L'Actu vue par Remaides : Even Elephants Do It : Un hommage vibrant à une médecin engagée face au sida
- Actualité
- 10.02.2025
© Compagnie Horizontal-Vertical
Par Fred Lebreton et Jean-François Laforgerie
Even Elephants Do It : Un hommage vibrant à une médecin engagée face au sida
Inspirée par le témoignage de Cécile Winter, médecin emblématique de la lutte contre le VIH, la metteuse en scène Mónica Mojica propose une création transdisciplinaire bouleversante. Entre théâtre radiophonique, vidéo et bruitages en live, cette œuvre rend hommage à l’humanité, l’éthique et le droit à mourir dans la dignité. Des valeurs portées par Cécile Winter, une femme engagée dans une époque marquée par l’épidémie de sida.
Un témoignage puissant
Mercredi 29 janvier 2025, théâtre de la Reine Blanche à Paris. Les lumières viennent de s’éteindre. Sur la gauche de la scène, cinq personnes sont assises dans le noir ; elles ne bougent pas. Au centre de la scène, un imposant écran vidéo diffuse des images d’éléphants, en noir et blanc, tandis que la voix d’une femme se fait entendre. Cette femme, c’est Cécile Winter, médecin infectiologue à l’hôpital Tenon puis responsable du service VIH à l’Hôpital de Montreuil de 1993 à 2017.
Even Elephants Do It est bien plus qu’un spectacle : c’est un récit humain et universel. Inspirée par 16 heures d’enregistrements avec cette femme médecin qui a marqué l’histoire des soins VIH en France, l’autrice et metteuse en scène Mónica Mojica a conçu une œuvre hybride qui mêle théâtre radiophonique, images vidéo et bruitages en direct. « Son témoignage profondément humain, intense et radical résonne avec l’actualité », explique Monica Mojica dans le dossier de présentation de la pièce, touchée par les engagements de Cécile Winter envers ses patients-es, notamment ceux et celles issus-es de communautés marginalisées, comme les migrants-es, les gays et les usagers-ères de drogues. La mise en scène fait la part belle à une parole directe, sans filtres, transmise par des comédiens et comédiennes jouant derrière un micro. Ce dispositif scénique dévoile une quarantaine de personnages, tantôt médecins, patients-es ou artistes, et donne vie à des instants d’angoisse, de grâce et d’humour. Les vidéos projetées en slow motion rendent hommage aux victimes oubliées de la pandémie de sida en Afrique, dans une volonté de rappeler, comme le disait Cécile Winter, que son « bureau de consultation était devenu une porte ouverte sur le continent africain ». Cette lenteur dans les images invite les spectateurs-rices à respirer et à se connecter à l’essentiel, dans un univers immersif où la beauté et l’espoir se mêlent au tragique.
Une création immersive
Pour Mónica Mojica, Even Elephants Do It représente une réponse artistique et humaniste face à une époque où les récits d’engagement et d’amour se font rares.
« J’espère transmettre l’intense émotion que le récit de Cécile m’a procurée », confie-t-elle. Si ce projet a vu le jour grâce à l’enthousiasme de la médecin, décédée en 2021, il demeure une ode à son héritage. La metteuse en scène se souvient avec tendresse d’un échange où la médecin, découvrant le projet, lui répondait : « J’adore les éléphants et je suis très contente de me trouver en leur compagnie. » Par son choix audacieux de transdisciplinarité, Mónica Mojica, déploie un langage scénique où les voix, les images et les sons s’entrelacent pour toucher les spectateurs-rices en profondeur. Les bruitages en live ajoutent une dimension de quasi bande dessinée à certaines scènes, tandis que les vidéos explorent l’invisible, ce qui reste latent dans les témoignages : l’humanité, l’espoir et la résilience.
Le droit à mourir dans la dignité
Mais au fait pourquoi ce titre mystérieux « Even elephants do it » (« Même les éléphants le font ») ? Que font-ils de si spécial ces éléphants ? Pour comprendre le sens de ce titre, il faut connaitre le rite de fin de vie de ces pachydermes. Le « cimetière des éléphants » est une expression issue de légendes africaines, selon lesquelles les éléphants, sentant leur mort approcher, se retireraient dans un lieu isolé pour y mourir. Ce lieu serait rempli de défenses et de restes d’éléphants, symbolisant un espace mythique de repos final. Cette image est souvent associée à des notions de solitude, de sagesse et de respect pour la fin de vie. Et nous touchons ici au cœur de cette pièce et au cœur de l’engagement humaniste de Cécile Winter : Le droit à chacun-e de mourir dans la dignité. Un sujet toujours d’actualité en 2025 avec les débats sans fin sur l’euthanasie.
