L’Actu vue par Remaides : « Sexualité : ce que vivent les jeunes »
- Actualité
- 17.05.2025
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Par Jean-François Laforgerie
Sexualité : ce que vivent
les jeunes
Une enquête sur la vie affective des jeunes adultes, Envie, a fait l’objet d’un livre aux Éditions La Découverte et d’un premier article : Homo, bi et non binaires : quand les jeunes questionnent l’hétérosexualité. En voici quelques éléments clefs.
Une enquête sur la vie affective des jeunes adultes : Envie
L’enquête Envie, réalisée par l’Ined (Institut national des études démographiques), vise à mieux comprendre les évolutions de la vie affective et sexuelle des jeunes adultes : la diversité des relations intimes, les modes de rencontre, les expériences du célibat, les manières de faire couple et les expériences propres aux personnes LGBT. « La dernière enquête en France, consacrée à la sexualité des jeunes, a été conduite en 1994 (…). Il était donc important de réaliser une nouvelle étude pour actualiser les connaissances », explique l’Ined dans un communiqué. Environ 10 000 personnes âgées de 18 à 29 ans ont répondu au questionnaire entre novembre 2022 et juillet 2023. L’enquête a été réalisée par téléphone par l’institut Ipsos et les participants-es ont été tirés-es au hasard. Pour ce faire, des numéros de téléphone mobile ont été générés aléatoirement. La participation était totalement volontaire.
Une première étape
L’Ined poursuit actuellement l’étude statistique par une étude qualitative. Des entretiens individuels sont réalisés avec des personnes ayant répondu au questionnaire et ayant accepté d’être recontactées par téléphone. L’objectif est de donner la possibilité d’approfondir certains sujets de façon plus libre. La finalité est strictement scientifique et la participation repose sur le volontariat. Par ailleurs, les résultats principaux ont été publiés dans un ouvrage collectif aux Éditions La Découverte : La sexualité qui vient ; Jeunesse et relations intimes après #Metoo. Il a été dirigé par Marie Bergström, sociologue à l'Institut national d'études démographiques (Ined). La chercheuse a déjà publié Les Nouvelles Lois de l'amour. Sexualité, couple et rencontres au temps du numérique (La Découverte, 2019). L’ouvrage, La sexualité qui vient…, existe en format numérique (ePub), dont une version accessible aux personnes malvoyantes ou empêchées de lire. « La jeunesse est un laboratoire de sexualité. Notre époque en témoigne, avec la diffusion de nouvelles identifications et relations qui remettent en question des oppositions que l'on pensait éternelles, sinon naturelles, comme "homme/femme", "hétéro/homo", ou encore "en couple/célibataire", explique l’éditeur. L'hétérosexualité perd du terrain en faveur de la bisexualité et de la pansexualité, tandis que le couple se voit concurrencé par les "sexfriend ", "amitiés avec un plus", "plans cul" et "coups d'un soir". Plus que jamais politisée, l'intimité est travaillée par des normes nouvelles, tel en premier lieu le consentement. Quelle est cette nouvelle sexualité qui se dessine ? », s’interroge l’ouvrage.
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« Homo, bi et non binaires : quand les jeunes questionnent l’hétérosexualité »
C’est un des enseignements de l’enquête Envie. Trois chercheurs-ses : Tania Lejbowicz, Wilfried Rault et Mathieu Trachman et l’équipe Envie y ont d’ailleurs consacré un numéro entier de Population & Sociétés (N°162, avril 2025). « Aujourd’hui plus visibles et davantage reconnues socialement, les personnes appartenant aux minorités sexuelles sont de plus en plus nombreuses, en particulier chez les jeunes. Ce sont 19 % des femmes et 8 % des hommes de 18-29 ans qui ne se définissent pas comme hétérosexuels-les », notent les auteurs-rices. « Cette augmentation s’accompagne d’une diversification des identifications : ainsi la pansexualité (l’attirance pour des personnes indépendamment de leur genre) ou l’asexualité (l’absence d’attirance sexuelle envers autrui), même si elles peuvent recouvrir des réalités anciennes, sont de nouvelles manières de se définir », expliquent-ils-elles. Voici quelques infos clefs extraites de Population & Sociétés (N°162, avril 2025).
« Les homosexualités et les bisexualités peuvent être définies de plusieurs manières (…) L’identification est un indicateur intéressant en ce qu’il saisit une certaine importance donnée à la sexualité dans la construction de soi et une manière de se présenter aux autres », indiquent les auteurs-rices. Entre 2015 et 2023, la proportion de femmes âgées de 20 à 29 ans qui ne se disent pas hétérosexuelles a été multipliée par cinq et celle des hommes de la même tranche d’âge par quatre. Cette augmentation concerne surtout les jeunes [2], et c’est le pourcentage de personnes qui s’identifient comme bisexuelles ou pansexuelles qui connaît l’essor le plus important. Entre 2015 et 2023, le nombre de personnes âgées de 20 à 29 ans qui s’identifient comme bi ou pansexuelles a été multiplié par un peu plus de six : elles sont aujourd’hui près de 4 % chez les hommes, et près de 14 % chez les femmes, explique l’article de Population & Sociétés.
