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    L’Actu vue par Remaides : « PLFSS 2026 : les débats commencent début novembre entre colère et inquiétude »

    • Actualité
    • 03.11.2025

     

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    Crédit : DR

    Par Jean-François Laforgerie

    PLFSS 2026 : les débats commencent
    début novembre à l'Assemblée
    entre colère et inquiétude

    Le 4 novembre, l’examen du budget de la Sécurité sociale (PLFSS 2026) devrait démarrer dans l’hémicycle. Depuis sa présentation, le 14 octobre dernier, le projet fait l’objet de vives critiques. Le 22 octobre, France Assos Santé a adressé une lettre ouverte au Premier ministre, Sébastien Lecornu, sur ce projet que le collectif juge « profondément injuste et inefficace ». Explications.

    PLFSS : léger décalage à l’allumage
    Léger contretemps. L’examen du budget de la Sécurité sociale (PLFSS) en commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale a été reporté au lundi 27 octobre (il était initialement prévu le 24 octobre). Ce changement de date est la conséquence de l'ajout dans le texte initial du gouvernement de la mesure de suspension de la réforme des retraites, ont indiqué plusieurs parlementaires. Le Premier ministre a annoncé mardi 21 octobre qu'une « lettre rectificative » au projet de budget de la Sécu serait présentée en Conseil des ministres, afin d'inclure la suspension de la réforme des retraites, au lieu de la proposer au vote lors des débats via un amendement. Une garantie qui était réclamée par la gauche et le Rassemblement national.
    « C’est juridiquement un nouveau texte », a d’ailleurs expliqué le président de la commission des Affaires sociales, le député (Horizons) Frédéric Valletoux. L’ajout se fait donc par une lettre rectificative du gouvernement, qui a été présentée en Conseil des ministres, jeudi 23 octobre. Ce délai devait permettre aux parlementaires de pouvoir proposer des amendements à la suspension de la réforme des retraites, telle qu’annoncée par le Premier ministre. Devaient aussi être redéposés les quelque 1 400 amendements proposés sur la première version du projet de budget de la Sécurité sociale pour 2026. Les nouveaux travaux de la commission ont eu lieu du 27 octobre au 31 octobre. L’objectif étant que le PLFSS 2026 soit examiné dans l'hémicycle vers le 4 novembre. Le Parlement débat des textes budgétaires dans des délais contraints, avec une adoption prévue avant le 31 décembre. Selon la Constitution, l'Assemblée a en première lecture 20 jours pour se prononcer à partir de la réception du PLFSS, rappelle l’AFP. Le délai est remis à zéro par une lettre rectificative. Selon une source gouvernementale, ce nouveau délai débuterait vendredi 24 octobre, pour s'achever mercredi 12 novembre à minuit. Un vote solennel sur le texte était déjà prévu dans l'hémicycle ce même jour, avant sa transmission au Sénat. Pour le moment, le texte serait dans les clous, du moins côté procédure parlementaire, car sur le fond, les critiques sont très vives.

