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    L'Actu vue par Remaides : Anushiya Karunanithy : « Nous voulons vraiment créer un endroit sûr et accueillant pour les personnes trans en Malaisie »

    • Actualité
    • 02.07.2024

     

    ANU

    © DR

    Par Fred Lebreton 

    Anushiya Karunanithy : "Nous voulons vraiment créer un endroit sûr et accueillant pour les personnes trans en Malaisie"

     

    Anushiya Karunanithy fait partie de ces personnes qui ont fait de la démarche communautaire en santé une pierre angulaire de leur engagement militant. De passage à Paris, l’activiste malaisienne pour les droits des personnes trans, dont l’association est membre de Coalition PLUS, a rencontré la rédaction de Remaides. Entretien.

    Remaides : Pourriez-vous vous présenter et expliquer votre travail en tant qu'activiste pour les droits des personnes trans ?

    Anushiya Karunanithy : Je m'appelle Anushiya Karunanithy et je travaille actuellement comme responsable des relations internationales et des initiatives spéciales au sein de l’association Malaysian AIDS Council (MAC), en Malaisie. Le Malaysian AIDS Council est le seul membre de Coalition PLUS en Asie. Je suis également membre de la délégation des organisations non gouvernementales des pays en développement au conseil d'administration du Fonds mondial [de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ndlr]. Dans cette délégation, je représente la région de l'Asie du Sud-Est et je représente également la communauté transgenre. J'ai commencé mon parcours dans le domaine du VIH en 2006 en tant que travailleuse de proximité dans une organisation communautaire qui accompagnait les personnes trans et les travailleurs-ses du sexe. Puis, j'ai rejoint le MAC en 2011 pour le projet des travailleuses du sexe et des personnes trans grâce au tout premier financement que nous avons reçu pour la Malaisie de la part du Fonds mondial. Depuis, je n'ai pas cessé d'avancer jusqu'à ce que j'atteigne ma position actuelle. À partir de cette année, je prends en charge un nouveau département qui est la mobilisation des ressources, y compris la collecte de fonds. Je suis la seule femme trans à travailler à ce niveau de responsabilité au Malaysian AIDS Council. Un objectif que nous n'avons pas encore atteint en Malaisie est de garantir une équité d’accès à la santé pour les personnes trans. C'est ce que nous défendons aujourd’hui pour nous assurer que les soins d'affirmation de genre soient intégrés dans nos services de lutte contre le VIH.

    Remaides : Quelles sont les principales missions de votre organisation, le Malaysian AIDS Council (MAC) ?

    Anushiya Karunanithy : Le Malaysian AIDS Council est une ONG nationale qui a été initiée par le ministère de la Santé en 1992 pour coordonner les activités de la coalition des organisations de la société civile afin de répondre aux enjeux de la lutte nationale contre le VIH. Nous avons commencé avec sept membres fondateurs, et nous comptons actuellement environ 38 organisations partenaires sous l'égide du Malaysian AIDS Council.

    Remaides : La prévalence du VIH est très élevée en Malaisie parmi les populations clés : 12,9 % chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et 5,9 % chez les personnes transgenres. Quelle est la situation en termes de droits et de discrimination pour ces communautés en Malaisie ?

    Anu Karunanithy : Si l'on regarde la constitution malaisienne, chaque personne a le droit d'accéder à la santé. En tant que citoyen malaisien, vous avez tous les droits d'accéder à la santé publique. Le gouvernement a donc veillé à ce que personne ne soit discriminé et que les personnes aient tous les droits d'accéder à la santé. Mais, en réalité, la communauté LGBT+ n'est pas soutenue par le gouvernement qui a déjà déclaré ouvertement qu'il ne soutenait pas les droits LGBT+. Notre loi civile stipule, par exemple, que l'acte de sodomie est interdit. Les responsables politiques disent que les personnes LGBT+ ne font pas partie de notre société mais en même temps ils disent que nous ne pouvons discriminer personne. En réalité, la Malaisie est un pays à majorité musulmane et nous faisons face à beaucoup de stigmatisation et de discrimination en termes d'accès à l'éducation et à la santé, même si je dirais que cela s'améliore maintenant et que nous avons une bonne relation avec le ministère de la Santé. En tant qu'organisation-cadre [qui en regroupe plusieurs autres et éventuellement les fédère, ndlr], nous sommes la voix des organisations communautaires et nous plaidons pour garantir que les populations clés aient accès à tous les droits à la santé. Mais en termes d'éducation et d'emploi, il reste beaucoup de travail de plaidoyer à faire car nous n'avons aucune politique pour protéger les droits des PVVIH sur leur lieu de travail, par exemple.

    Remaides : La Prep est-elle disponible pour les populations clés en Malaisie ?

    Anu Karunanithy : Oui, la Prep est disponible gratuitement dans les établissements de santé publics. Le gouvernement dit que c'est une « Prep pour tous ». Nous avons un solide soutien du ministère de la Santé qui est très favorable à nos communautés et c'est pourquoi nous avons réussi à obtenir la Prep dans les cliniques de soins de santé primaires. Ainsi, vous pouvez vous rendre dans une clinique publique pour obtenir des services de dépistage du VIH et des IST, y compris la Prep. La Prep est disponible via le modèle de services différenciés du VIH pour les populations clés, qui a été lancé grâce à un projet du Fonds mondial et qui est maintenant devenu le modèle national de lutte contre le VIH. Cependant, la Prep n'est pas populaire parmi les personnes trans en raison d'une idée fausse selon laquelle il y aurait une contradiction entre la Prep et le traitement hormonal de substitution.

    Remaides : Comment la santé communautaire est-elle perçue par les autorités publiques en Malaisie ? Serait-il possible de créer une clinique de santé par et pour les personnes trans sur le modèle de la Tangerine Community Health Clinic en Thaïlande ?

    Anu Karunanithy : Oui, c'est ce que nous envisageons pour la Malaisie. Nous voulons piloter une clinique pour répliquer le modèle de la clinique Tangerine, mais pas à 100 %, car la clinique Tangerine offre un package complet pour les personnes trans et les services ont été établis au fil des années. Nous devons commencer la clinique pour les personnes trans parce que les services actuels qui leur sont destinés sont spécifiques au VIH et aux IST. Il n'y a rien pour les soins d'affirmation de genre et la plupart des personnes trans recherchent des soins d'affirmation de genre par elles-mêmes via Internet/pharmacies/contacts personnels, ce qui est dangereux car leur hormonothérapie n'est pas surveillée. Pour les chirurgies de réassignation sexuelle et autres types de chirurgies esthétiques, la plupart des personnes trans vont en Thaïlande. Mais, en cas des complications, elles doivent retourner en Thaïlande car il n'y a pas d'experts-es en termes de soins post-chirurgicaux pour ce type de chirurgie dans notre pays. Nous voulons créer une clinique qui puisse fournir des services intégrés de VIH, d’IST, de Prep et de soins d'affirmation de genre comme l'hormonothérapie. Nous voulons nous assurer que cette clinique puisse devenir un modèle économique afin que, sur le long terme, nous puissions être autonomes et ne pas dépendre de financements extérieurs, et que la clinique puisse exister pour toujours. Nous prévoyons de mettre en place la clinique d'ici l'année prochaine. J'espère que notre vision pour cette clinique trans se réalisera et nous recherchons des dons et des financements pour mettre en place cette clinique. Nous voulons vraiment créer un endroit sûr et accueillant pour les personnes trans en Malaisie.

    Propos recueillis et traduits par Fred Lebreton
    Remerciements à Anushiya Karunanithy

     

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