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    L’Actu vue par Remaides : « Haltes soins addictions » : l’État attaqué pour son « inaction », voire son « obstruction »

    • Actualité
    • 16.04.2025

     

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    DR.

    Par Jean-François Laforgerie

    Haltes soins addictions : l'Etat attaqué pour son "inaction" et son "obstruction"

    Médecins du Monde, soutenue par d’autres associations, a annoncé lundi 14 avril attaquer l’État pour son « inaction », voire son « obstruction », relative aux « haltes soins addictions », aussi appelées « salles de consommation à moindre risque » (SCMR), un dispositif dont l’avenir semble incertain. Explications sur un coup de pression.
    En fin d’article, d’autres infos sur les produits.

    Frapper au plan national

    Créées en 2016, les deux salles de consommation à moindre risque, aujourd’hui nommées « haltes soins addictions » (HSA) existant en France, à Paris et Strasbourg, s’adressent aux personnes les plus démunies et exclues du système de soins. Leur expérimentation doit, en principe, s’achever fin 2025.
    Préoccupée par le sort de ce dispositif, l’ONG Médecins du Monde a décidé d’attaquer l’État français au plan national « pour inaction avec le lancement de deux recours en contentieux », a indiqué Céline Debaulieu, la référente sur la réduction des risques de l’ONG, lors d’une conférence de presse. « À visée nationale et cosigné par la Fédération Addictions, le premier concerne la « pérennisation des haltes soins addictions ». Le second, cosigné par AIDES, Nouvelle Aube, Asud Mars Say Yeah, la Fédération Addiction, Médecins du Monde, le Bus 31-32, concerne Marseille, où il y a eu impossibilité en janvier 2024 d’aller au bout d’un projet de halte soins addictions, a-t-elle détaillé.
    Pour les requérants-es, « l’inaction » des pouvoirs publics, « voire leur obstruction, face à la création de haltes soins addictions, cause des préjudices et relève de la faute », aux dépens de la santé des usagers et usagères de drogues. Après des « courriers amiables » au ministère de la Santé restés sans réponse dans le délai imparti, le premier recours, « en carence », est « historique » sur ce sujet de santé publique, a affirmé Me Vincent Brengarth, cité par l’AFP. « Le ministère de la Santé va devoir se justifier de sa politique » et l’espoir est ensuite d’obtenir « une décision du tribunal administratif » d’ici « douze à dix-huit mois », a précisé l’avocat, selon lequel le jugement national, à la « dimension symbolique importante », pourrait faire « injonction de mesures précises ».

    Marseille, un cas d'école

    Le second recours vise à obtenir « l’annulation du refus, implicite, de ne pas ouvrir de HSA à Marseille », après « une obstruction politique ». Le juge pourrait « faire injonction au ministère [de la Santé] d’ouvrir une HSA s’il estime un manquement caractérisé et, a minima, de réexaminer la demande ». Dans le communiqué des ONG mobilisées, la charge est d’ailleurs forte. « Ingérences politiques, excès de pouvoir, incohérences et opacité du processus de décision… la charge contre l’État est lourde mais les faits sont là : la gestion du projet de HSA à Marseille est un véritable cas d’école des nombreux abus et manquements de la puissance publique dans la mise en œuvre de ces dispositifs. Au mépris de la loi, de la science et des personnes concernées », dénonce le texte commun.
    Pour les associations à l’origine de la procédure, les haltes soins addictions, un dispositif inscrit dans la loi, ont « prouvé leur efficacité » : elles « offrent des services de soins, de suivi social, d’hébergement, et réduisent les risques liés à la consommation. » Les ONG font valoir que « divers rapports, y compris ceux demandés par le gouvernement », le dernier datant de l’automne 2024, « soulignent la nécessité d’intégrer ce dispositif dans le droit commun ». Au regard du Code de la santé publique, ces haltes sont « l’un des dispositifs assurant le continuum de soins », a noté Catherine Delorme, présidente de la Fédération Addiction. Ces salles ou haltes « réduisent les risques directement liés aux consommations, mais aussi les conséquences médico-sociales de cette addiction sévère en situation de grande précarité » , a souligné la Dre Elisabeth Avril, directrice de l’association Gaïa, gestionnaire de la salle de consommation à moindre risque parisienne, évoquant aussi « une amélioration de la tranquillité publique ».
    « En complément de la procédure juridique engagée au niveau national par Médecins du Monde, qui met en lumière les obstructions de l’État dans plusieurs projets de HSA sur le territoire, le "cas marseillais" est à ce point édifiant qu’il fait l’objet à lui seul d’une seconde procédure en contentieux devant le tribunal administratif », explique le communiqué des ONG. Objectif ? « Pointer les motivations éminemment politiques qui ont conduit à l’enterrement du projet de HSA à Marseille. Et faire annuler l’avis défavorable de janvier 2024.

