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    L'Actu vue par Remaides : Charges et produits : données et enjeux sur la santé des femmes

    • Actualité
    • 20.08.2024

    FRANCHISES

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    Par Jean-François Laforgerie

    Charges et produits : données et enjeux sur la santé des femmes

     

    Le récent rapport Charges et Produits pour 2025, réalisé par l’Assurance Maladie, propose un focus sur les enjeux de santé des femmes sur près de dix-huit pages. Remaides a retenu quelques données clefs et fait le point sur les enjeux de santé publique identifiés par ce rapport.

    La santé des femmes en France constitue un enjeu majeur de santé publique, expose d’entrée le rapport Charges et Produits pour 2025. Si l’espérance de vie est de presque six ans de plus chez les femmes que chez les hommes (85,7 ans contre 80 ans chez les hommes, selon des données de l’Insee, 2023), on note que cet écart se réduit — il était de près de dix ans dans les années 1990 — alors que l’espérance de vie globale augmente. Autre signe qui incite à la vigilance : cet écart est bien plus faible si l’on regarde l’espérance de vie sans incapacités (65,3 ans contre 63,8 ans chez les hommes, selon des données de la Drees de 2022).
    Les travaux menés par Santé Publique France montrent que les femmes ont souvent des habitudes de vie plus favorables à la santé que les hommes, avec notamment une prévalence plus basse du tabagisme quotidien et de la consommation d'alcool, ainsi que des comportements alimentaires souvent plus sains, note l’Assurance Maladie. En revanche, « cette différence selon le genre est inversée s’agissant de la pratique déclarée d’une activité physique quotidienne conforme aux recommandations », indique le Rapport. Concernant l’usage de tabac, on note aussi des évolutions : la baisse du tabagisme quotidien est aujourd’hui plus rapide chez les hommes depuis les années 2000. Un autre signal doit être pris en compte. Malgré cet écart globalement favorable aux femmes en termes de comportements de santé, celles-ci ont tendance à se percevoir en moins bonne santé que les hommes. Pour l’Assurance Maladie : « Cette discordance entre les habitudes de vie déclarées et la perception de la santé soulève des questions importantes sur les facteurs sous-jacents qui pourraient expliquer les écarts entre les sexes observés dans les données de santé mesurées, qu’ils s’agissent de l’espérance de vie en bonne santé ou des consommations de soins ». Les femmes présentent une prévalence plus élevée d'épisodes dépressifs caractérisés, notamment les jeunes femmes chez lesquelles on note des taux plus de trois fois plus élevés que chez les jeunes hommes. Les résultats du Baromètre Santé 2021 mettent en évidence que la pandémie de Covid-19 a entraîné une augmentation des troubles dépressifs et des comportements suicidaires, avec une prédominance chez les femmes. Le chapitre du Rapport Charges et Produits a pour ambition de proposer une « première analyse comparative générale entre hommes et femmes sur le risque maladie » et le « risque ATMP » (accident du travail et maladie professionnelle). Il traite aussi de pathologies ou de problèmes de santé spécifiques des femmes. 

     

    Hommes et femmes : quels recours aux soins ?
    En 2022, on dénombre 35,4 millions de femmes et 33,3 millions d’hommes dans la population couverte par un régime d’assurance maladie et ayant reçu un remboursement de soins dans l’année, indique le rapport Charges et Produits. L’âge moyen des hommes est de 40,6 ans contre 43,1 pour les femmes, ce qui est cohérent avec la plus grande espérance de vie des femmes. Chez les personnes de moins de 18 ans, les femmes représentent 48,9 % de la population. Cette proportion augmente avec l’âge. Les femmes représentent 54 % de la population chez les 65-84 ans et 66,4 % chez les 85 ans et plus. Les femmes sont globalement moins concernées par le dispositif ALD que les hommes, surtout à partir de 45 ans. Elles sont, en revanche, plus fréquemment bénéficiaires de la C2S (Complémentaire santé solidaire), en particulier dans la tranche d’âge 19-44 ans, et dans une moindre mesure pour les tranches d’âge suivantes également. Les femmes ont plus fréquemment un-e médecin traitant-e. L’écart peut atteindre près de neuf points entre 19 et 44 ans.

