AU TOURNANT !

Trente-deux ans. Dans la vie, c’est le bel âge. En matière de presse, cette longévité commence à forcer le respect. Pour un journal papier gratuit consacré au VIH et aux hépatites virales, cela tient de l’exploit ! Pour autant, cette situation n’exonère pas d’une réflexion sur la fonction d’un média dans ce champ de la santé aux enjeux si spécifiques. Elle a démarré, il y a plus de trois ans.

Nous avons marché lentement, car nous marchions sur nos rêves.

Cette réflexion était nécessaire car le précédent grand changement qu’a connu le journal datait de 2007. Certes, ces dernières années, des évolutions, nombreuses, ont eu lieu ; souvent impulsées par le comité de rédaction. Reste que ces changements, rendus nécessaires par l’évolution même des épidémies (VIH, VHB et VHC) et celle des besoins des personnes qui vivent avec, nécessitaient d’être mieux pensés, mieux articulés dans un nouveau projet éditorial pour répondre plus efficacement aux aspirations d’aujourd’hui.

À quoi peut et doit servir aujourd’hui un journal, édité en papier, destiné aux personnes vivant avec le VIH et les hépatites ? C’est autour de cette principale question que s’est bâti un travail de réflexion qui a mobilisé les personnes concernées, les militants-es et les élus-es de AIDES, des militants-es, experts-es, soignants-es de l’extérieur, certains-es lecteurs-rices du journal ; d’autres pas. Un travail d’audit, éclairant et inspirant, a été mené par Tim Madesclaire et Matthieu Foucher, assorti d’analyses et de recommandations.

Cela faisait longtemps qu’un œil extérieur ne s’était pas posé sur une des plus anciennes actions de AIDES. Une action qui mobilise, depuis des décennies, des volontaires, issus-es de différentes régions en France, mais qui n’est pas pour autant la « vitrine » de l’association. Car Remaides entend être un média d’informations au périmètre bien plus large que le champ de la structure qui l’édite. Nous avons ainsi mis en place un partenariat avec Actions Traitements.  Nous le développerons avec d’autres. Nous traiterons de certaines actions de AIDES, mais tout autant de celles menées par d’autres car nous pensons que la réponse au VIH et aux hépatites virales n’est pas unique. Cette lutte n’est pas un combat solitaire. Elle doit être un front commun sur la base de valeurs et principes partagés. Remaides entend être à cette image et y contribuer. La nouvelle version du journal est le résultat de choix, de consensus et aussi des envies de celles et ceux qui le réalisent. Elle a sa ligne, dont la mention, décidée par les instances politiques de AIDES, figure désormais en couverture, sous le titre du journal.

Cette nouvelle formule de Remaides entend mettre en avant et à l’honneur la visibilité des personnes vivant avec, car c’est une des clefs pour lutter contre la sérophobie. Des témoignages, portraits, interviews permettront d’aller à la rencontre de personnes à visage découvert ; qui illustreront la grande diversité des parcours, des expériences et donneront à entendre et à voir une image différente, actuelle de la vie avec. Cette section qui ouvrira chaque numéro sera suivie de six autres qui aborderont tous les aspects de la vie avec le VIH et les hépatites et seront proposées dans le même ordre dans chaque numéro. Y seront traités les enjeux thérapeutiques, les questions des droits et de lutte contre les discriminations, le bien-être, les débats actuels, la culture et la mémoire, etc. L’ambition est que chaque lecteur et lectrice y trouve sa place, ses centres d’intérêt, en découvre d’autres ; qu’à titre individuel et collectif, il-elle ait envie de se mobiliser, de militer, d’agir et de transformer tout ce qui ne va pas… pour elle-lui et tant d’autres.

« Pourquoi Remaides ? ». Cette question, Yvon Lemoux, un des trois principaux fondateurs du journal avec René Froidevaux et Philippe Beiso, la posait dès le premier numéro du journal, sorti en octobre 1990. « Aujourd’hui, l’information sida est multiple, complexe, dispersée (…) Quel journal peut prétendre vouloir s’adresser au grand public et surtout aux personnes concernées par l’infection à VIH ? Aucun ! », expliquait-il alors. « Remaides veut être ce rendez-vous de l’information ; l’information vraie, c’est-à-dire celle du quotidien, de la réalité vécue par toutes celles et tous ceux pour qui VIH, sida, traitements signifient quelque chose. Remaides s’adresse en priorité aux personnes atteintes par le VIH (…) Il veut être le lieu d’échanges de tous ceux qui veulent aborder le problème du sida avec objectivité et réalisme (…) Provoquer le débat en luttant contre l’indifférence pour permettre à tous, séropositifs, malades, proches, médecins, d’échanger, de parler ensemble du sida : voilà l’ambition de Remaides. » Cette ligne a été assurée par les nombreux-ses militants-es qui ont fait vivre avec courage, énergie, engagement, ce projet depuis sa création, par ceux qui ont dirigé la rédaction (Emmanuel Trenado, Thierry Prestel, Dominique Thiéry). Le journal connaît aujourd’hui une nouvelle étape ; nouveau jalon à cette aventure singulière et unique qu’est Remaides. Nous tenions à remercier celles et ceux qui, à différentes étapes du processus, l’ont rendue possible : Muriel Briffault, Marc Dixneuf, Christian Andreo, René Légaré, Marie-Élaine LaRochelle, Tim Madesclaire, Matthieu Foucher, les participants-es à l’audit et les membres du comité de rédaction. Voilà, aujourd’hui, nous sommes au tournant !

Jean-François Laforgerie, coordinateur de REMAIDES