L’Actu vue par Remaides : « Santé : des nominations fantasques aux États-Unis »
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- 08.12.2024
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Par Jean-François Laforgerie
Santé : des nominations fantasques
aux Etats-Unis
Ces dernières semaines ont été marquées par la nomination par Donald Trump de deux personnalités controversées à des postes clefs sur la santé de la nouvelle administration américaine. Toujours aux États-Unis, les expulsions massives de personnes immigrées promises par Trump font craindre une réaction en chaîne. De son côté, le Parlement australien se penche sur l’interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 16 ans. La rédaction de Remaides fait le point sur ce qui se passe dans le monde, côté politiques de santé.
Etats-Unis : une nomination très controversée à la Santé
Quelle idée ! Qui de mieux qu’une personnalité vaccinosceptique pour diriger le ministère de la Santé américain ? C’est ce qu’a dû penser Donald Trump lorsqu’il a formé son gouvernement puisqu’il a confié le ministère de la Santé à Robert F. Kennedy Jr (RFK Jr), notoirement sceptique vis-à-vis des vaccins. Sous la gouverne de son nouveau patron, le ministère de la Santé « jouera un grand rôle pour assurer que tout le monde soit protégé des produits chimiques, polluants, pesticides, produits pharmaceutiques et additifs alimentaires dangereux », a écrit Donald Trump sur ses réseaux sociaux. RFK Jr, 78 ans, est le neveu du président assassiné John F. Kennedy. C’est un ancien avocat en droit de l’environnement sans formation scientifique, qui doit sa nomination à ses qualités de tribun et à son renoncement en août à être candidat indépendant à la présidentielle… contre Donald Trump. RFK Jr a propagé des théories du complot, sur les vaccins contre la Covid-19 comme sur de prétendus liens entre vaccination et autisme. Il s’est prononcé pour un droit à l’avortement s’arrêtant à la viabilité du fœtus (environ 24 semaines). L’arrivée dans quelques semaines de RFK Jr à la tête du contrôle des agences de santé américaines a provoqué un « vent de panique parmi les scientifiques, qui s’inquiètent de ses prises de position dangereuses et répétées contre les vaccins », rappelait Le Figaro (7 novembre). Il faut dire que l’homme est adepte de certaines théories conspirationnistes. En juillet 2023, il avait laissé entendre que la Covid-19 était une arme biologique génétiquement modifiée contre certaines ethnies. « Le Covid-19 cible particulièrement les Caucasiens et les personnes noires. Les personnes les plus résistantes seraient les Juifs ashkénazes et les Chinois », a-t-il déclaré lors d’un dîner avec la presse. Pour compléter le tableau, il n’a cessé de promouvoir des traitements inefficaces contre la Covid-19 (hydroxychloroquine, etc.) pendant la pandémie. Il dit d’ailleurs le plus grand bien de Didier Raoult, qui lui rendait récemment la politesse dans une interview complaisante sur Cnews à propos de la sortie du dernier opus du Français (Homo Chaoticus ; révolution dans l’évolution, Éditions Michel Lafon, septembre 2024). Enfin, on peut rappeler que Robert F. Kennedy Jr est l’auteur d’un « essai » contre Bill Gates, Big Pharma et Anthony Fauci disponible en français : Anthony Fauci, Bill Gates et Big Pharma : leur guerre mondiale contre la démocratie et la santé publique (Éditions Résurgence). RFK Jr a d’ailleurs menacé l’ancien conseiller de Donald Trump à la santé de poursuites judiciaires si Anthony Fauci avait commis des « crimes » durant sa gestion de la crise de la Covid-19 aux États-Unis.
Santé : nouvelle nomination fantasque aux Etats-Unis
Trump ose tout. Donald Trump a annoncé mardi 19 novembre qu’il allait nommer Mehmet Oz, un ancien chirurgien star des plateaux télé, pour piloter l’énorme programme public d’assurance maladie américaine. C’est encore une mauvaise nouvelle dans le champ de la santé aux États-Unis, pays où les inégalités d’accès aux soins sont déjà légion. « Les États-Unis sont plongés dans une crise de la santé publique et il n’y a pas de médecin plus qualifié que le Dr. Oz pour rendre sa santé à l’Amérique », a affirmé le président élu dans un communiqué rédigé dans son style tonitruant habituel. « Il réduira également le gaspillage et la fraude au sein de l’agence gouvernementale la plus coûteuse de notre pays », a prétendu Donald Trump. Ce chirurgien de 64 ans est connu pour être une star du petit écran grâce à la papesse de la télévision américaine Oprah Winfrey, mais dont les tentatives de se lancer en politique ont échoué. Porté sur la surenchère dans ses recommandations santé, parfois ponctuées de qualificatifs comme « magique » ou « miracle », qui lui ont valu les critiques de confrères, Mehmet Oz a aussi été accusé d’avoir promu des traitements ou des compléments alimentaires inefficaces ou potentiellement dangereux, notamment sur la Covid. Un profil d’expert à n’en pas douter.
