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    L'Actu vue par Remaides : RN : un programme Santé qui veut la mort des ARS

    • Actualité
    • 05.07.2024

    RUPTURE MEDICAMENTS

    © DR

    Par Célia Bancillon et Jean-François Laforgerie

    RN : un programme Santé qui veut la mort des ARS

     

    Dimanche 7 juillet a lieu le second tour des élections législatives. La rédaction de Remaides vous propose de décrypter le programme santé du RN (voir notre premier article). Un programme pour les droits humains, la santé publique et notamment pour les personnes exposées au/ou vivant avec le VIH qui fait peur. Focus sur une des mesures phares de la doxa d’extrême droite la fin des agences régionales de santé.

     

    La suppression des agences régionales de santé (ARS)

    Concernant les ARS, l’objectif affiché est de « débureaucratiser la santé ». La solution ? Supprimer les ARS car, selon les mots de Jordan Bardella, ces structures « procèdent trop souvent d'une vision comptable de la santé, avec la décision arbitraire de fermer des hôpitaux et maternités ». À la place, ce serait aux préfets de coordonner l’action en matière de santé « directement en lien avec un préfet délégué à la santé, issu du terrain », a expliqué le responsable d’extrême droite. Cette suppression des ARS se ferait concomitamment avec un « moratoire sur les fermetures d’établissements sanitaires et de maternité ». Cette attaque contre les ARS n’est pas nouvelle, comme le rappelle une note (21 juin 2024) de la Fondation Jean-Jaurès, un think tank de gauche. Dans le cadre des élections législatives 2024 des experts-es et les Observatoires de la Fondation Jean-Jaurès ont analysé le programme du Rassemblement national, secteur par secteur. Pour celui de la santé, c’est un collectif de médecins qui s’y est collé. Il souligne qu’en 2022, dans son programme pour la présidentielle, Marine Le Pen dénonçait déjà une « bureaucratie qui pénalise la qualité des soins », qui serait incarnée par les Agences régionales de santé (ARS) à l’origine de la « dictature des indicateurs chiffrés ». En guise de solution, elle prônait alors le transfert des compétences des ARS aux préfets de région pour « réaffirmer l’autorité de l’État dans le domaine de la santé ». Bon, comme au RN, on n’est jamais à une contradiction près, on avait donc la volonté de renforcer l’autorité de l’État avec cette mesure tout en maintenant l’objectif de « redonner toute sa place au personnel soignant ». Dans son analyse, la Fondation Jean-Jaurès soulignait que cette « tutelle des préfectures de région » s’exerçait par « des objectifs […] fixés par un contrat défini par les Directions régionales des affaires sanitaires et sociales ». « Loin de supprimer les contraintes administratives qu’il dénonce, le RN souhaite donc prolonger la centralisation en élargissant le périmètre des préfets et en leur confiant le sujet de la santé. L’objectif de cette mesure, loin de rendre de l’autonomie aux acteurs de terrain, vise à rigidifier encore plus notre système de santé tout en noyant son pilotage au sein des préfectures. Les hôpitaux resteront donc soumis à une « dictature des indicateurs » dictée par une autorité – le préfet de région – qui ne possède pas d’expertise particulière sur les questions de santé ». Cette proposition de suppression des ARS est contestée par certains acteurs-rices importants-es de la santé. C’est le cas de la Fédération de l’hospitalisation privée, dont le président, Lamine Gharbi, a écrit dans un de ses éditos quelques lignes en défense des ARS : « Je voudrais parler aujourd’hui des Agences régionales de santé, que d’aucuns voudraient rayer du paysage au nom d’une prétendue « bureaucratie » (pour la remplacer par une autre, cela dit en passant). Or il y a les envolées verbeuses et il y a la réalité : pendant la crise sanitaire notamment, des coopérations inédites entre acteurs publics et privés ont été tissées sous l’égide d’ARS qui, malgré les difficultés, ont su faire émerger de l’intelligence collective. Qu’apportera à la santé des citoyens leur suppression ? Rien. Nous y sommes donc formellement opposés ».

