchenot
SFLS 2023 : VIH et comorbidités : trop d’inégalités
Pour sa 24e édition, le congrès annuel de la Société française de lutte contre le sida (SFLS) avait choisi de poser ses valises dans la ville de Tours (région Centre-Val de Loire). Le thème de cette année ? La transdisciplinarité. La rédaction de Remaides revient sur les moments forts du congrès en quatre articles. Quatrième et dernier épisode.
Le poids des comorbidités
Les incontournables, ce sont de petites sessions qui reprennent toutes les infos importantes de l’année sur une thématique. Le Dr Alain Makinson (CHU de Montpellier) a présenté celle sur les comorbidités. Le sujet est important, mais passablement technique, donc pour être le plus complet possible la présentation va aller vite, très vite ; accrochez-vous à vos sièges !
Espérance de vie des PVVIH (Trickey et al. Lancet HIV 2023, ensemble de cohortes nord-américaine et européennes) : pas vraiment une comorbidité, mais avant la suite on apprécie quand même de commencer par ce point-là. La bonne nouvelle, c’est qu’à 40 ans, elle continue de monter chez les PVVIH avec une charge virale contrôlée (indétectable), sans antécédents de stade sida et, pour les HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) sous traitement, elle se rapproche de plus en plus de la population générale selon la date d’initiation du traitement (après 2015) et les CD4 (pour des CD4 > 500/mm3 à l’inclusion dans la cohorte en 2015 ou après). La moins bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas aussi net pour les hétérosexuels-les, notamment quand les CD4 sont inférieurs à 500/mm3 ou chez les personnes usagères de drogue par voie injectable, et plus généralement pour les femmes, l’écart reste plus important. Les enjeux d’inégalités d’accès à la santé, à la prévention, et les comorbidités compétitives expliquent probablement une partie de ces résultats.
Prévalence des comorbidités dans une cohorte en Hollande avec comparaison de la moyenne des comorbidités entre un groupe témoin (des personnes séronégatives) et un groupe de PVVIH recrutées en centres de santé sexuelle. Sans grande surprise, il y a plus de comorbidités chez les PVVIH, mais il n’y a pas d’accélération observée. DALY (Disability Adjusted Life Years) correspond au nombre d’année d’espérance de vie perdues en bonne santé en raison d’une mauvaise santé, d’un handicap ou d’une mort précoce dont l’impact mesurable varie selon le type de comorbidité (avec un coefficient par type de comorbidité). Pour les PVVIH, l’écart se creuse avec le temps pour les personnes ayant eu une histoire VIH ancienne, et traduit donc l’impact fonctionnel majoré des comorbidités chez les PVVIH.
La dernière enquête sur mortalité liée au VIH/sida de l’ANRS date déjà de 2010 et il est donc difficile de se repérer dans les causes de mortalité en France. Le Corevih Île-de-France Est a comparé les causes de décès de sa base de personnes suivies entre 2020-21 et 2011-2015. En 2020-21, les cancers non classant sida sont toujours la première cause, suivis par des infections non sida et majoritairement la Covid-19, principalement chez des personnes non vaccinées (y compris avant la disponibilité des vaccins, bien sûr), ou présentant d’autres comorbidités. À noter que 36 % des cancers sont liés au tabac en 2020-21, donc un risque qui peut potentiellement diminuer si la prévention du tabagisme s’accélère.
L’étude américaine sur le cancer anal ANCHOR (Palefsky et al.) concerne des PVVIH de plus de 35 ans (80 % hommes) ayant des lésions précancéreuses de haut grade traitées, puis suivies ou bien juste suivies pendant six mois par anuscopie haute résolution. Il y avait 4 400 personnes incluses avec 21 cancers dans les suivis et seulement neuf dans les traités-suivis (moyenne de suivi de 26 mois environ) donc quand même une réduction de 57 %. Cette stratégie ne fonctionne qu’avec une anuscopie haute résolution qui n’est pas encore si répandue et doit cibler des populations avec une incidence élevée : HSH PVVIH de plus de 30 ans et femmes ayant des antécédents cancéreux ou précancéreux vulvaire, ou transplantées depuis plus de dix ans avec des organes solides. À noter que les femmes vivant avec le VIH ont une prévalence plus faible que ces autres groupes, et ne sont pas retenues dans les populations cibles à screener pour ce cancer d’après la Société nationale française de coloproctologie (mais ceci pourrait changer avec les recommandations du groupe d’experts-es prévues en 2024).
