Remaides 103 : disponible
- Remaides
Bioéthique :
Une chance pour renforcer l'égalité
Cela pourrait surprendre certain-e-s, mais nous avons décidé, à AIDES,d'apporter notre contribution aux Etats généraux de la bioéthique qui se déroulent actuellement. Ils constituent un passage obligé de la révision de la loi de bioéthique (prévue tous les sept ans),actuellement conduite. C'est le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) qui les organise. Sa mission ? Produire, à destination des pouvoirs publics, un rapport de synthèse qui tiendra compte de toutes les contributions recueillies. Ce rapport devrait constituer un large panorama citoyen des opinions destiné à éclairer le législateur. Une nouvelle loi bioéthique est prévue pour 2019. Des personnes en leur nom propre, des structures dont celles de la société civile ont toute liberté pour publier(1) leurs contributions sur les champs éthiques au menu de la future loi(2). Par ailleurs, le CCNE a décidé d'auditionner certaines structures. AIDES l'a été le 12 avril dernier.Mais quel rapport entre notre engagement, nos missions et les questions éthiques ? Beaucoup l'ignorent sans doute, mais le lien est historique. Il remonte à la fin des années 90 lorsque nous avons défendu(3) un accès précoce aux innovations thérapeutiques pour les malades du sida alors en sursis. Cela a débouché, en 1994, sur la création des autorisations temporaires d'utilisation (ATU) ; un système unique qui a permis d'accélérer la mise à disposition de traitements nouveaux pour des personnes qui ne pouvaient, hélas,plus attendre. Un autre combat éthique a mobilisé la lutte contre le sida : la prise en compte des besoins des personnes vivant avec le VIH dans les protocoles de recherche des essais cliniques. On pourrait aussi citer les enjeux de la qualité de vie des personnes… Les lois de bioéthique de 1994 ont notamment débouché sur l'obligation du consentement, instauré des principes comme celui de la non-patrimonialité du corps humain (la gratuité), l'anonymat du don, etc.
Notre contribution 2018, fruit d'un travail militant collectif, s'articule autour de cinq grands axes : l'éthique de la pratique médicale et tout spécialement les questions de consentement libre et éclairé et de pertinence des soins ; les essais cliniques et l'accès aux innovations thérapeutiques ; les données de santé ; les dons d'organes et les libertés fondamentales(4). Il est ici question de l'autodétermination des personnes trans et intersexes, de l'assistance médicale à la procréation (AMP), etc.
On le comprend notre légitimité est pleine et entière à participer à ces débats, à y défendre nos idées, nos valeurs, notre conception de la société, les nécessaires évolutions dont nous considérons qu'elles sont profitables à toutes et tous. C'est une façon de contribuer à la transformation sociale que nous défendons. C'est aussi le moyen d'affirmer, face aux extrêmes, que nous ne renonçons pas à défendre des principes — souvent malmenés ou fragilisés — ou à notre combat en faveur d'une égalité complète des droits. C'est dans ce domaine que les antagonismes sont les plus forts ; que le dogmatisme, notamment religieux, entend battre la mesure. La consultation en cours est à la fois un exercice démocratique rare, mais aussi le champ de manoeuvre d'un lobbying forcené, notamment de la part des opposants-es à l'égalité des droits. C'est particulièrement à l'oeuvre avec l'exemple de l'AMP ; dossier dont nous espérons qu'il ne sera pas la réplique de ce qui s'est passé avec le mariage pour tous. De ce point de vue, l'intervention présidentielle(5), à l'invitation de la conférence des évêques, peut troubler, tant elle manie le flou, laisse supposer une forme de primat de la croyance religieuse sur les enjeux éthiques, et plus largement sur tout notre modèle de société.
A ce stade, nul ne sait quelle sera la teneur de la synthèse du CCNE. Le gouvernement n'a pas davantage indiqué le "poids" qu'aurait ce travail consultatif sur l'élaboration de la future loi bioéthique, sur les promesses faites (celle de l'ouverture de l'AMP à toutes les femmes, par exemple). De notre côté, nous continuerons à faire entendre nos idées, à défendre les principes, les valeurs que nous pensons justes et profitables à la société dans son ensemble. Nous lutterons pour que le processus en cours ne soit pas la salle de bal des extrémismes, mais une chance pour renforcer l'égalité entre toutes et tous.
Aurélien Beaucamp, président de AIDES