    Une lettre ouverte au Premier ministre
    Le 22 octobre, France Assos Santé (FAS, un collectif qui regroupe quelque 98 associations de santé agréées) a sonné « l’alarme sur un PLFSS profondément injuste et inefficace ». Dans son courrier à Sébastien Lecornu, le collectif dit constater la montée des inquiétudes parmi les usagers-ères, confrontés-es à des difficultés croissantes face au système de santé. « Si nous sommes bien conscients de la nécessité de maîtriser le déficit de la Sécurité sociale, nous considérons que les mesures proposées ne s’attaquent pas aux vrais problèmes. En faisant reposer l’effort principalement sur les personnes malades, ce PLFSS ne fera qu’aggraver les conséquences déjà constatées de la hausse des franchises et des restes à charge : l’accès aux soins se détériore, les inégalités d’accès s’accroissent, l’état de santé de la population se dégrade et la perte de confiance dans le système s’accélère », déplore FAS.
    Dans le viseur, les franchises et participations forfaitaires qui « pénalisent les personnes ayant besoin de soins ». « Il n’est pas acceptable qu’une contribution soit assise sur le besoin de se soigner. À ce niveau de franchises et participations, nous le disons clairement :  il ne s’agit plus d’un détricotage, mais d’une véritable démolition de notre protection sociale solidaire et universelle », explique le collectif.
    FAS rejette l’argument d’une prétendue « responsabilisation » des patients-es. « Les patients ne sont pas responsables des actes, examens et traitements qui leur sont prescrits par leur médecin. Laisser entendre qu’ils choisissent de « surconsommer » les soins revient à les culpabiliser injustement. Ces mesures de « responsabilisation » reviennent en réalité à réduire la part prise en charge par la Sécurité sociale et à augmenter celle supportée par les personnes malades », dénonce FAS qui cite l’exemple du projet de décret, contenu dans la version actuelle du PLFSS 2026, visant à supprimer l’exonération du ticket modérateur des personnes en affection de longue durée (ALD) pour les médicaments remboursés à 15 %. « Cette mesure aura un impact majeur engendrant un reste à charge supplémentaire, direct ou indirect via une augmentation des cotisations de complémentaire santé. Certains médicaments, jugés "de confort", sont essentiels pour garantir l’adhésion aux traitements lourds et la gestion de leurs effets secondaires. Plus largement, cette mesure contribue à attaquer l’ensemble du système de prise en charge des ALD. »

    Des mesures qui devraient alourdir les restes à charge
    France Assos Santé a déjà réalisé des études sur les restes à charges. Dans sa dernière étude (novembre 2024), les « personnes atteintes de maladies chroniques ou en situation de handicap subissent des restes à charges de l’ordre de 2 000 € par an en moyenne ». « Un doublement des montants et des plafonds des franchises ainsi que des participations forfaitaires, leur extension aux consultations dentaires et la création d’un nouveau plafond spécifique aux transports sanitaires ne pourront qu’accentuer les difficultés financières d’accès aux soins, voire le renoncement aux soins que nous observons déjà chez une part significative de la population », pointe FAS. Sur la ligne d’information juridique Santé Info Droits de France Assos Santé, le nombre d’appels relatifs aux franchises et participations forfaitaires a été multiplié par cinq en l’espace d’un an, témoignant « de difficultés financières et d’inquiétudes croissantes sur la possibilité de continuer à se soigner. »

    FAS préconise d’utiliser d’autres leviers
    « Plutôt que de faire payer les patients, nous vous exhortons à mobiliser d’autres leviers autrement plus efficaces pour assainir les finances publiques tout en améliorant la qualité du système de santé ». Fas enjoint notamment à « agir sur la pertinence et la qualité des soins », en encadrant mieux les prescriptions ; à « adopter une politique de prévention volontariste, meilleur levier contre l’explosion des maladies chroniques », etc. « Dans le cadre du débat sur le PLFSS 2026, les usagers de la santé, que nos associations représentent, attendent du gouvernement, des arbitrages plus favorables aux personnes malades et une vision plus ambitieuse de refondation de notre système de santé et de protection sociale, tout en préservant ses valeurs de solidarité et d’universalité », concluent les signataires dans leur lettre à Sébastien Lecornu.

