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Un couple gay agressé par un chauffeur de VTC ; le président d’Urgence Homophobie agressé à Paris à la sortie d’un restaurant ; une série d’agressions contre des homosexuels à Tarbes ; un couple de lesbiennes agressé à Paris ; un groupe d’amis gays agressé à Lyon ; une agression à Besançon ; un lycéen gay contraint de quitter son lycée au Raincy… Ainsi se dessine la carte — hélas, non exhaustive — de l’homophobie en France.
Un pays d’Afrique, le Zimbabwe — pour ne citer que celui-là — qui n’arrive pas à tourner la page homophobe de l’ère Mugabe (1) ; un militant LGBT grec, séropositif, Zak Kostopoulos, battu à mort dans le centre d’Athènes ; les États-Unis de Donald Trump qui attaquent une fois de plus les personnes trans (2) ; un candidat à la présidentielle au Brésil, notoirement homophobe, dont le succès attendu aux élections déchaîne les violences homophobes… Ainsi se dessine la carte — pas plus exhaustive que la précédente— de l’homophobie au plan mondial
Cette double photographie frappe par sa grande violence et par son effet cumulatif. Des faits, nombreux, qui traduisent une forme de banalité de la haine envers les personnes LGBTQI + (3), mais aussi le front du refus des personnes qui en sont victimes. Ces dernières n’hésitent plus — et c’est tant mieux — à porter plainte contre les propos, les actes qui les discriminent, les violentent. Ce courage (car il en faut pour porter plainte) est indispensable. Il permet de poursuivre les auteurs des faits et d’aboutir à des condamnations. Il rend visible cette haine et pourfend la stratégie, méprisable, de certains agresseurs. Au procès des agressions de Tarbes, un avocat rappelait que les auteurs des faits ciblaient des homosexuels parce qu’ils « étaient plus hésitants à porter plainte ».
Les actions en justice rendent plus visible un phénomène qui reste pourtant difficile à quantifier. A la suite des multiples agressions à Paris, la préfecture de police a tenu à faire savoir que les actes à caractère homophobe étaient en baisse (4). On peut s’en féliciter, sans oublier que le niveau reste particulièrement élevé, préoccupant. Les raisons en sont multiples. Il y a notamment cette banalisation du discours homophobe qui s’assure désormais une large audience sur les réseaux sociaux, les plateaux télé, la sphère politique et intellectuelle. De la vidéo, d’une homophobie crasse, de Michel Onfray contre Emmanuel Macron aux arguments discriminatoires de la Manif pour tous contre l’ouverture de la PMA à toutes les femmes, les exemples ne manquent pas. Il y a également l’incapacité française à attaquer de front la question de l’homophobie et de la transphobie. Cette incapacité de la classe politique à aller plus loin que la compassion et l’incantation. Cette propension à se complaire dans la demi-mesure, à ne jamais prendre les décisions qui s’imposent, à corriger ses manquements et parfois à jouer la concurrence des victimes. Fin septembre, un rapport officiel est remis au Premier ministre sur les dérives racistes et antisémites sur Internet. Très bonne initiative. Mais pourquoi ne pas avoir traité dans leur ensemble les manifestations de haine, quels que soient les groupes d’appartenance des victimes ? Le rapport a beau s’intituler « Tous unis contre la haine ». Il a aussi ses laissés-es pour compte. Début octobre, le Défenseur des droits rend public un avis sur la politique nationale de lutte contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre (5). Un avis contrasté qui décerne quelques bons points, mais note surtout les lacunes d’une « répression pénale peu efficace » des actes homophobes ou transphobes. Un avis qui détaille l’impact de ces discriminations sur la santé des personnes concernées. Un avis qui déplore « de mauvaises conditions d’accueil des victimes en commissariat ou brigade de gendarmerie ». Un avis qui souligne l’absence de « mesures appropriées pour garantir la reconnaissance juridique intégrale du changement de sexe d’une personne dans tous les domaines de la vie » ; une situation dénoncée lors de la dernière Marche de l’Existrans. La France agit, mais pas assez, pas bien et pas pour tout le monde. Cette faiblesse de la réponse politique, ces retards, ces traitements différenciés entretenus par la loi, ce manque de volonté politique participent, à leur façon, de ce qui se passe aujourd’hui, à cette vague homophobe que nous connaissons aujourd’hui et contre laquelle nous faisons face. Les manifestations de protestation, avec présence de ministres, ne suffiront pas. Que compte faire l’état pour arrêter cette vague qui monte autant que la colère ?
Aurélien Beaucamp, président de AIDES
Notes:
(1) : Robert Mugabe a été chef de l’État de 1987 à 2017, connu pour ses multiples sorties homophobes.
(2) : Le ministère américain de la Santé veut définir très strictement l'identité sexuelle comme étant liée aux organes sexuels à la naissance, ce qui ôterait de fait aux personnes trans la possibilité de se faire reconnaître officiellement.
(3) : Lesbiennes, gays, bis, trans, queer, intersexes ou autres.
(4) : Une baisse de 37 % entre janvier et septembre par rapport à 2017 : 74 faits constatés contre 118.
(5) : Avis du Défenseur des droits N°18-21, 18 septembre 2018.