Vaccination HPV en fonction de l’âge : Retour sur une méta-analyse (compilation d’études) (Weil et al. JID, 2023) sur l’efficacité vaccinale sur le cancer anal en fonction de l’âge. Si l’efficacité est de 82 % sur le risque d’incidence de lésions précancéreuses de faible grade chez les moins de 26 ans, notamment HSH, n’ayant jamais été exposés aux HPV des vaccins, il est de 50 % toutes populations confondues. Il y a en revanche une seule étude chez les plus de 26 ans (HSH vivant avec le VIH) et une efficacité non démontrée pour la prévention des lésions précancéreuses. Il semble cependant y avoir un impact sur les condylomes. D’autres études sont nécessaires.
Fragilité et troubles neuro cognitifs : la fragilité est surtout connue des gériatres et correspond à une baisse de la résilience face aux agressions de la vie (infection intercurrente, par exemple) due à un déséquilibre des interactions physiologiques du corps. Elle est corrélée sans être superposable aux pathologies antérieures et peut se mesurer avec un score phénotypique de Fried sur cinq indicateurs. SeptaVIH est une cohorte de PVVIH de plus de 70 ans et c’est probablement la première dans le monde. Il y a une forte prévalence de la fragilité corrélée à l’âge et aux comorbidités, ainsi qu’aux facteurs sociaux-économiques, mais pas aux facteurs immunologiques de l’infection VIH (potentiellement par des décès antérieurs des personnes les plus fragilisées). Les personnes fragiles ou très fragiles sont également exposées à un sur-risque de troubles cognitifs. D’autres études en population générale laissent penser qu’en agissant sur les facteurs de fragilité, on pourrait améliorer la cognition.
Risque cardiovasculaire : Reprieve est une étude sur les risques cardiovasculaires et leur prévention par des statines pour les PVVIH, notamment sur l’action des statines sur les dyslipidémies, mais aussi sur l’inflammation chronique. Une réduction de 35 % du risque a été observée dans le bras Pitavastatine (versus bras placebo) avec des variations en fonction des niveaux des risques cardiovasculaires qui ne valident pas un usage généralisé chez les PVVIH, mais probablement une prescription plus importante à des plus faibles niveaux de risque qu’actuellement. À voir ce que diront les recommandations par le groupe d’experts-es…
Diabète et anti-intégrases : La prise de poids est avérée sous anti-intégrases, et peut être un risque de diabète. Les études donnent actuellement des résultats contradictoires sur le risque de diabète chez les PVVIH initiées en première ligne, donc peu probants. Ce qui est certain, c’est que c’est par le biais de la prise de poids qui est bel et bien un facteur de comorbidité et doit être pris en compte lors de l’introduction des anti-intégrases, avec une approche multifactiorielle des facteurs de prise de poids (alimentation, etc.)
En conclusion, le Dr Alain Makinson rappelle que les conditions sociales, le logement, la nourriture, sont cruciales dans la lutte contre les comorbidités, et qu’ensuite on peut proposer une activité physique et une réduction des risques, notamment sur la question du tabac.
