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    L’Actu vue par Remaides : « Un jeune Congolais vivant avec le VIH expulsé de France »

    • Actualité
    • 29.07.2025

     

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    Crédit photo : DR.

    Par Jean-François Laforgerie

    Un jeune Congolais vivant
    avec le VIH expulsé de France

    Malgré les dangers pour sa vie et en dépit de la mobilisation inter-associative et politique, Joes, jeune Congolais vivant avec le VIH, a été expulsé vers Kinshasa, le mercredi 9 juillet. Explications et réactions sur une décision grave.

    Mi-juin, un communiqué de la Cimade Sud-Ouest alerte sur le fait que la « préfecture des Hautes-Pyrénées [Tarbes] met tout en œuvre pour expulser un jeune homme de 23 ans atteint du VIH qui ne pourra pas bénéficier de soins dans son pays d’origine ».
    Le jeune homme, Joes, est originaire de la République démocratique du Congo (RDC). Il vit avec le VIH et il est alors menacé d'expulsion. Arrivé en France à l'âge de 12 ans, Joes aurait dû obtenir sa régularisation. Mais pendant la crise sanitaire de la Covid-19, les administrations qui pouvaient la lui accorder sont restées fermées. Son dossier s’est enlisé et sa situation administrative s’est détériorée. Résultat : il était alors sous la menace d’une OQTF (obligation à quitter le territoire français). Des organisations, dont AIDES et bien sûr la Cimade en France, et l’Union congolaise des organisations des personnes vivant avec le VIH (UCOP+) en RDC se mobilisent en juin, en sa faveur.
    La préfecture entend donc l’expulser dans son pays d’origine, la RDC, où il ne pourra pas bénéficier des soins nécessaires, soulignent les associations françaises. Deux raisons à cela : des conditions matérielles qui ne permettent pas une prise en charge adaptée à son état de santé et le fait qu’il y a subi des « discriminations en raison de sa pathologie ». Les ONG françaises contestent donc cette expulsion vers un pays « dans lequel [Joes] n’a plus aucune attache ni aucun relais ». « Il ne pourra pas avoir accès à la prise en charge indispensable à la préservation de son état de santé », affirme notamment la Cimade, qui mentionne « l’arrêt du financement des programmes de lutte contre le VIH par les États-Unis [Usaid, Pepfar etc. ndlr] qui crée une situation dans laquelle un « grand nombre de personnes ne pourra plus accéder au traitement » et encourt, de ce fait, un « risque vital ».

    Cette opinion, l’Union congolaise des organisations des personnes vivant avec le VIH (UCOP+), établie à Kinshasa, la partage. L’ONG de RDC a été consultée par AIDES et par La Cimade sur la situation dans le pays concernant l’accès aux traitements anti-VIH et les risques encourus par J. si son expulsion était effective. Dans un courrier, Ange Mavula Ndeke, secrétaire exécutif national de l’UCOP+, avance plusieurs arguments qui plaident pour le maintien du jeune homme en France. « S’il existe [dans le pays], la loi 08/011 du 14 juillet 2008, qui est censée garantir les droits des personnes vivant avec le VIH/sida (…) Dans la pratique, l'État congolais ne s'est jamais donné les moyens de garantir et d’assurer le traitement [pour les personnes concernées] », avance ce militant de la lutte contre le sida. « Étant donné que le suivi et le traitement des personnes vivant avec le VIH ne sont pas assurés par l'État, il y a souvent un grave problème de rupture de stock de médicaments vitaux ; ce qui met en péril leurs conditions de vie, et les expose à des infections opportunistes pouvant conduire à la mort », souligne Ange Mavula Ndeke. En temps normal, cette situation est préoccupante. Elle l’est plus encore avec les récentes décisions américaines qui ont entraîné des conséquences délétères sur l’accès aux traitements, notamment en RDC.

