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    L'Actu vue par Remaides : Prep injectable : grande efficacité du lénacapavir, mais quelle accessibilité ?

    • Actualité
    • 13.09.2024

    FLACON PREP

    © STUDIO CAPUCHE

    Par Fred Lebreton

    Prep injectable : grande efficacité du lénacapavir, mais quelle accessibilité?

    De nouvelles données confirment l’efficacité exceptionnelle de la Prep injectable à longue durée d’action tous les six mois à base de lénacapavir. La communication du laboratoire américain Gilead suscite beaucoup d’espoirs, mais quid de son prix et de son accessibilité ? La rédaction de Remaides fait le point sur ce nouveau traitement.

    PURPOSE 1 : 100 % d'efficacité

    Cela fait un moment que la rédaction de Remaides vous parle du lénacapavir. Commercialisée par Gilead sous le nom de Sunlenca, cette molécule est un nouvel inhibiteur de capside, soit une nouvelle cible du cycle viral du VIH. Elle a une longue demi-vie (six mois) et une forte puissance antivirale. Le lénacapavir n’a pas de résistance croisée connue avec d’autres classes d'antirétroviraux disponibles et offre donc une nouvelle option de traitement, administrable tous les six mois, aux personnes vivant avec le VIH, dont le virus n'est plus contrôlé efficacement par leur traitement. Pour les personnes vivant avec un VIH multi-résistant, la molécule est administrée en injection sous-cutanée, tous les six mois, associée à un traitement ARV oral (en comprimés quotidiens). La molécule est également testée en monothérapie pour la Prep avec une injection tous les six mois. Le 20 juin dernier, le laboratoire pharmaceutique Gilead dévoilait les premiers résultats de l’essai de phase 3 PURPOSE 1 qui évaluait le lénacapavir en Prep chez 5 300 jeunes femmes cisgenres, âgées de 16 à 25 ans, en Afrique-du-Sud et en Ouganda. Dans les résultats intermédiaires, il n'y a eu aucune nouvelle infection parmi les 2 134 femmes ayant reçu des injections de lénacapavir tous les six mois. Soit une efficacité de 100 %, ce qui n’était jamais arrivé jusqu’ici dans les essais cliniques sur la Prep.

    PURPOSE 2 : "Les nouvelles données sont tout simplement formidables"

    Dans un communiqué publié le 12 septembre, la firme américaine a rendu publics les premiers résultats de l'essai PURPOSE 2, qui testait la Prep injectable tous les six mois sous lénécapavir chez les hommes gays et bisexuels, ainsi que les personnes transgenres et non binaires. L'essai, PURPOSE 2, lancé en 2021, a recruté 3 250 hommes cisgenres et transgenres, femmes transgenres et personnes non binaires ayant des relations sexuelles avec des hommes,  dans plus de 80 sites de recherche aux États-Unis, en Argentine, au Brésil, au Mexique, au Pérou, en Afrique du Sud et en Thaïlande. Ils-elles ont été répartis-es aléatoirement dans deux groupes pour recevoir soit des injections de lénacapavir tous les six mois, soit des comprimés de Truvada pris une fois par jour.

    Selon Gilead, il y a eu deux nouveaux diagnostics de VIH parmi les 2 180 participants-es du groupe lénacapavir, ce qui signifie que 99,9 % des participants-es sont restés-es séronégatifs-ves. Il y a eu neuf nouveaux diagnostics de VIH parmi les 1 087 personnes dans le groupe prenant le Truvada (en général dans ces essais des infections dues à une mauvaise observance de la Prep orale). Le lénacapavir a réduit le risque d'acquisition du VIH de 96 % par rapport à l'incidence chez les personnes ne prenant pas de Prep et de 89 % par rapport au schéma de Prep avec Truvada pris quotidiennement. Le communiqué de Gilead ne donne aucun détail sur les deux cas d’infection dans le groupe lénacapavir. S’agit-il d’un problème d’observance ? Des injections non réalisées ou réalisées trop tardivement par rapport aux délais de protection ? Il faudra certainement attendre la conférence scientifique américaine, Croi 2025, qui aura lieu en mars 2025 à San Francisco, pour en savoir plus…

    Dans une interview accordée à NBC News, le Dr Hansel Tookes, professeur à l'Université de Miami, spécialiste du VIH, insiste sur le potentiel de cette nouvelle Prep en particulier pour les hommes gays et bisexuels racisés qu’il suit dans son service :  « En ce moment, notre défi est d'amener des personnes très exposées au VIH à prendre une pilule tous les jours pour prévenir quelque chose qu'ils n'ont pas. Devoir recevoir une injection deux fois par an est une option plus facile à proposer à nos patients ».