Accompagner les femmes vivant avec le VIH dans leur sexualité : un enjeu majeur de santé globale
Une première à la SFLS, une session (parallèle) était dédiée à la santé des femmes ! Pourtant, les femmes cis représentaient en 2022 35 % des PVVIH dans le soin et 30 % des nouvelles prises en charge. Autre chiffre qui peut laisser perplexe : seulement 4,6 % des personnes sous Prep sont des femmes cis. Il y a donc une distorsion assez forte entre les données épidémiologiques et les réponses en termes de prévention et de santé globale qui y sont apportées. Comme l’explique Gwenaël Domenech-Dorca, psychologue et sexologue : pour les personnes vivant avec le VIH, les questions autour de la sexualité représentent la première porte d’entrée dans la prise en charge, puisqu’étant majoritairement liées à la transmission du virus. Si les pratiques sont décrites, le désir, le plaisir, l’épanouissement sexuel sont bien trop souvent laissés de côté, et comme à l’accoutumée, ceci est largement renforcé pour les femmes. Celles-ci vont avoir tendance à beaucoup plus se réfugier dans l’abstinence, déclarant qu’elles n’ont « plus envie », mais aussi qu’elles ont peur de transmettre le virus. Les traitements et le virus peuvent entraîner des difficultés pour les femmes cis, impactant leur libido, leur plaisir et donc leur désir : absence d’orgasme, dyspareunie, sécheresse vaginale. Face à ces troubles, certaines font le choix d’arrêter leurs traitements afin de retrouver une vie sexuelle épanouissante. Il y a donc un intérêt majeur à accompagner les femmes vivant avec le VIH dans leur sexualité, reposer des mots sur l’intime, leur permettre d’exprimer et de mieux vivre l’annonce de leur séropositivité et les conséquences que celle-ci a eues sur leur vie et leur permettre de retrouver du plaisir !
Cinq posters de AIDES
Depuis des années, AIDES a développé un secteur dédié à la recherche communautaire initiant des projets de recherche ou participant à des projets montés avec des partenaires (ANRS ǀ MIE, Sesstim, Université Lumière Lyon 2, Coalition PLUS, Inserm, ipDH Bolivia, etc.). La qualité des travaux, ainsi réalisés, fait que des présentations (orales, posters…) sont régulièrement retenues dans les conférences (notamment internationales) et les congrès sur le VIH ou les hépatites virales. Cette année, lors du congrès de la SFLS, cinq posters ont été présentés. En voici les infos clefs.
- Prise en charge communautaire des violences sexuelles chez les HSH
Les violences à caractère sexuel au sein des minorités sexuelles, et notamment chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) sont aujourd’hui encore invisibilisées, ont expliqué les auteurs-rices de cette recherche, qui a porté sur l’exemple du groupe TSR (trauma, sexualité et reconstruction) mené au sein du SPOT Beaumarchais, un centre communautaire de santé sexuelle situé à Paris et géré par AIDES.
Pourquoi s’intéresser à ces violences ? Justement parce qu’elles restent « invisibilisées », alors que des études mettent en évidence une prévalence élevée de violences tout au long de la vie chez les HSH. « Le traumatisme lié au vécu de violences, l’indicibilité, la discrimination ou encore les normes et les pratiques sexuelles des HSH sont autant d’enjeux à prendre en compte dans la prévention et l’accompagnement des violences sexuelles, mais également du point de vue de la construction identitaire des minorités sexuelles », expliquent les auteurs-rices pour faire comprendre le contexte. Le SPOT Beaumarchais accompagne des HSH qui expriment des vécus de violences sexuelles (3 % des 437 entretiens avec un HSH au 1er semestre 2023). Cette structure a décidé de construire avec les personnes concernées une réponse dédiée. Pour cela, dix-sept groupes « TSR » d’auto-support ont été mis en place depuis janvier 2023 au SPOT Beaumarchais, composés de quatre à sept participants. Les groupes, co-animés avec une psychologue et un accompagnateur communautaire, ont pour objectif de « mettre en dialogue, au travers d’un paradigme communautaire, les vécus personnels des violences et des traumatismes pour avancer » dans une « démarche de reconstruction ». « Les différents groupes ont permis de mettre en évidence un besoin de compréhension des traumatismes, tant du point de vue de leurs conséquences sous l’angle comportemental, qu’au regard des difficultés partagées à réguler les émotions après le vécu d’un traumatisme sexuel. Les échanges au sein des groupes ont mis en lumière un partage autour des stratégies de faire-face à l’issue des vécus de violences sexuelles », expliquent les auteurs-rices. Les stratégies dont il est question sont la « réappropriation du corps » (cela passe par faire du sport, se faire tatouer…) pour « dépasser le corps marqué par le traumatisme » ; le fait de dire ou de ne pas dire le traumatisme ; le retour à une sexualité « normale » ou comment avoir un épanouissement dans sa vie sexuelle, après avoir été exposés à des violences sexuelles.
