Remaides 100 : édition anniversaire
- Remaides
- 29.08.2017
Pourquoi Remaides ?". Cette question, Yvon Lemoux, un des trois principaux fondateurs de Remaides, la posait dès le premier numéro du journal, sorti en octobre 1990. "Aujourd’hui, l’information sida est multiple, complexe, dispersée. Les revues "spécialisées" sont nombreuses, mais demeurent réservées à un public d’initiés. Quel journal peut prétendre vouloir s’adresser au grand public et surtout aux personnes concernées par l’infection à VIH ? Aucun !", expliquait-il
alors. "Remaides veut être ce rendez-vous de l’information ; l’information vraie, c’est-à-dire celle du quotidien, de la réalité vécue par toutes celles et tous ceux pour qui VIH, sida, traitements signifient quelque chose. Remaides s’adresse en priorité aux personnes atteintes
par le VIH et plus largement à toute personne concernée par
l’épidémie. Remaides veut être le lieu d’échanges de tous ceux qui
veulent aborder le problème du sida avec objectivité et réalisme.
Comment ? En proposant des rubriques régulières abordant des
thèmes précis, des dossiers d’informations médicales clairs,
accessibles à tous, des renseignements pratiques. Mais aussi et
surtout en accueillant le plus souvent possible les témoignages, les expériences vécues ; en clair, donner la parole à d’autres "spécialistes" : les personnes séropositives en traitement ou non. Provoquer le débat en luttant contre l’indifférence pour permettre à tous, séropositifs, malades, proches, médecins d’échanger, de parler ensemble du sida : voilà l’ambition de Remaides." Cette ambition n’a jamais quitté le journal et prévaut aujourd’hui encore. Elle a même constitué au fil des évolutions du comité de rédaction, des changements de volontaires, de coordinateur et de rédacteur en chef, qui ont ponctué ces 27 années d’existence, un fil rouge, un état d’esprit, une volonté, un héritage. Nous pouvons en être d’autant plus fiers que notre journal est unique. Média associatif francophone, financé par les dons privés, réalisé pour une grande part par l’engagement de volontaires en France, en Suisse et au Québec, notre journal est à la fois un média professionnel et aux antipodes des lois du marché. Il est tiré ainsi à plus de 30 000 exemplaires (2) et il est entièrement gratuit. Il associe les qualités du professionnalisme journalistique et les vertus de l’engagement militant. Au fil des années, on le voit avec la chronologie en images et en mots que nous proposons dans ce numéro, notre journal s’est efforcé d’accompagner au plus près, au plus juste la lutte contre le VIH, puis celle contre les hépatites virales. Mais Remaides n’a pas fait qu’accompagner l’histoire du VIH, il en fait partie. En témoignent les nombreuses personnes qui, au fil de presque trois décennies,
ont pris la parole dans nos pages pour témoigner, parfois à visage découvert, de leur vie avec le virus, avec les traitements, de leurs espoirs dans les innovations thérapeutiques qui s’annonçaient de conférence en conférence, puis de leur envie de revenir dans un parcours professionnel, de fonder une famille, d’être en couple, de vieillir et de vieillir bien. Revenir aux anciens numéros de Remaides est à la fois émouvant, troublant et passionnant. On y
voit les noms et visages de piliers de la revue disparus des suites du sida, les espoirs thérapeutiques déçus et ceux, nombreux, qui ont changé durablement la vie des personnes vivant avec le VIH, les avancées de la prévention, notamment biomédicale, et la permanence des discriminations. On y découvre aussi une volonté constante de rendre service aux lectrices et lecteurs, de répondre à leurs aspirations. La création des petites annonces en est une illustration parfaite. Cette rubrique phare a compté de longues années parmi celles qui ont été plébiscitées. Et lorsqu’on sait quel a pu être et peut être encore l’isolement de certaines personnes séropositives, on ne peut qu’être fier d’avoir proposé si longtemps cette rubrique (3) qui a trouvé, il y a maintenant trois ans, son prolongement sur Seronet. Cette rubrique a même été remise en cause, il y a quelques années, par une commission officielle (4) qui délivre un agrément permettant une diffusion postale à des tarifs préférentiels. Pour un journal gratuit, cet agrément est économiquement indispensable. Ce que contestait ladite commission, c’est qu’un journal qui se "prétendait" de lutte contre le sida ait pu créer un service pour contribuer à une meilleure vie affective et sexuelle des personnes vivant avec le VIH. C’était incompréhensible pour eux. Cette réaction était un signe de plus que décidément les personnes vivant avec le VIH sont toujours considérées comme des personnes "à part" ne pouvant pas avoir les mêmes besoins, les mêmes désirs, les mêmes aspirations que n’importe qui. C’est contre ce traitement différencié, cette mise à l’écart, cette relégation imposée que le journal lutte depuis sa création. Au fil des ans, Remaides a considérablement changé : de maquette, de format, de pagination, de rubriques. Le journal n’a jamais cessé de développer son offre de lecture, de s’adapter aux besoins évolutifs de ses lectrices et lecteurs. En 2008, Remaides lance une nouvelle formule. Pour la première fois, la revue trimestrielle de AIDES devient un projet en partenariat avec trois autres acteurs francophones de la lutte contre le sida : la COCQ-SIDA au Québec,
le Groupe sida Genève en Suisse et le RAAC-sida en France (5). Le journal est alors conçu par l’ensemble des partenaires et publié en trois éditions distinctes, chacune comportant un cahier spécifique : Remaides Québec, Remaides Suisse et Remaides France avec Gingembre. Une telle association pour un journal de lutte contre le sida et les hépatites virales est inédite, peut-être unique au monde. Aujourd’hui encore, le journal entend évoluer. Depuis plusieurs mois, une réflexion a lieu pour repenser le Remaides de demain. Un journal qui sera nouveau et qui compte rester fidèle à l’esprit de ceux qui l’ont fondé, à leur volonté de faire un journal qui parle à toutes celles et tous ceux qui sont concernés par la lutte contre le VIH et les hépatites virales. Ce numéro 100 que vous découvrez aujourd’hui est spécial. Il ne comprend pas certaines rubriques habituelles, mais accueille dossiers, reportages et interviews de personnalités francophones clefs dans la lutte contre le VIH et les hépatites virales. Nous avons pensé ce numéro comme un hommage à notre histoire commune et comme une exploration des enjeux actuels et ceux de demain dans notre champ. Nous tenions à remercier chaleureusement nos invitée-s d’avoir répondu présent. Nos remerciements s’adressent aussi à celles et ceux qui, au cours de ces 27 ans, ont contribué à faire Remaides, à celles et ceux investis de longue date qui poursuivent toujours l’aventure, donnant du temps, des idées, de leurs talents, offrant généreusement leurs contributions comme le dessinateur Piem, les photographes Pierre et Gilles ou aujourd’hui le dessinateur Rash Brax (6). Remaides reflète ainsi l’esprit communautaire qui lie nos associations respectives : ce n’est pas en agissant pour les personnes infectées et affectées par le VIH ou exposées au VIH, mais avec les personnes concernées que nous avons avancé et que nous avançons dans la riposte au VIH/sida. C’est ensemble que nous continuerons à oeuvrer contre les discriminations, pour un changement sociétal et pour un monde sans VIH/sida. Une histoire, un présent, un avenir. C’est sous le sceau de cette trinité que se place ce numéro exceptionnel. Un numéro qui lance des pistes, agite des idées, raconte des histoires de vie. Raconter des histoires, raconter une histoire ! Et comme le demandait si bien l’écrivain américain Jim Harrison : "Que deviennent les histoires quand il n’y a personne pour les raconter ?"
Heide Jimenez-Dávila,
présidente du Groupe sida Genève
Aurélien Beaucamp,
président de AIDES
Hélène Légaré,
présidente de la COCQ-SIDA