    Halo contre la supposée bureaucratie... à l'hôpital

    L’extrême droite entend réduire le poids des services administratifs dans les hôpitaux et transférer une partie des emplois vers les services opérationnels (plafond de 10 % de postes administratifs). Cette proposition est aussi à voir en lien avec la suppression des ARS prévue par le RN (voir encarts numéros 1 et 2). Quelles en seraient les conséquences ? D’une part, une possible surpuissance du corps médical dans les enjeux de santé, au risque de voir encore reculer la place des malades et des représentants-es des usagers-ères. De plus, qui aurait la charge d’évaluer les projets à financer, de prendre du temps pour aller à la rencontre des associations, de proposer de déployer de nouveaux modèles innovants ?
    Dans un article du Point : Le grand flou du programme santé du Rassemblement national (17 juin 2024), le journaliste Stéphane Demorand explique que la « volonté de limiter à 10 % les postes administratifs au sein de l'hôpital » révèle « une réelle méconnaissance du fonctionnement de l’hôpital » « Le parti de Jordan Bardella semble ne pas savoir que les psychologues, les brancardiers ou encore les secrétaires médicales sont comptabilisés dans les effectifs administratifs. La réduction à 10 % des postes est tout simplement illusoire au risque de voir le fonctionnement de l'hôpital totalement s'enrayer », assène le journaliste.

     

    Fin des ARS : France Assos Santé dénonce un "signal très inquiétant"

    « Les agences régionales de santé sont essentielles au fonctionnement du système de soins dans notre pays. Or leur suppression pure et simple qui parait totalement improvisée, est la mesure emblématique du programme santé des candidats-es Rassemblement national, avec la suppression de l’AME ! », dénonce dans un communiqué (2 juillet), France Assos Santé (FAS). Et le collectif d’usagers-ères de la santé d’expliquer : « Le fonctionnement des ARS peut et doit sans doute être amélioré pour une meilleure efficience. Il est loin d’être parfait avec encore trop de réflexes purement administratifs. Néanmoins, les ARS sont porteuses de l’orientation impulsée par le gouvernement et le Parlement, qui déterminent nos politiques de Santé publique et leurs moyens financiers. Avec les CRSA (Conférences régionales santé autonomie), elles associent les acteurs de santé des territoires, associatifs, professionnels et élus locaux (…)Supprimer les ARS comme le préconise le RN, pour les remplacer par des préfets sanitaires, c’est transférer le pilotage des politiques régionales de santé du ministère de la santé vers le ministère de l’intérieur ! » Et le collectif de conclure : « Pour France Assos Santé, une telle vision de la Santé Publique et de l’organisation du système de santé est un signal très inquiétant ».

    "Le programme du RN est assez indigent sur le plan de la santé"

    Le 27 juin, le Journal du Centre proposait une interview d’Émilie Agnoux, spécialiste des services publics. Haute fonctionnaire, celle-ci a exercé dans plusieurs administrations ainsi qu’en cabinet ministériel. Elle anime depuis 2021, le laboratoire d’idées « Le Sens du Service public » pour refonder les services publics. Interrogée sur les ressorts du vote en faveur de l’extrême droite dans les zones rurales, Émilie Agnoux constate que sur « le terrain », on entend une « très forte insatisfaction vis-à-vis d’un certain nombre de services publics, à commencer par les questions de santé (…) Cela étant dû aux réformes depuis une quarantaine d’années ». La désertification médicale est d’ailleurs une des clefs de la protestation concernant le champ de la santé. Et la spécialiste d’expliquer : « Le problème de démographie médicale participe d’un sentiment d’abandon pour ces populations rurales qui, pourtant, avaient tout ça auparavant. Il y avait un médecin généraliste dans quasiment chaque commune, on n’attendait pas des heures aux urgences, on pouvait accoucher à proximité. Aujourd’hui, il faut aller dans les grandes villes, passer des coups de fil à des dizaines de dentistes pour ses enfants… Ça participe de cette colère et du sentiment que les choses vont moins bien qu’avant alors que les gens jouent le jeu, paient des taxes, des impôts. Ils ne comprennent pas ce qu’il se passe ». « Les sujets de santé sont compliqués », rappelle Émilie Agnoux. « Le programme du RN est assez indigent sur le plan de la santé. La question des médecins retraités ne répond pas aux besoins. Le fait de dire « réglons le problème de l’immigration, on désengorgera les services publics », est fallacieux. Ce sont des personnes qui ont moins recours et moins accès aux services publics que les autres. Et on a besoin de l’immigration pour faire tourner nos services publics, à commencer par nos hôpitaux publics qui emploient plus de 10 % de médecins étrangers. Le RN n’est pas clair sur cette question qui apporterait des problématiques supplémentaires ».
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