    Prévalences par pathologies : quelques données concernant les femmes
    La prévalence des maladies cardiovasculaires est deux fois plus faible entre 65 et 84 ans chez les femmes (16 % ; soit un million de personnes) que chez les hommes (32 % ; soit 1,8 M de personnes). Parmi les pathologies qui expliquent ces différences, on note en particulier les maladies coronaires chroniques et les troubles du rythme et de la conduction. En explorant les autres maladies associées aux maladies cardiovasculaires, on note que la prévalence du diabète est faible avant 18 ans. Cette prévalence augmente avec l’âge. La prévalence des maladies du foie et du pancréas (hors mucoviscidose) est plus importante chez les hommes que chez les femmes, avec notamment un risque relatif de 60 % chez les 45-64 ans. La prévalence des cancers augmente avec l’âge. Les femmes de moins de 65 ans sont plus nombreuses à être atteintes d’un cancer que les hommes. À partir de 65 ans, cette différence s’inverse et les hommes sont plus souvent atteints que les femmes. À partir de 85 ans, les hommes ont presque deux fois plus de risque que les femmes d’être porteurs d’un cancer. Cela étant, une « telle comparaison masque bien sûr de fortes disparités, ne serait-ce que parce que certains cancers sont exclusifs (ou quasi-exclusifs) à l’un des deux sexes, comme le cancer du sein, de la prostate, de l’utérus, etc… », note le rapport. La prévalence des maladies respiratoires chroniques (hors mucoviscidose) est plus importante chez les garçons jusqu’à 18 ans, puis chez les femmes entre 19 et 64 ans, puis à nouveau chez les hommes à partir de 65 ans. La prévalence des maladies neurologiques augmente avec l’âge, et devient nettement plus importante chez les femmes que chez les hommes à partir de 85 ans. Avant 45 ans, la prévalence des maladies psychiatriques est plus importante chez les hommes que chez les femmes, puis la tendance s’inverse avec une prédominance féminine très nette à partir de 65 ans. Enfin, la prévalence des maladies inflammatoires ou rares est prédominante chez les femmes, et ce dès l’entrée dans l’âge adulte, indique l’Assurance Maladie, qui fait état d’une « très forte prédominance féminine des principales maladies inflammatoires chroniques, en particulier la polyarthrite rhumatoïde et les maladies apparentées ». « À l’inverse, les infections à VIH restent à prédominance masculine, sauf chez l’enfant », explique le rapport (page 170). Par ailleurs, l’analyse comparative des grandes causes de décès permet également de dresser certains constats. Par exemple, si les cancers sont la première cause de décès chez l’homme, ils n’arrivent qu’en seconde position chez la femme, après les maladies cardiovasculaires. Le cancer du poumon, par exemple, est responsable de près de 10 % des décès chez les hommes, contre 4 % chez les femmes. Le cancer de la prostate tue environ 4 % des hommes, et le cancer du sein 5 % des femmes. Globalement, les autres cancers, en particulier ceux liés au tabagisme et à l’alcool, sont responsables d’une plus grande proportion de décès chez les hommes que chez les femmes. Par ailleurs, les femmes sont plus susceptibles de développer des pathologies cardiaques liées au stress et à l'anxiété, que les hommes.
    L'asthme est plus fréquent et souvent plus sévère chez les femmes par rapport aux hommes. La BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive) chez les femmes se présente généralement à un stade plus tardif, souvent lors d'une décompensation aiguë. À sévérité égale, les femmes présentent des symptômes plus importants que les hommes, tels que la dyspnée et la fatigue, ce qui peut aggraver leur état de santé général et compliquer la gestion de la maladie. Le rapport note qu’il a été « observé que la prise en charge des maladies respiratoires chez les femmes est souvent moins bonne que chez les hommes, notamment en soins primaires ».