    Pourquoi monter au front à Marseille ?

    « À Marseille, dans un contexte de dégradation constante de la santé et des conditions de vie des usagers-ères les plus vulnérables, l’ouverture d’une HSA est essentielle pour compléter les dispositifs de réduction des risques déployés depuis 40 ans sur le territoire, explique le communiqué des ONG. « Comment justifier cette inaction dans une ville qui fut pionnière et qui reste exemplaire en matière de politique publique de réductions des risques ? », interrogent-elles. Et Didier Febvrel, représentant de Médecins du Monde en PACA d’expliquer : « Au regard de ce que nos associations constatent chaque jour sur le terrain, du drame sanitaire et social qui se joue sous nos yeux, il est temps de mettre la puissance publique face à ses responsabilités. La mise en œuvre des HSA est gravée dans la loi depuis 2016. Dans un État de droit, il n’est pas acceptable que les postures sécuritaires prévalent sur la science et sur la loi. La justice doit en prendre acte ».

    Sécuriser l'espace public

    « La sécurisation de l’espace public fait également partie des préoccupations des professionnels de santé défendant ces lieux », a assuré Catherine Delorme. Certes, tout « n’est pas parfait, c’est en amélioration permanente, mais les habitants ne se retrouvent pas seuls » grâce à « une équipe identifiée et en permanence dans le quartier », a noté Éric Derosier, membre de l’association de riverains Action Barbès. À Marseille, bien que validé par différents-es acteurs-rices sanitaires, dont l’Agence régionale de santé (ARS) et l’AP-HM, le projet de halte soins addictions a fait les frais d’« une décision politique, prise au détriment des enjeux de santé », selon les requérants-es. En février 2024, Sabrina Agresti-Roubache, élue marseillaise, alors secrétaire d’État chargée de la Ville, s’était félicitée d’avoir « réussi à stopper l’installation d’une "salle de shoot" à Marseille », a rappelé Céline Debaulieu, référente RDR à Médecins du Monde.
    Selon l’Inserm, en 2021, l’accompagnement proposé par les deux salles de consommation à moindre risque françaises avait permis d’éviter 43 décès, 69 % des surdoses, ainsi que nombre d’infections au VIH et à l’hépatite C. Il existe environ 80 haltes soins addictions (même si elles ne portant pas ce nom) en Europe, dont 24 en Allemagne. Chez nos voisins, a affirmé la Dre Avril de l’association Gaïa, « ce n’est plus un débat, c’est un outil ».

    En bref, d'autres infos sur les produits

    La loi sur le "narcotrafic" en mode critiques

    Dans un communiqué, la Fédération Addiction et plusieurs de ses partenaires (Asud, Cannabis sans frontières, la LDH, Safe, Médecins du Monde, SOS Addictions, le Syndicat de la magistrature, etc.) dénoncent la nouvelle proposition de loi sur le « narcotrafic » ? dont ils et elles estiment qu’elle nous entraîne « vers un nouvel échec du tout répressif » Ces différents-es associations et organismes sont réunis-es au sein du Collectif pour une nouvelle politique des drogues (CNPD). Ce dernier a publié une analyse critique de la proposition de loi sur le « narcotrafic ». Il dénonce « l’approche partiale de ce texte qui ignore à la fois les facteurs qui favorisent les trafics et les questions sociales et sanitaires plus larges posées par la question des drogues ». Pour les organisations d'usagers-ères, magistrats-es, policiers-ères, professionnels-les de l'addictologie, défenseurs-ses des droits humains et de la santé membres du CNPD, expertes dans le domaine des drogues, l’approche « répressive de la proposition de la loi la condamne à l’échec ». Le document fait une dizaine de pages. Il est à consulter ici.