    L’enjeu du PLFSS 2026 et les sujets d’inquiétude
    Le texte prévoit de réduire le déficit du système à 17,5 milliards d’euros en 2026, au prix de nombreuses économies dans le domaine de la santé. Le PLFSS fixe les recettes et les dépenses des cinq branches du système (maladie, vieillesse, famille, autonomie et recouvrement). La copie du gouvernement prévoit 676,9 milliards d’euros de dépenses pour 659,4 milliards de recettes, établissant ainsi un déficit de 17,5 milliards d’euros en 2026 contre 23 milliards cette année. Le nouveau projet reprend quelques idées de François Bayrou, dont « l’année blanche ». Comme l’explique Le Figaro, cela veut dire qu’en 2026, les montants des prestations sociales, dont les pensions de retraite, ne seront pas revalorisés en fonction de l’inflation et resteront donc les mêmes qu’en 2025. « Cette mesure doit générer une économie de 3,6 milliards d’euros (2,5 milliards pour la Sécurité sociale et 1,1 milliard pour l’État) », indique le quotidien. Le PLFSS entend intervenir sur les arrêts de travail dont il veut limiter la prescription (voir article sur AIDES.ORG).
    Autre piste qui inquiète : un « resserrement du dispositif des affections de longue durée (ALD) ». En 2022, près d’un-e Français-e sur quatre de 50 à 64 ans était atteint-e d’une affection de longue durée (ALD) : cancer, diabète, maladie d’Alzheimer, accident vasculaire cérébral invalidant, hépatite virale chronique, VIH, etc. Des pathologies qui donnent droit à un remboursement intégral des soins. Dans le PLFSS, le gouvernement de Sébastien Lecornu indique vouloir déployer un « parcours coordonné renforcé dédié, permettant de prévenir l’entrée en affection de longue durée ». Le texte envisage aussi de supprimer les règles dérogatoires existantes pour les ALD dites non exonérantes (principalement la dépression légère et les troubles musculosquelettiques), pour lesquelles la prise en charge financière des arrêts de travail devrait être fortement réduite en 2026. Le texte prévoit aussi le doublement des franchises médicales et participations forfaitaires (la somme réglée par le-la patient-e pour un médicament ou un acte de soins, une fois le remboursement effectué par l’Assurance-maladie. Le gouvernement attend de cette mesure une « économie » de 2,3 milliards d’euros.

    Les débats à l’Assemblée nationale devraient être vifs. À suivre.

    Le gouvernement a acté la suspension de la réforme des retraites
    Le gouvernement a acté jeudi 23 octobre la suspension de la réforme des retraites dans le PLFSS 2026. Après plusieurs jours de tergiversations sur le véhicule législatif ― amendement, projet de loi à part, etc. ― l’option de la lettre rectificative au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) a finalement été entérinée lors d’un Conseil des ministres spécial. Le projet décale dans le temps l’application de la réforme Borne de 2023. Il suspend jusqu’à janvier 2028 la marche en avant vers les 64 ans, tout comme le relèvement du nombre de trimestres à cotiser pour partir à taux plein. Cette suspension coûtera 100 millions d’euros en 2026 et 1,4 milliard d’euros en 2027, selon la lettre rectificative dévoilée mercredi 22 octobre par le quotidien économique Les Échos et dont l’AFP a obtenu copie. Pour financer la mesure, les complémentaires santé et les retraités-es seront mis à contribution, d’après le document. La sous-indexation des pensions par rapport à l’inflation, initialement prévue à 0,4 point, sera augmentée de 0,5 point supplémentaire en 2027, ce qui pèsera sur le pouvoir d’achat des retraités-es. Le taux de contribution des organismes complémentaires (mutuelles, assurances de santé, etc.) passera de 2,05 % à 2,25 % en 2026. Les options retenues font controverse. D’autant que le gouvernement avait indiqué que les pensions de retraite et les prestations sociales seraient gelées en 2026 pour freiner la dérive des dépenses publiques, pointe l’AFP. « Il n’est pas possible que la désindexation des pensions prévoie quasiment deux années blanches pour les retraités-es en 2026 et 2027. Les plus modestes ne peuvent supporter une telle mesure », a d’ailleurs réagi auprès de l’AFP Yvan Ricordeau, numéro 2 de la CFDT. « On fait payer une micro-suspension de la réforme aux retraités-es actuels-les et futurs-es », a déploré Denis Gravouil, secrétaire confédéral de la CGT. À gauche, La France insoumise a dénoncé « un jeu de dupes ». « Les retraités-es partiront trois mois avant mais avec une retraite plus faible », a relevé le président de la commission des Finances, le député (LFI) Éric Coquerel. « Quel est l’objectif derrière ça ? », s’est interrogée la présidente du groupe écologiste et social à l’Assemblée nationale, Cyrielle Chatelain, pour qui le gouvernement veut rendre « ce report finalement insupportable ».