L’Actu vue par Remaides : « La Belgique accorde un statut social aux travailleuses et travailleurs du sexe »
- Actualité
- 31.12.2024
© DR Studio Capuche
Par Jean-François Laforgerie
La Belgique accorde un statut social aux travailleuses et travailleurs du sexe
Un commissaire européen à la Santé controversé… et désigné ; Une hausse des cas de VIH au Canada qui inquiète les médecins et les associations ; La Cour suprême des États-Unis qui va statuer à propos des traitements de transition pour les mineurs-es transgenres ; Crise des opiacés : le cabinet McKinsey qui passe à la caisse aux États-Unis… et bien sûr la décision belge d’accorder un statut social aux travailleuses et travailleurs du sexe… sont quelques-unes des nouvelles retenues par la rédaction de Remaides… qui fait le point.
UE : un commissaire européen à la Santé controversé
Le député européen hongrois Olivér Várhelyi, diplomate de formation et proche de Victor Orban, a été nommé Commissaire européen chargé de la santé et du bien-être des animaux, à l'issue de longues négociations, qui ont abouti à la décision de réduire son portefeuille, initialement prévu plus vaste. Un article du site Euroactiv, explique les négociations ont créé de profondes divisions entre les groupes politiques du Parlement européen. « Un représentant du groupe libéral Renew a décrit la décision d’inclure un représentant du parti de Viktor Orbán, le Fidesz, dans la nouvelle Commission comme « horrible », expliquant à Euractiv que cela « va à l’encontre de tout ce que nous défendons », a expliqué le site. Finalement tout le monde a cédé car le rejet de la candidature d’Olivér Várhelyi aurait pu conduire Viktor Orbán à « retarder la nomination de la nouvelle Commission pendant des mois ». Olivér Várhelyi est donc responsable de la législation relative aux dispositifs médicaux et aux produits pharmaceutiques. Il était auparavant (depuis 2019) Commissaire européen à l'Élargissement et à la Politique européenne de voisinage. C'est Hadja Lahbib, une Belge, qui est commissaire chargée des crises. À ce poste (sensible comme on l’a vu avec la crise de la Covid-19), elle supervisera la gestion des crises, y compris les travaux du groupe de travail sur la préparation et la réaction aux urgences sanitaires, ainsi que les droits en matière de santé sexuelle et reproductive. Autant prévenir, une réponse forte en matière de VIH, de tuberculose, d'hépatites virales et d'IST n'est pas à l'ordre du jour de la part d’Olivér Várhelyi. Avec un Forum de la société civile (CSF) sur le VIH, les hépatites virales et la tuberculose vidé de son sens et de son financement depuis 2019, un immense travail d'activisme et de plaidoyer va devoir être mis en place pour que les « community led NGOs » (les leaders-es communautaires, notamment des ONG) se fassent entendre et remettent le VIH au cœur des préoccupations de Bruxelles.
Un statut social pour les travailleuses et travailleurs du sexe en Belgique
Depuis le 1er décembre, la Belgique est le tout premier pays à octroyer un statut social aux travailleuses et travailleurs du sexe, explique le site d’info RTL.info. Une « réelle avancée » qui va leur permettre d'avoir un contrat de travail et tous les avantages qui y sont liés. Début décembre, Outre-Quiévrain, les prestations sexuelles pourront être encadrées par un contrat de travail similaire à n'importe quel autre emploi. Comme le rappelle Isabelle Jaramillo, coordinatrice de l'association Espace P au site d’info. Ce nouveau contrat donne accès à la sécurité sociale. Il permet de cotiser pour la retraite, etc. Le travail du sexe était toléré dans le pays, sans toutefois être reconnu. Ce nouveau statut devrait donc aussi permettre de réduire la stigmatisation de ce secteur et de réduire les éventuelles violences ou abus. « Auparavant, chaque personne qui embauchait [une personne] pour faire du travail du sexe, était un proxénète selon la loi, explique Daan Bauwens, directeur de l'Union des Travailleurs-ses du sexe (UTSOPI). Mais, la loi n'était pas appliquée (…) c'était la porte ouverte à l'exploitation. Désormais, il sera possible légalement d'embaucher une personne en respectant des normes minimales ». Par ailleurs, sera appliquée la règle des quatre libertés : refuser un client, arrêter un acte sexuel à tout moment, choisir ses pratiques et prétendre à sa propre sexualité. Si elles sont dans l’ensemble satisfaites de cette avancée, les associations notent que tout ne sera pas réglé pour autant. En effet, le nouveau statut ne concernera pas encore tout le monde. « Pour le travail de rue, cela reste à l'appréciation des instances communales (…) il faudra travailler avec les communes, car elles ont parfois des politiques tellement répressives que ça pousse les gens qui exercent à la clandestinité, souligne Isabelle Jaramillo sur RTL.info.