Dans leur conclusion, les auteurs-rices soulignent que l’outil qu’est le groupe TSR « répond à des besoins de prise en charge et d’accompagnement des violences sexuelles au sein de [cette] communauté spécifique, face à l’absence de dispositifs existants. » « L’approche communautaire, permettant un partage expérientiel, vise à décloisonner les vécus des traumatismes. L’approche permet également une réassurance individuelle et collective, là où la participation au groupe apparaît comme une manière de prendre soin de soi. La mise en sens collective des vécus apparaît comme nécessaire dans le processus de réparation des participants, notamment du point de vue des dynamiques de (re)construction identitaire post-trauma », commentent-ils-elles.
Auteurs-rices : Zerouali Toufik, Petit Anne-Sophie, Tiphagne Christophe, Morel Stéphane, Elisa Antoine, Chauvin Sarah & le groupe TSR.
- Facteurs associés au non recours au TPE chez des HSH n’ayant jamais pris la Prep
Un peu de contexte. Le recours au traitement post-exposition (TPE) reste faible parmi les populations exposées au VIH. C’est le cas des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH). Cette étude avait pour ambition d’identifier les facteurs associés au non recours au TPE afin de lever les barrières à son utilisation. L’étude s’est fondée sur la cohorte ANRS-PREVENIR, qui vise à réduire le nombre de transmission du VIH en offrant une prophylaxie pré-exposition (Prep) en continu et à la demande en Île-de-France. Cette dernière a recruté des participants entre 2017 et 2021. Un questionnaire auto-administré en ligne a collecté les caractéristiques des participants, ainsi que des données socio-comportementales et psychosociales. Le travail qui fait l’objet de ce poster a utilisé les données collectées à l’inclusion auprès de HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes) ne prenant pas la Prep (dits naïfs de Prep) et connaissant l’existence du TPE. Elle s’est intéressée au recours au TPE dans les 12 mois précédant l’inclusion dans l’étude Prévenir et cela concernant deux catégories : le non recours au TPE malgré la perception d’un besoin potentiel (une exposition potentielle au VIH) et le recours au TPE.
Quels résultats ? Parmi les 3 056 participants à l’étude, 632 (20,7 %) n’avaient jamais pris de Prep et connaissaient l’existence du TPE. Malgré la perception d’un besoin potentiel (une exposition potentielle au VIH) dans les 12 mois précédant l’inclusion, 424 (67,1 %) n’ont pas eu recours au TPE. Pour quelles raisons ? Les plus souvent déclarées étaient : « la sous-estimation du risque de contracter le VIH », « la peur d’être jugé ou stigmatisé », « ne pas vouloir aller à l’hôpital », « le délai de 48h était passé », « les difficultés d’accès liées aux horaires et à la distance des services » pouvant la délivrer. Les participants qui estimaient être exposés à des risques dans leur sexualité, ceux qui connaissent le statut sérologique de leur dernier partenaire sexuel et ceux qui avaient un niveau élevé de consommation d’alcool étaient plus susceptibles de ne pas recourir au TPE, soulignent les auteurs-rices. En revanche, la probabilité de ne pas recourir au TPE était moins élevée avec le nombre de tests VIH effectués dans les 12 mois précédant l’inclusion.
Qu’en retenir ? Cette étude démontre un « faible recours au TPE malgré une exposition au risque de VIH parmi les HSH naïfs de Prep à l’inclusion et connaissant le TPE. Des barrières individuelles et structurelles, telles que la sous-estimation du risque d’infection par le VIH et les difficultés d’accès liées aux services, constituent un obstacle au recours au TPE. Des programmes de prévention sur le VIH promouvant le TPE, le dépistage répété du VIH et l’intégration de services de réduction des risques liés à l’alcool pourraient accroître son recours. L’élargissement de l’offre hors milieu médical incluant des acteurs associatifs formés pourrait faciliter l’accès au TPE et augmenter le recours », concluent-ils-elles.