    De son côté, dans un entretien accordé à Poz, la Pre et infectiologue, Linda-Gail Bekker, investigatrice principale de l’essai PURPOSE 1 au Desmond Tutu HIV Center de l’Université du Cap (Afrique-du-Sud) ne cache pas son enthousiasme : « Les nouvelles données de PURPOSE 2 sont tout simplement formidables et signifient vraiment que la Prep injectable peut être proposée à toutes les populations qui pourraient bénéficier de cette merveilleuse innovation en prévention. La Prep orale reste une excellente option pour ceux qui la préfèrent et peuvent l'utiliser, mais pour ceux qui ont eu des difficultés, c'est tout simplement incroyable. Nous restons très enthousiastes à l'idée de voir un engagement urgent des régulateurs et des entreprises génériques afin que les gens puissent en bénéficier le plus rapidement possible ».

    Trois autres études en cours dans le monde

    Gilead prévoit de soumettre les données des études PURPOSE 1 et PURPOSE 2 à la FDA (agence américaine du médicament) d'ici la fin de l'année, afin de demander la commercialisation de la Prep injectable tous les six mois, en 2025, aux États-Unis. Trois autres études sont en cours dans le monde :

    PURPOSE 3 évalue le lénacapavir en Prep chez des femmes cisgenres aux États-Unis qui sont particulièrement exposées au VIH, avec un focus sur les femmes afro-américaines et les autres femmes racisées.

    PURPOSE 4 évalue le lénacapavir en Prep chez les personnes usagères de drogue par injection aux États-Unis.

    PURPOSE 5 évalue le lénacapavir en Prep en France et au Royaume-Uni avec des participants-es de communautés qui sont particulièrement touchés-es par le VIH et qui sont souvent sous-représentées dans les essais cliniques. Cette étude est destinée à des personnes qui n’ont jamais pris la Prep.

    "Ces données n'ont de l'importance que si le secteur agit rapidement, à grande échelle et de manière équitable"

    Les activistes VIH ont salué ces nouvelles données, mais ont exprimé des préoccupations concernant le coût et l'accès. Le lénacapavir en traitement du VIH coûte environ 3 450 dollars par mois aux États-Unis. Même si ce n’est pas le prix qui est attendu pour ce traitement en Prep, les versions génériques du Truvada ne coûtent que 20 dollars par mois. Une étude présentée à la Conférence internationale sur le sida en juillet dernier a montré que le prix du lénacapavir pourrait être ramené à environ 40 dollars par an avec des licences volontaires et une concurrence entre les fournisseurs de médicaments génériques. Le 22 juillet dernier, lors de la cérémonie d’ouverture de la conférence sur le sida (IAS) à Munich, Winnie Byanyima, la directrice exécutive de l’Onusida, avait livré un plaidoyer puissant en s’adressant directement aux dirigeants-es du laboratoire Gilead : « Je sais que vous êtes dans la salle. Vous avez un outil miraculeux. Il faut le rendre accessible maintenant pas dans six ans ! », exhortait-elle. « Nous devons rendre les médicaments à action prolongée accessibles à tous les pays à revenu faible. Nous devons accorder des licences génériques par l'intermédiaire du Medicines Patent Pool et rendre les génériques disponibles pour toute l'Afrique, l'Asie et l'Amérique latine. Gilead, make it happen ! (« Gilead, faites en sorte que cela arrive ! ») », plaidait la directrice de l'Onusida, applaudie par toute la salle

    Dans un entretien accordé à Poz, Mitchell Warren, directeur exécutif de l'AVAC (AIDS Vaccine Advocacy Coalition) reste, lui aussi, prudent concernant l’accès à cette innovation : « C'est le deuxième résultat impressionnant pour cette nouvelle option de prévention du VIH, offrant encore plus de possibilités de choix pour que davantage de personnes trouvent une option qui leur convient. Au-delà du choix élargi, une injection semestrielle a le potentiel de transformer la manière dont nous donnons accès à la prévention du VIH aux personnes qui en ont le plus besoin et qui la veulent. Il s’agit d’un traitement plus facile à suivre pour les individus et une réduction de la charge sur les systèmes de santé qui sont déjà à bout de souffle. Mais ces données n'ont de l'importance que si le secteur agit rapidement, à grande échelle et de manière équitable ».