    Des ONG sont montées au front
    Dans un courrier adressé à Jean Salomon, préfet des Hautes-Pyrénées, Camille Spire, la présidente de AIDES, demande, dès juin, à ce que la situation du jeune homme soit « réexaminée ». « Grâce à un traitement suivi en France, son état de santé est actuellement stabilisé. Un renvoi vers son pays d’origine compromettrait gravement sa santé, voire sa survie, en raison des importantes difficultés d’accès aux traitements et aux soins en République Démocratique du Congo », souligne Camille Spire.

    La présidente de AIDES pointe le fait que les « avis officiels sur l’accessibilité aux soins dans ce pays ne prennent pas en compte la dégradation récente de la situation sanitaire, liée à l’arrêt du programme américain Pepfar (…) La suspension de ce programme a profondément fragilisé l’accès aux traitements et aux soins pour des milliers de personnes vivant avec le VIH en RDC ». « Dans ce contexte, le renvoi  [de Joes] constituerait, à nos yeux, une atteinte à ses droits fondamentaux et à son droit à la santé. Il apparaît indispensable, compte tenu de la situation humanitaire, de lui permettre de poursuivre son traitement en France et de lui garantir un accès continu aux soins », soutient-elle. Et la présidente de AIDES de solliciter le préfet « avec toute la gravité et l’humanité que requiert cette situation » pour que soit réexaminée sa situation et que soit trouvée « une solution respectueuse de ses droits et de sa dignité ».
    « Cette expulsion [elle n’a pas encore été exécutée à ce moment-là] s’inscrit dans un contexte de restrictions massives des droits des personnes étrangères dont les conséquences sont dramatiques », dénonce, pour sa part, la Cimade, qui demande « la remise en liberté immédiate du jeune homme afin qu’il puisse rejoindre ses proches et bénéficier de la prise en charge médicale dont il a besoin. » Et l’ONG de conclure : « Nous demandons l’arrêt de l’enferment des personnes malades et plus largement la fin de l’enfermement des personnes en raison de leur situation administrative ».

    Rien n’y a fait !
    Outre les courriers adressés au préfet des Hautes-Pyrénées et au ministre de l'intérieur pour demander la remise en liberté du jeune ; outre le partage d'éléments juridiques et scientifiques aux intervenants-es juridiques de la Cimade pour consolider les recours contre la décision d'expulsion, un travail inter-associatif conséquent avec les associations présentes au niveau local a été fait, avec notamment relais dans des médias comme Politis, Têtu ou France 3 et publication de post sur les réseaux sociaux, notamment de AIDES. Des parlementaires sont également intervenus auprès du préfet et du ministre de l'Intérieur. Tout ce qu’il était possible de faire dans les temps impartis l’a été ; mais rien n’y a fait. Mercredi 9 juillet, Joes a été expulsé à Kinshasa. « Il [avait alors] six semaines de traitement devant lui. Le lien a été fait avec l'UCOP+ pour poursuivre l'accès à son traitement et avoir du soutien », une fois sur place, explique le service Plaidoyer de AIDES. « Joes est en cours d'expulsion. Honte à ce gouvernement, qui condamne à mort ce jeune homme. » a déploré la sénatrice EELV Anne Souyris sur son compte X. Le jeune homme a reçu une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée de trois ans. Ce cas très grave n’est, hélas, pas unique. Il est le signe, un de plus, d’un « recul important dans la lutte pour le droit au séjour des personnes étrangères vivant avec le VIH ». Un recul que n’acceptent pas les ONG engagées dans la défense des droits à la santé des personnes étrangères. Plusieurs d’entre-elles, dont AIDES, ont d’ailleurs rédigé une « position » commune, titrée : « Droit au séjour pour raisons médicales : un dispositif essentiel à préserver » qui rappellent cet engagement. « Face aux récentes attaques gouvernementales et parlementaires, nos organisations souhaitent réaffirmer leur engagement en faveur du maintien et de la protection du droit au séjour pour les personnes étrangères malades et sont mobilisées pour défendre leurs droits », explique d’ailleurs le document.
    Remerciements au secteur Plaidoyer et Accompagnement juridique de AIDES.