Des minorités sexuelles plus jeunes, aux modes de vie distincts
C’est parmi les femmes les plus jeunes que l’identification hétérosexuel-le est la moins fréquente (78 % des 18-21 ans contre 87 % des 26-29 ans se disent hétérosexuelles). Si, indépendamment de leur identification sexuelle, la plupart des jeunes ont connu des « relations de couple », le fait d’avoir eu des « histoires d’un soir » est un peu plus caractéristique des expériences des minorités sexuelles. Chez les femmes, c’est particulièrement le cas des bi et pan. Chez les hommes, ce sont les gays et pan qui ont plus fréquemment des histoires d’un soir. Ces relations non conjugales ne sont toutefois pas l’exclusivité des minorités sexuelles, mais caractéristiques d’une « jeunesse sexuelle » faite d’expériences multiples qui touchent une part importante des jeunes.
Des bisexualités et pansexualités plutôt tournées vers l’autre sexe
« Chez les femmes et les hommes homosexuel-les , on peut distinguer celles et ceux qui n’ont eu que des partenaires de même sexe (36 % des lesbiennes, 45 % des gays), de celles et ceux qui ont eu des partenaires des deux sexes (44 % des lesbiennes, 39 % des gays). Le pourcentage élevé de parcours centrés uniquement sur les partenaires de même sexe est inédit, expliquent les auteurs-rices. Les femmes pansexuelles se distinguent des bisexuelles par le fait d’avoir eu moins souvent des partenaires des deux sexes (44 % vs 57 %) et plus souvent des partenaires de l’autre sexe exclusivement (45 % vs 24 %). Rares sont celles qui disent avoir eu uniquement des partenaires féminins. Les hommes pansexuels déclarent plus souvent que les bisexuels avoir eu uniquement des pratiques avec des hommes (17 % vs 3 %). Comme chez les femmes bi et pansexuelles, les hommes de ces deux groupes ont pour la plupart eu leurs premières pratiques avec un-e partenaire de l’autre sexe, un pourcentage important d’hommes pansexuels (un groupe très peu nombreux) déclarant toutefois avoir eu un partenaire de même sexe.
En résumé : « Les personnes s’identifiant aux minorités sexuelles sont de plus en plus nombreuses, en particulier chez les jeunes. L’enquête Envie, représentative des jeunes adultes de 18-29 ans en France hexagonale, montre la grande diversité des identifications, des désirs et des pratiques sexuelles des jeunes. Si l’hétérosexualité hexagonale reste majoritaire, les jeunes femmes s’identifiant comme bisexuelles, pansexuelles ou ayant déjà été attirées par les deux sexes sont de plus en plus nombreuses. Cette diversité est particulièrement visible chez les jeunes non binaires qui représentent un peu moins de 2 % des 18-29 ans. »
Source : Homo, bi et non binaires : quand les jeunes questionnent l’hétérosexualité, in Population & Sociétés (N°162, avril 2025), par Tania Lejbowicz (Institut de démographie de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Institut national d’études démographiques/Ined), Wilfried Rault (Institut national d’études démographiques), Mathieu Trachman (Institut national d’études démographiques) et l’équipe Envie (Y. Amsellem-Mainguy, M. Bergström, M. Bouchet-Valat, M. Bozon, R. Breda-Popa, G. Charrance, P. Cochet, T. Fantoni-Decayeux, C. Hemmer, M. Lapine, G. Larrieu, M. Lenouvel, N. Lévêque, R. Lévy-Guillain, F. Maillochon, A. Muller, P. Mullner, I. Parizot, R. Philit, D. Rahib, A. Régnier-Loilier, Y. Tuffy et D. Trawale).
Envie, une question de méthodo
L’Enquête sur la vie affective des jeunes adultes (Envie, Ined, 2023) est une enquête par questionnaire réalisée par téléphone en 2023 auprès d’un échantillon représentatif de 10 021 individus âgés de 18 à 29 ans et vivant en France hexagonale. L’échantillon a été constitué par génération aléatoire de numéros de téléphone portable. L’enquête permet de saisir les attirances, pratiques et identifications sexuelles, sans limiter celle-ci à l’homosexualité et à la bisexualité. En ce qui concerne les identifications de genre, le questionnaire recueille le sexe à l’état civil (masculin ou féminin) et la manière de s’identifier des répondants-es (« comme un homme », « comme une femme », « d’une autre manière »). Lorsque cette dernière modalité était choisie, plusieurs possibilités étaient prévues, et les enquêteurs-rices pouvaient saisir en clair celles qui ne figuraient pas dans la liste. Les formulations ont notamment été discutées avec les membres de deux associations trans, Acceptess-T et le FLIRT.