VIH : une hausse des cas au Canada inquiète les médecins et les associations
Selon les données officielles, les cas de VIH sont repartis à la hausse au Canada et au Québec. « Les statistiques ici sont un peu décourageantes », a affirmé sur les ondes de RDI, le Dr Réjean Thomas, président fondateur de la clinique médicale l’Actuel, spécialisée dans le suivi du VIH. Pas moins de 2 434 Canadiens-nes ont appris qu’ils-elles vivaient avec le VIH en 2023, selon l’Agence de la santé publique du Canada. Il s’agit d’une hausse de 35 % par rapport à 2022, qui s’était soldée par 1 833 nouveaux cas. Près de 40 % des nouveaux diagnostics l'ont été à « la suite d'un contact hétérosexuel, 36 % à la suite d'un contact sexuel entre hommes et 18 % à la suite de l'utilisation de drogues injectables ». Les nouveaux cas ont été diagnostiqués majoritairement chez les personnes âgées de 25 à 39 ans. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette hausse, indique l’agence fédérale à Radio Canada, signalant des taux de dépistage en hausse après avoir baissé pendant la pandémie. Le Québec ne fait pas exception à la tendance canadienne. Selon les plus récentes données de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), 422 personnes ont été diagnostiquées pour le VIH en 2022. Il s’agit d’une hausse de 72 % par rapport à 2021. Pour la première fois depuis 2006, ce chiffre passe la barre des 400 cas. Parmi ces 422 personnes, plus des trois quarts n’avaient jamais réalisé de test de dépistage auparavant.
Etats-Unis : la Cour suprême face aux traitements de transition pour les mineurs-es transgenres
La Cour suprême des États-Unis (très nettement conservatrice depuis les nominations faites par Donald Trump, lors de son premier mandat) est plongée depuis le 4 décembre dans une question qui crispe la société américaine : l’accès des personnes mineures aux traitements médicaux pour changer de genre. En débat, une loi adoptée en 2023 par l’État du Tennessee, gouverné par les républicains, interdisant aux mineurs-es ne se reconnaissant pas dans leur genre de naissance l’accès aux traitements bloqueurs de puberté et aux traitements hormonaux de transition. Près de la moitié des Etats américains ont promulgué des lois similaires, note l’AFP.
Des mineurs-es concernés-es et leur famille, une gynécologue de Memphis et l’administration du président démocrate sortant Joe Biden dénoncent le caractère « discriminatoire » de la loi du Tennessee, qui prétend « protéger la santé et le bien-être » des moins de 18 ans face aux « risques potentiels » de ces traitements médicaux. Les plaignants-es affirment que cette loi viole une disposition du quatorzième amendement de la Constitution sur « l’égale protection » des citoyens-nes puisqu’elle prive les personnes transgenres d’accès à des traitements autorisés à d’autres pour raisons médicales notamment. En vertu de cette loi, « une personne désignée comme femme à la naissance, par exemple, ne peut pas recevoir de bloqueurs de puberté ou de testostérone pour vivre en tant qu’homme, alors que quelqu’un désigné à la naissance comme homme le peut », fait valoir dans ses arguments écrits la conseillère juridique de l’administration Biden, Elizabeth Prelogar. Le procureur général du Tennessee, Jonathan Skrmetti, assure, au contraire, que la loi « ne comporte aucune classification en fonction du sexe ». « Elle établit une distinction entre les mineurs demandant l’accès à des médicaments pour la transition de genre et ceux qui les demandent à d’autres fins médicales. Et il y a des garçons comme des filles dans les deux catégories », argue-t-il. Le Tennessee affirme répondre par cette loi à une « explosion des diagnostics de dysphorie de genre » et « prévenir les risques de conséquences potentiellement irréversibles des traitements de transition pour les mineurs. » Bien que la question de droit à trancher soit « relativement étroite, les enjeux sont élevés, en particulier dans la perspective de l’entrée en fonctions de Donald Trump après une campagne présidentielle dans laquelle les personnes transgenres et notre santé ont joué un rôle démesuré dans le discours politique », explique un expert. Les républicains ont fait des attaques contre la place des personnes transgenres un de leurs chevaux de bataille contre le « wokisme », la supposée « bien-pensance » dont ils-elles taxent le camp démocrate. Ils-elles ciblent en particulier la participation de femmes transgenres à des compétitions sportives féminines et l’accès des mineurs-es aux parcours et traitements de transition. La décision de la Cour suprême dans ce dossier est attendue d’ici fin juin.
L'AP-HP quitte le réseau social X (ex-Twitter)
L’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP, qui regroupe 38 hôpitaux parisiens) a elle annoncé, 3 décembre, « l’arrêt de (son) activité sur la plateforme X » (ex Twitter). L’actualité de la structure et de chacun de ses établissements sera désormais postée sur Bluesky, a-t-elle précisé. « Les conditions de régulation et de modération » du réseau X « ne permettent plus à ce jour de garantir un cadre de communication compatible avec la lutte contre la désinformation, le respect d’un débat apaisé et la protection des valeurs qui fondent la mission médicale et scientifique de notre établissement », explique l’AP-HP dans un communiqué. Un peu plus tôt dans la journée, la secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, avait annoncé que son organisation quittait le réseau social X (ex-Twitter), lieu de « trop de haine et pas assez de modération ni de régulation », devenant la première grande centrale syndicale en France à prendre une telle décision. « La confédération et moi-même quittons le réseau X cet après-midi », a indiqué la responsable du premier syndicat en France au cours d’une conférence de presse consacrée à l’emploi, en précisant migrer vers les réseaux Bluesky et Threads. Ces décisions s’inscrivent dans une vague de désaffection croissante de ce réseau social — racheté le milliardaire américain Elon Musk en octobre 2022 — qui s’est traduite en France par le départ des quotidiens régionaux Ouest-France et Sud-Ouest ou d’organisations comme Greenpeace France.