Even Elephants Do It, texte de Monica Mojica, avec Antoine Voituriez avec la complicité des comédiens-nes ; mise en scène de Monica Mojica, avec Éléonore Lamothe, Rémi Oriogun-Williams, Clara Rousselin, Cyprien Fiassé, Adam Migevant et Cécile Winter
Théâtre La Reine Blanche. 2, bis Passage Ruelle, 75018 Paris. Durée : 1h35.
Jusqu’au dimanche 2 mars 2025.
Réservations en ligne.
© Compagnie Horizontal-Vertical
D'autres pièces qui abordent la question du VIH sont présentées à Paris
Les Idoles au Théâtre de la Porte Saint-Martin
Les deux dernières décennies du XXe siècle resteront dans l’Histoire comme « les années sida ». La génération à laquelle appartient Christophe Honoré fut la première à parvenir à l’âge adulte en étant pleinement consciente de cette menace, explique le théâtre dans sa présentation du spectacle de Christophe Honoré. Ce dernier a eu vingt ans en 1990, l’année de la mort du cinéaste Jacques Demy. L’année aussi où le chorégraphe Dominique Bagouet créa Jours étranges, dont Honoré vit trois ans plus tard une performance posthume. Le dramaturge Bernard-Marie Koltès avait succombé un an plus tôt ; un an plus tard, Hervé Guibert était emporté à son tour. Cyril Collard s’apprêtait à tourner Les Nuits fauves, sorti en 1992 – tandis que disparaissait le « ciné-fils » Serge Daney, trois ans avant la mort de Jean-Luc Lagarce... Ce sont ces personnalités qui ont toutes marqué Christophe Honoré qui sont au cœur de son spectacle. En rendant hommage à ses six Idoles – Collard, Daney, Demy, Guibert, Koltès, Lagarce –, à travers six manières singulières d’affronter le désir et la mort en face, Honoré revient aux « jours sinistres et terrifiants » de sa jeunesse. La distribution comprend Harrison Arévalo, Jean-Charles Clichet, Marina Foïs (qui joue Hervé Guibert), Julien Honoré, Paul Kircher et Marlène Saldana.
Les Idoles, écriture et mise en scène Christophe Honoré, jusqu’au 6 avril au Théâtre de la Porte Saint-Martin. 18, boulevard Saint-Martin. 75010 Paris
tél. : 01 42 08 00 32.
Plus d’infos et réservations.
Deux œuvres de et sur Jean-Luc Lagarce au Théâtre de l’Atelier
Deux pièces : l’une du dramaturge français Jean-Luc Lagarce, l’autre composée à partir de son journal sont présentées au Théâtre de l’Atelier à Paris. La plus connue est Juste la fin du monde, montée régulièrement et adaptée au cinéma par Xavier Dolan. Après de longues années d’absence, Louis rend visite à sa famille avec le fardeau d’une terrible nouvelle : il va mourir des suites du sida. Mais comment exprimer l’indicible aux siens ? Trente ans après la disparition de Jean-Luc Lagarce, Johanny Bert revisite sa pièce culte. Dans un espace onirique où des objets en suspension se font témoins des générations passées, Juste la fin du monde dépeint par la force de mots et de silences éloquents, la complexité des liens familiaux. La distribution comprend Astrid Bayiha, Céleste Brunnquell, Vincent Dedienne (dans le rôle de Louis), Christiane Millet, Loïc Riewer.
L’autre texte (Il ne m’est jamais rien arrivé) a été composé à partir d’extraits tirés des carnets d’écriture et du journal du dramaturge.
Qui était réellement Jean-Luc Lagarce ? Vincent Dedienne a exploré les carnets d’écriture de l’un des plus grands dramaturges du XXème siècle. Dans ce Journal, au fil des années, se dessine le portrait intime d’un jeune homme drôle et terrifiant. « C’est une vie solitaire et sentimentale entre Paris et Besançon dans les années 80. La vie d’un fou de théâtre, qui voit apparaître le sida et mourir Coluche et Simone Signoret. Une grande et une petite vie à la fois », explique le théâtre. « J’ai toujours voulu faire quelque chose avec le Journal de Lagarce. La proposition de Johanny de me confier le beau rôle silencieux de Louis dans Juste la fin du monde, a été le déclencheur : tout ce que sa famille voudrait que Louis dise, et tout ce qu’il tait, je le dirai moi, au public, dans ce seul-en-scène ! », explique Vincent Dedienne.
Juste la fin du monde, de Jean-Luc Lagarce, mise en scène Johanny Bert.
Jusqu’au 2 mars 2025 au Théâtre de l'Atelier. 1, place Charles-Dullin, 75018 Paris.
Plus d’infos sur 01 46 06 49 24 et en ligne.
Il ne m’est jamais rien arrivé, de Vincent Dedienne et Jean-Luc Lagarce, mise en scène Johanny Bert.
Jusqu’au 2 mars 2025 au Théâtre de l'Atelier. 1, place Charles-Dullin, 75018 Paris.
Plus d’infos sur 01 46 06 49 24 en ligne.