    Quelques données sur l’endométriose
    L'endométriose est une maladie chronique de l'endomètre (muqueuse qui tapisse l'intérieur de l'utérus et qui est éliminé en période de règles) qui affecterait entre 2 % et 10 % des femmes en âge de procréer et jusqu’à 50 % des femmes infertiles. La maladie peut causer des douleurs gynécologiques ponctuelles ou chroniques, elle peut entraîner une infertilité, mais elle peut aussi être asymptomatique et ne pas nécessiter de prise en charge. À partir de l’estimation de 10 % des femmes en âge de procréer touchées par l’endométriose, cela représente environ 44,8 millions de femmes dans l’Union Européenne en 2023. Le rapport s’est intéressé à l’impact socio-économique de l’endométriose. L’étude EndoCost (Évaluation économique de la prise en charge de l’endométriose) a montré que les coûts associés à l’endométriose (coûts de santé directs et indirects ainsi que les coûts sur la productivité) sont comparables à ceux d’autres maladies chroniques, telles que le diabète de type 2. Au niveau individuel, les symptômes associés à la pathologie peuvent avoir un impact important sur la qualité de vie. L’endométriose est une maladie qui peut être de diagnostic difficile, ce qui entraîne régulièrement un retard, voire une errance diagnostique. Aucun traitement ne guérit l’endométriose et les options thérapeutiques restent limitées, rappelle le rapport. Pour l’Assurance Maladie, ces constats soulignent l’importance de renforcer les interventions visant à améliorer le parcours de soins et la qualité de vie des patientes. Aujourd’hui, des recommandations ainsi que des prises en charge spécifiques de l’infertilité sont proposées pour les patientes atteintes d’endométriose. Le traitement de l’endométriose a pour double objectif de diminuer la douleur et les lésions liées à cette pathologie. En Europe, de nombreuses sociétés savantes ont publié des recommandations pour accompagner les professionnels-les de santé dans le diagnostic et le traitement de la maladie : traitement hormonal, traitement antalgique et chirurgie. L’absence de traitement curatif de l’endométriose, l’efficacité relative des options thérapeutiques existantes et la souffrance exprimée par les patientes amènent certains pays à développer une offre de prise en charge plus large pour répondre aux attentes des patientes, indique le rapport. L’endométriose est une pathologie encore méconnue qui fait l’objet d’incertitudes à la fois sur sa définition, son diagnostic et son traitement. Dans ce contexte, la prise en charge de l’endométriose reste actuellement très hétérogène et inégalement aboutie d’un pays à l’autre. Dans certains pays, il n’existe pas de reconnaissance de l’endométriose. En France (c’est aussi le cas en Italie), l’endométriose peut être reconnue comme une affection de longue durée. Pour les formes d’endométriose impactant la qualité de vie et nécessitant des examens et des soins nombreux et coûteux, un accès à la prise en charge à 100 % au titre de l’ALD 31 (hors liste) est possible. La France et l’Australie sont les seuls pays à avoir lancé une stratégie nationale de lutte contre l’endométriose ; en 2022, pour la France. En 2023, 16 910 patientes bénéficient d’une ALD 31 pour leur endométriose. Leur nombre a été multiplié par 2,4 en quatre ans. Le taux d’avis favorable suite à une demande de prise en charge en ALD 31 pour une endométriose a également progressé de 53 % en 2022 à 64 % au premier trimestre 2024, ce qui peut être lié à une meilleure identification des situations relevant de l’ALD tant par les professionnels-les prenant en charge les patientes que par les médecins conseils. « Si cette évolution est positive pour les patientes, les associations de patientes ont fait part de restes à charge qui demeurent importants, même après admission en ALD, dans la prise en charge de leur affection », note l’Assurance Maladie, qui a commandité une étude visant à objectiver le montant de ce reste à charge en s’appuyant sur la cohorte de patientes atteintes d’endométriose issue de la cohorte ComPaRe (communauté de patients pour la recherche) menée par l’AP-HP. Les résultats de cette étude sont attendus pour 2025.