Le Parlement australien se penche sur l'interdiction des réseaux sociaux pour les moins de 16 ans
Contrôle. Un projet de loi sur l’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 16 ans a été présenté au Parlement australien jeudi 21 novembre. Cette législation pionnière, promue par le Premier ministre Anthony Albanese, obligerait les plateformes telles que X, TikTok, Facebook et Instagram à prendre des mesures pour empêcher les moins de 16 ans d’y accéder. En cas de non-respect de cette obligation, des amendes pouvant aller jusqu’à 50 millions de dollars australiens (31 millions d’euros) seraient imposées. L’Australie fait partie des pays à la pointe de la régulation des réseaux sociaux pour protéger les enfants et les jeunes. La limite d’âge proposée serait l’une des mesures les plus strictes au monde mais son mode d’application reste encore flou, note l’AFP. Le texte prévoit des critères stricts en matière de protection de la vie privée, qui obligeraient les géants technologiques à supprimer toute information recueillie pour la vérification de l’âge. La ministre des Télécommunications, Michelle Rowland, a souligné que les entreprises de réseaux sociaux étaient responsables de la « sécurité et de la santé mentale » des Australiens-nes. « Il incombe aux plateformes de réseaux sociaux, et non aux parents ou aux enfants, de veiller à ce que des mesures de protection soient mises en place », a-t-elle déclaré. Certains bénéficieront de dérogations, comme YouTube, dont les adolescents-es peuvent avoir besoin à des fins scolaires notamment. Les services de messagerie, tels que WhatsApp, et les jeux en ligne devraient être également exemptés. L’image des réseaux sociaux a été ternie ces dernières années par des cas de cyber-harcèlement, d’exploitation sexuelle de mineurs-es, et la diffusion de contenus illégaux ou dangereux pour les enfants. Si la loi proposée est adoptée, les entreprises de la tech bénéficieront d’un délai d’un an pour l’appliquer. Des géants technologiques se sont engagés à appliquer la législation mais ont mis en garde le gouvernement contre une action trop rapide et sans consultation adéquate. Des analystes ont également exprimé des doutes quant à la faisabilité technique d’une interdiction stricte selon l’âge. Le réseau social d’Elon Musk, X, est par ailleurs engagé dans une bataille juridique face au régulateur australien d’internet quant à sa modération des publications violentes. Plusieurs pays et territoires ont décidé d’imposer un âge minimum pour accéder aux plateformes. Dans l’État américain de Floride, une loi doit entrer en vigueur en janvier 2025 pour interdire l’ouverture d’un compte aux personnes de moins de 14 ans. L’Espagne a voté en juin une loi interdisant l’accès des moins de 16 ans aux réseaux sociaux. Mais dans ces deux cas les modalités pratiques n’ont pas été déterminées. En France, une loi votée en 2023 qui a instauré une « majorité numérique » à 15 ans n’est pas encore entrée en vigueur, dans l’attente d’une réponse de la Commission européenne sur sa conformité au droit européen. Emmanuel Macron s’est même prononcé pour l’interdiction du téléphone « avant 11 ans ». La Chine, qui restreint l’accès pour les mineurs-es depuis 2021, exige, elle, l’identification via un document d’identité. Les moins de 14 ans ne peuvent passer plus de 40 minutes par jour sur Douyin, la version chinoise de TikTok, et le temps de jeu en ligne des enfants et adolescents est limité.
Immigration : les expulsions massives promises par Trump font craindre une réaction en chaîne
Folie de campagne. Donald Trump, réélu président des États-Unis, a promis de lancer la plus vaste opération d’expulsions d’immigrés-es en situation irrégulière de l’histoire américaine. Mais, selon les experts-es, ce projet risque de se heurter à une cascade de problèmes économiques et juridiques. « Le discours est une chose et l’application en est une autre », assène Stephen Yale-Loehr, professeur de droit de l’immigration à l’université de Cornell, alors que le nombre de personnes étrangères en situation irrégulière aux États-Unis est estimé à quelque 12 ou 13 millions. Compte tenu des protections juridiques accordées par la Constitution américaine à toute personne, quelle que soit sa nationalité, « Trump ne peut pas simplement arrêter des gens et les expulser le lendemain », a-t-il expliqué à l’AFP. Les personnes en situation irrégulière doivent d’abord être présentées à un juge qui statuera sur leur demande de rester dans le pays. Or, « il y a déjà un stock de 3,6 millions de dossiers en souffrance dans nos tribunaux d’immigration », pour environ 700 juges, indique Stephen Yale-Loehr. « Il faudrait donc recruter des milliers de nouveaux juges », sans compter les agents-es de la police de l’immigration (ICE) pour arrêter les personnes sans titres de séjour valides, la construction de nouveaux centres de détention et les avions pour les expulser, énumère-t-il. Des centaines de milliards de dollars pourraient être requis pour une opération de cette ampleur. Un autre aspect se fait aussi jour : les répercussions économique de ces expulsions forcées. Les études économiques tablent en cas d’expulsions à grande échelle d’étrangers en situation irrégulière sur une réduction de la main d’œuvre, en particulier dans certains secteurs, et une hausse des salaires et de l’inflation. Cela se traduirait, selon l’ONG American Immigration Council, par une réduction du PIB des États-Unis de 4,2 % à 6,8 %, comparable au recul de 4,3 % lors de la récession de 2007-2009.