Crise des opiacés : le cabinet McKinsey passe à la caisse
Le cabinet de conseil américain McKinsey a accepté de payer 650 millions de dollars dans le cadre d’un accord de poursuites différées (DPA) conclu avec le gouvernement des États-Unis, afin d’éviter un procès pénal pour son rôle dans la crise des opiacés. Selon l’accord enregistré vendredi 13 décembre auprès d’un tribunal de Virginie, le cabinet va être sous surveillance pendant cinq ans pour avoir contribué à la crise des opiacés en conseillant des groupes pharmaceutiques comme Purdue Pharma, fabricant de l’anti-douleur OxyContin. Le document précise que McKinsey a déjà déboursé près d’un milliard de dollars dans le cadre de plusieurs accords conclus hors tribunaux depuis 2019, dont plus de 640 millions avec les cinquante États et plusieurs territoires américains et plus de 345 millions au civil.
Le groupe a également été mis à l’amende par le gendarme américain de la Bourse (SEC), pour des contrôles internes déficients. Sollicité par l’AFP, le cabinet n’a pas répondu dans l’immédiat. McKinsey s’est notamment engagé à ne plus conseiller d’entreprises sur le développement, la fabrication, la promotion, le marketing, la vente, l’utilisation d’un opiacé ou de tout autre narcotique. McKinsey avait notamment conseillé Purdue Pharma pour l’aider à « doper » les ventes de l’OxyContin, affirmait l’État de New York dans une plainte. Le cabinet avait notamment recommandé à Purdue Pharma de se concentrer sur les dosages élevés, considérés comme les plus lucratifs, mais très addictifs. La sur prescription de ce médicament est généralement considérée comme ayant été le déclencheur de la crise des opiacés aux États-Unis. Selon les données des Centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC), plus de 700 000 personnes ont succombé entre 1999 et 2022 à une overdose liée à la prise d’opiacés, obtenus sur ordonnance ou de manière illégale. Pour la première fois depuis 2018, le nombre de morts liées aux opiacés (principalement le fentanyl) a diminué en 2023 (81 083 décès) par rapport à l’année précédente (84 181 décès).
Italie : le Conseil de l'Europe très critique sur les centres de rétention
Le Conseil de l’Europe a publié vendredi 13 décembre un avis très critique relatif aux conditions de vie dans les centres de rétention pour les personnes migrantes en Italie, pointant du doigt notamment l’administration de médicaments psychotropes dilués à des ressortissants-es étrangers-ères, indique l’AFP. Le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), un des organes du Conseil de l’Europe, a visité en avril dernier quatre centres fermés de pré-renvoi (CPR) à Milan, Gradisca, Potenza et Rome. « Le CPT a identifié plusieurs cas d’allégations de mauvais traitements physiques et d’usage excessif de la force par des policiers à l’encontre de ressortissants étrangers retenus dans les CPR visités, généralement à la suite de troubles ou d’actes de vandalisme dans les centres », note le rapport de l’instance paneuropéenne remis mi-décembre. Celui-ci note « l’absence d’un contrôle rigoureux et indépendant de ces interventions de police, ainsi que l’absence d’enregistrement précis des blessures subies par les personnes retenues et d’évaluation de leur origine ». Le Comité critique également « la pratique répandue de l’administration de médicaments psychotropes non prescrits dilués dans de l’eau à des ressortissants étrangers, telle que documentée au CPR de Potenza ». Le Comité pointe encore l’architecture des CPR, qui rappelle trop les unités de détention de haute sécurité pour personnes condamnées (grillages à triple maille métallique sur les fenêtres, cours extérieures en forme de cage, etc.), et regrette que « les ressortissants étrangers sont laissés à l’abandon », sans aucune activité, alors que leur période de rétention peut durer jusqu’à 18 mois. En outre, la nourriture fournie aux personnes détenues est de mauvaise qualité et les stocks d’articles de toilette sont insuffisants, note l’instance. Dans leur réponse au rapport du CPT, les autorités italiennes « fournissent des informations détaillées sur le fonctionnement des efforts extraterritoriaux visant à détenir les migrants dans des centres situés sur le territoire albanais, avec une référence particulière à l’évaluation de leur vulnérabilité ». « En outre, les autorités italiennes indiquent que les cas de mauvais traitements physiques décrits dans le rapport n’ont pas fait l’objet d’enquêtes pénales et que plusieurs inspections ont été menées par les autorités sanitaires au CPR de Potenza en ce qui concerne la pratique de la sur-médication prétendument généralisée des personnes retenues », poursuit le rapport.