    Accident du travail et maladie professionnelle : quelles différences entre hommes et femmes ?
    Les statistiques des accidents du travail et maladies professionnelles couvrent des salariés-es du régime général et des salariés-es contractuels-les employés-es dans les collectivités territoriales ou hospitalières, par type de risque. Ces statistiques permettent dans la durée de suivre l’évolution du nombre de sinistres entre hommes et femmes. Si l’on compare le nombre de sinistres au nombre de salariés (20 millions de salariés-es, fournis par l’enquête emploi de l’Insee), on constate une répartition différente : si les hommes représentent 53 % des salariés-es en 2021, ils représentent 64 % des accidents du travail ; inversement, les femmes représentent 47 % des salariés-es mais 51% des maladies professionnelles, notamment 54 % des troubles musculo-squelettiques, note l’Assurance Maladie dans son rapport. Concernant les accidents du travail : la baisse globale depuis 2001 masque la hausse des accidents du travail pour les femmes. Ainsi, sur la période 2000-2021, la baisse des accidents du travail (AT) observée au niveau global est marquée par la baisse des AT chez les hommes, alors qu’une augmentation progressive des AT est constatée chez les femmes. Ainsi, un accident sur quatre survenait chez la femme en début de période contre un accident sur trois ces dernières années. En 2021, on dénombrait 613 358 d’accidents de travail dont 64 % concernaient les hommes, notamment parmi les jeunes. Chez les femmes, trois risques prédominent les chutes de plain-pied (20 % contre 14 % chez les hommes), le risque routier (12 % versus 4 % chez les hommes) et les agressions (6 % versus 2 %). Les secteurs les plus accidentogènes pour les femmes sont les activités de services : santé, action sociale, nettoyage, travail temporaire et les services, commerces et industries de l’alimentation. Pour les hommes, le BTP et la métallurgie restent les secteurs les plus accidentogènes. Deux indicateurs sont habituellement suivis pour mesurer la fréquence et la gravité des sinistres AT/MP :
    - l’indice de fréquence est le nombre de sinistres en premier règlement (ayant fait l’objet du paiement d’une prestation en espèces, IJ ou de rente…) pour 1 000 personnes salariées ;
    - l’indice de gravité des sinistres est le nombre de nouvelles incapacités permanentes pour 1 000 personnes salariées. Pour les accidents du travail, l’indice de fréquence est près de deux fois plus important chez les hommes que chez les femmes. On note pour autant une hausse de la fréquence des accidents du travail depuis 2013 chez les femmes alors que celui-ci diminue chez les hommes. Pour les maladies professionnelles et les troubles musculo-squelletiques, l’indice de fréquence est plus important chez la femme. Concernant les gravités, l’indice de gravité est plus élevé chez les hommes que chez les femmes, notamment pour les maladies professionnelles. 

     

    A quoi sert le rapport Charges et Produits?

    Le rapport « Charges et Produits » publié chaque année depuis 2005 permet à la Cnam (Caisse nation ale d’Assurance Maladie) de formuler des propositions concrètes d’économies pour respecter les objectifs de dépenses d’Assurance Maladie et garantir ainsi le maintien d’un système de santé solidaire, performant et soutenable. Elle y énonce également des propositions complémentaires destinées à améliorer la qualité et l’efficience du système de santé. À partir d'analyses réalisées sur l'évolution des dépenses et des pratiques et en s'appuyant sur les recommandations françaises et internationales, le rapport Charges et Produits cherche à documenter des pistes concrètes pour assurer le respect de l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) et garantir le maintien d’un système de santé solidaire, performant et soutenable. Les propositions du rapport répondent toutes à une double finalité : identifier des pistes d’économies chiffrées tout en garantissant la meilleure qualité des soins possible. C’est le sens du « juste soin au juste coût ». À des fins prospectives, le rapport s’attache également à défricher de nouvelles thématiques ou modalités d’actions, en s’inspirant de l’analyse d’innovations conduites en régions ou dans d’autres pays. Ce rapport est remis au gouvernement et au Parlement.
    Le rapport Charges et Produits pour 2025 et sa synthèse sont disponibles en ligne.