Auteurs-rices : Jones JC, Ahouah M, Sagaon-Teyssier L, Sow A, Mora M, Assoumou L, Rojas Castro D, Ghosn, J, Costagliola D, Molina JM, Protière C, Spire B, Michels D
- Soins et prévention en prison
Les besoins en santé et l’accès aux outils de prévention des personnes incarcérées représentent un enjeu majeur de santé publique dans la lutte contre le VIH et les hépatites, posent d’emblée les auteurs-rices. Dans ce contexte, la présente recherche a consisté à « observer l’état de santé, l’usage d’alcool et de drogues, et l’accès aux outils de Réduction des Risques (RdR) des personnes incarcérées au Centre de détention de Val-de-Reuil en Normandie », afin d’identifier des pistes d’amélioration. Voici comment cela s’est déroulé. Entre le 7 octobre et le 20 novembre 2022, un auto-questionnaire anonyme a été transmis aux personnes incarcérées dans ce centre de détention. Il comprenait 56 questions concernant le profil et le parcours de vie, la santé, les conditions de vie en détention ainsi que l’usage d’alcool et de drogues. Cent-vingt personnes détenues (hommes) ont rempli le questionnaire, soit 14 % de la population totale du Centre de détention de Val-de-Reuil. 47 % des personnes détenues se sentent « peu ou pas bien »; 48 % n’ont pas travaillé le dernier mois ; 38 des personnes incarcérées s’ennuient beaucoup ou tout le temps et 37 % un peu. Par ailleurs, 47 % ont déclaré ne pas avoir été dépistées pour le VIH et les hépatites virales depuis leur détention. De plus, 65 % considèrent que « leur santé s’est détériorée », les principales causes mises en avant sont le stress, l’alimentation et l’hygiène. Enfin, 22 % des répondants ont rapporté ne pas savoir où se procurer des préservatifs en détention ; 34 % ont déclaré consommer des drogues en prison (dont 4 % en injection) et 30 % des personnes incarcérées déclarent « vivre des violences ».
Pour les auteurs-rices, ces « données démontrent des besoins variés en santé et accès aux outils de RdR, ces derniers étant peu accessibles ». À la suite de ce constat, ils-elles préconisent un « renforcement des informations sur les modes de transmission du VIH et des hépatites », d’avoir une « réflexion sur les questions d’accès à l’hygiène » et une « réflexion quant à la facilitation à l’accès aux outils de RdR (préservatifs) et des programmes d’échange de seringues », et de faire une « remontée des problématiques concernant la détention et l’amélioration des conditions d’incarcération ».
Auteurs-rices : A. Barray, V. Winka, F. Lamme, JC. Jones, E. Pichard, F. Pilorgé.
- ANRS-SEXTRA : qui cibler pour les interventions communautaires ?
Cette question s’inscrit dans un travail de recherche (étude ANRS-SEXTRA) portant sur les « comportements de prévention du VIH parmi les hommes, les femmes trans et les personnes non-binaires dans le cadre des relations de sexe transactionnelles en ligne ou dans le cadre du sexe transactionnel en ligne ». ANRS-SEXTRA est une étude de recherche communautaire transversale exploratoire qui vise à observer les déterminants du VIH et les besoins en santé sexuelle. Elle concerne les hommes (cis et trans), les femmes trans et personnes non-binaires pratiquant le sexe transactionnel en ligne. Les auteurs-rices de l’étude constatent un manque d’information sur ce sujet est un de leurs objectifs était de « caractériser les profils de comportement de prévention du VIH et les facteurs associés parmi cette population ». L’étude s’est déroulée entre juin 2021 et mai 2022 au moyen de questionnaires auto-administrés en ligne qui ont permis de recueillir les caractéristiques sociodémographiques, les informations sur la santé sexuelle et l’utilisation des soins de santé des participants-es. Quels résultats ? Les hommes (cis, trans), les femmes trans et les personnes non-binaires pratiquant le sexe transactionnel en ligne qui fréquentent les organisations communautaires ont davantage recours à différentes méthodes de prévention du VIH (Prep, TPE, dépistage du VIH, etc.). En France, « les interventions devraient cibler les personnes plus vulnérables au VIH (: plus jeunes, moins susceptibles d’avoir fait des études supérieures) afin de garantir un meilleur accès aux services de santé sexuelle », concluent les auteurs-rices.
Auteurs-rices : M. Salcedo, C. Lacoux. Sagaon-Teyssier, J.C Jones, J. Castro Avila, E. Valdez, R.M. Delabre, D.Michels, D.Rojas Castro.