    Benzodiazépines : il ne faut pas en abuser, alerte l'agence du médicament

    Vigilance. Xanax, Lexomil ou Temesta, des benzodiazépines prescrits contre l’anxiété ou l’insomnie ont d’importants effets indésirables et doivent être pris le moins longtemps possible, souligne l’agence de sécurité du médicament et vde produits de santé (ANSM). Elle a lancé (11 avril) une campagne d’information à ce sujet. La France est le deuxième pays le plus consommateur de benzodiazépines en Europe. Plus de neuf millions de personnes y ont consommé ces molécules (alprazolam, bromazépan, lorazépam, mais aussi zopiclone, zolpidem sous le nom d’Imovane, Stilnox) en 2023, indique l’ANSM. Les trois quarts ont été prescrites par des généralistes. La campagne vise le grand public et les professionnels de santé. « Avec environ 34 unités ― comprimés ou gélules ― consommées par habitant-e et par an, nous sommes derrière l’Espagne, qui se situe à 54 unités, mais loin devant le Royaume-Uni ou l’Allemagne, avec cinq à sept unités par habitant-e et par an », a précisé à la presse le Dr Philippe Vella, directeur médical de l’agence. Le Xanax, l’Imovane, le Lexomil ― le trio de tête des prescriptions ― « sont des médicaments utiles, importants à prescrire à bon escient, mais qui exposent à des risques de somnolence, de dépendance, de troubles de la mémoire et de chutes potentiellement graves chez les sujets âgés. Or ces effets indésirables, majorés lorsque la durée de traitement est longue, sont souvent méconnus », a souligné le médecin.
    En altérant la capacité à conduire ― en particulier en association, « fortement déconseillée », à l’alcool ― ces médicaments sont responsables de « la majorité des accidents de la route liés aux médicaments », a souligné Mehdi Benkebil, directeur de la surveillance à l’ANSM. Selon l’agence, 3,6 millions de Français-es, soit 40 % des patients-es traités-es par benzodiazépines, ont des durées de prescriptions trop longues.
    Commercialisées depuis les années 1960 en France, ces molécules qui agissent sur le système nerveux central ne constituent pourtant qu’une « aide temporaire pour atténuer les symptômes » et non « traiter la cause » de l’anxiété et des troubles sévères du sommeil, rappelle l’agence du médicament. Leur prescription, qui « doit, dans la mesure du possible, être évitée chez le sujet âgé », ne « doit pas dépasser douze semaines dans la prise en charge de l’anxiété (benzodiazépines anxiolytiques) et trois semaines dans la prise en charge de l’insomnie (benzodiazépines hypnotiques) », a rappelé le Dr Vella.
    Si près d’un-e patient-e sur deux traités-es avec ces médicaments a plus de 65 ans, l’ANSM veut aussi alerter les jeunes patients-es. Car moins d’un quart (23 %) des moins de 30 ans qui en prennent ou en ont pris connaissent les risques de dépendance ou liés à la conduite, selon une enquête Viavoice pour l’ANSM. Stables globalement entre 2017 et 2023, les prescriptions d’anxiolytiques ― essentiellement le Xanax― ont bondi de 25 % chez les jeunes de moins de 19 ans (170 000 en prennent) et même de 40 % chez les filles de cette tranche d’âge. La campagne de l’ANSM s’adresse aussi aux généralistes, incités-es à s’attaquer aux causes des insomnies et de l’anxiété des patients-es, et à prescrire ces médicaments sur la durée la plus courte possible. Pour les insomnies, des petits conditionnements de cinq à sept comprimés existent : les laboratoires sont incités à les produire depuis 2022. Sur 100 millions d’euros de remboursements de benzodiazépines par an, l’Assurance maladie estime pouvoir en économiser 30 millions liés à leur mauvais usage.