- Expérimentation du Trod VIH/syphilis
Depuis 2008 et sa participation aux recherches ANRS COMTEST et DRAGTEST, l’association AIDES propose du dépistage communautaire à l’aide de tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) auprès des publics les plus vulnérables au VIH. Cette offre s’est complétée par les Trod VHC et VHB. En mai 2022, AIDES a engagé, hors cadre réglementaire, une expérimentation d’offre de dépistage syphilis en utilisant le Trod INSTI Multiplex VIH/Syphilis. Cette étude avait pour objectif de « regarder la faisabilité de la proposition couplée VIH-syphilis », de « mesurer la pertinence et la plus-value à proposer des Trod syphilis (découvrir des syphilis actives, rejoindre des personnes nouvelles, répondre aux besoins des publics ciblés par AIDES) ». L’étude s’est déroulée du 1er mai au 31 décembre 2022 dans différents lieux de mobilisation de AIDES (Paris, Lyon, Centre Val-de-Loire) dans des locaux de AIDES ou de partenaires et hors les murs, auprès d’hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et de travailleurs-ses du sexe (TDS) ; et cela du fait de leur forte exposition à la syphilis et au VIH. Quels résultats ? 1 369 entretiens de dépistage avec des Trod Multiplex VIH/syphilis ont été réalisés auprès de 1 357 personnes, réparties ainsi : 72 % d’hommes cis, 25% de femmes cis, 2 % de femmes trans et 1 % d’hommes trans. Par ailleurs, 47 % des personnes sont nées en France, 53 % à l’étranger dont 56 % en Afrique subsaharienne. 37 % étaient des primo-testants-es. La moitié des Trod Multiplex VIH/Syphilis a été proposée hors les murs, dans les lieux de sociabilité des personnes. Cette offre de dépistage en « aller vers » facilite le lien vers le soin et l’orientation vers les structures classiques (médecin, Cegidd, Smit). Enfin, 85 % des Trod Multiplex VIH/syphilis ont été réalisés avec d’autres Trod : 60 % avec des tests VHC/VHB ; 22 % avec des VHC et 3 % avec des VHB. 51 personnes ont eu un résultat positif à la syphilis (3,7%) durant l’expérimentation.
Dans les actions de AIDES, il est systématiquement proposé aux personnes un accompagnement par les militants-es à la suite d’un dépistage positif. Pour les personnes dont nous disposons de l’information, nous observons que : sur les 51 positifs-ves, 26 personnes n’avaient jamais eu la syphilis ; 16 personnes ont réalisé une confirmation. Pour 14 d’entre elles, il s’agissait d’une syphilis active. 100 % ont été mises sous traitement immédiatement. Deux personnes ont également effectué des dépistages aux autres IST ; elles ont été vaccinées (VHB/VHA/papillomavirus) et mises sous Prep. Concernant les personnes ayant déjà eu la syphilis (soit 25 personnes), 16 ont réalisé une confirmation. Pour 13 personnes, il s’agissait d’une syphilis ancienne et guérie. Trois personnes avaient des syphilis actives. Pour les syphilis anciennes guéries, l’intérêt réside dans la confirmation au Cegidd qui peut déboucher sur d’autres offres : dépistages autres IST, vaccination et mise sous Prep.
« Cette expérimentation du Trod syphilis communautaire a montré sa pertinence au regard du fort taux de positivité global de 3,7 %. Ce taux est encore plus élevé auprès du public HSH (7,6 %). Cet outil redynamise l’offre de dépistage et permet d’attirer des publics cibles qui, grâce aux partenariats, sont accompagnés vers la confirmation du diagnostic et, si nécessaire, la mise sous traitement », commentent les auteurs-rices. « Pour les syphilis anciennes guéries, l’intérêt réside dans l’orientation vers le Cegidd [centre gratuit d'information, de dépistage et de diagnostic, ndlr] pour confirmation, permettant la proposition d’autres services : dépistages, vaccinations et Prep », concluent-ils-elles.
Auteurs-rices : Juliette Bougnoux, Antoine Piaton, Franck Barbier, David Michels, Solenn Bazin, Fabrice Pilorgé, Catherine Aumond, Stéphane Giganon.