L’Actu vue par Remaides : « Des appels militants à l’occasion du Transgender Day of Remembrance »
- Actualité
- 29.11.2024
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Par Jean-François Laforgerie
Des appels militants à l'occasion du
Transgender Day of Remembrance
De nombreuses informations, ces dernières semaines concernant les droits des personnes LGBT+ Ainsi concernant la santé des personnes trans : l’Ordre rappelle l’obligation d’une prise en charge sans discrimination. Aux États-Unis, la nouvelle sénatrice du Delaware Sarah McBride est victime d’une campagne transphobe de la part d’une de ses collègues. Enfin, le TDoR 2024 s’est déroulé. Cet événement a donné lieu à des tribunes (« Transgender Day of Remembrance : le vide et la rage » sur Mediapart) et des textes d’hommage émouvants et militants comme celui de la Fédération LGBTI+ La rédaction de Remaides fait le point sur l’actu LGBT+
"Transgender Day of Remembrance : le vide et la rage", un billet de blog sur Mediapart
« La violence contre les personnes transgenres augmente d'année en année, dans une indifférence mondiale, voire une complicité. Corrélé au racisme, ce sont les personnes trans racisés-es les premières à tomber », indique un billet de blog de Wasp, publié le 20 novembre, sur Mediapart. Il a été publié à l’occasion de la 25e commémoration du Transgender Day of Remembrance. Une journée qui « honore et rend hommage aux 350 frères et sœurs morts-es cette année, pour ne jamais oublier celles et ceux qui sont partis-es ». « Pour ne jamais oublier notre amour qui traverse la mort, la chaleur de leur yeux, la douceur de leur peau et de leurs mots. Pour ne jamais oublier les assassinés-es, les suicidés-es, les écorchés-es sans toit et sans famille, celles-eux morts-es d'overdose, celles-eux crevés-es par la maladie et la précarité, celles-eux abandonnés-es par le monde entier.
Pour ne jamais oublier Angélina, Géraldine, Manu, Sacha, et tous-tes les autres.
Pour ne jamais oublier que la transphobie qui structure le monde reste notre quotidien, que nos corps vous dégoûtent, car affranchis de vos traditions pourries et de votre incessant contrôle, que nos vies hors normes vous effraient (…) Pour vous rappeler que c'est votre panique, celle de vos parents, celle de vos potes, celle de vos collègues devant notre liberté qui emporte nos vies.
Pour vous rappeler que notre soutien est international et que notre amour et notre force va à tous-tes les frères et sœurs migrants-es et réfugiés-es, déportés-es, pourchassés-es, cibles du fascisme dont vous vous accommodez si bien. Aujourd'hui, nous honorons nos morts-es, célébrons nos vivants-es. Peut-être la larme à l'œil, mais sûrement le doigt levé. »
TDor 2024 : un hommage de la Fédération LGBTI+
Le 20 novembre, c’était la Journée annuelle du Souvenir Transgenre (TDoR 2024). À cette occasion, la Fédération LGBTI+ et ses membres ont tenu à honorer la mémoire de toutes personnes transgenres assassinées par haine et préjugés du fait de leur transidentité, à travers le monde, en Europe et aussi en France. « La Fédération soutient tous les femmages et hommages organisés partout dans l’Hexagone et en Outre-mer, et ailleurs dans le monde, à la mémoire de nos adelphes [nom neutre qui désigne une « personne issue de même parents », indépendamment de son genre, ndlr], afin que le public cisgenre et hétérosexuel prenne conscience que la transphobie tue » explique un texte de la Fédération LGBTI+. « Pleurer nos morts-es dans ces temps de recueillement pour les publics LGBTI+, avec nos alliés-es, nous oblige à ne pas oublier les personnes transgenres poussées au suicide, plongées dans la précarité parce que victimes des discriminations bien trop nombreuses dans leur parcours de transition et dans leur quotidien ensuite.
En France, nous sommes particulièrement affectés-es par les meurtres, en juillet dernier, de Géraldine et Angélina.
L’association Transgender Europe (TGEU) qui recense dans un programme mondial le nombre de personnes transgenres et non-binaires, tuées à travers le monde en déplore 350 entre le 1er octobre 2023 et le 30 septembre 2024 », explique la Fédération LGBTI+.
Ces crimes étaient à 94 % des féminicides, visant des femmes trans ; une très grande majorité (93 %) concernait des personnes transgenres racisées (un chiffre en hausse de 14 % par rapport à 2022. Dans son texte, la Fédération LGBTI+ affirme que « les transféminicides ne sont pas des fatalités. L’intersection des haines dont sont victimes les personnes transgenres doit être éradiquée par un changement d’état civil libre et gratuit, avec une dépsychiatrisation complète des procédures, et un plan volontaire et spécifique contre les discriminations qui manque au plan gouvernemental triennal de lutte contre les discriminations LGBTI+ 2024-2026 ». La Fédération LGBTI+ dit rester mobilisée contre l’offensive anti-trans partout à travers le monde, aux États-Unis, mais aussi en France.
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Attaque transphobe contre la sénatrice du Delaware (Etats-Unis) Sarah MCBride
La toute récente sénatrice Sarah McBride est devenue, mardi 5 novembre, la première personne transgenre à siéger au Congrès américain. La démocrate de 34 ans, originaire du Delaware à l’instar de Joe Biden, a notamment fait campagne sur le coût de la garde d’enfants, le logement et le droit à l’avortement. « Le Delaware a envoyé le message haut et fort que nous devons être un pays qui protège la liberté de procréer, qui garantit des congés payés et des services de garde d’enfants abordables pour toutes nos familles, qui veille à ce que le logement et les soins de santé soient accessibles à tous et que nous soyons une démocratie suffisamment grande pour nous tous », s’est félicitée, sur X, la démocrate qui siégeait déjà au sénat local de son État. Les droits des personnes transgenres étaient l’un des sujets de la dernière campagne pour l’élection présidentielle et les élections législatives. L’élection de Sarah McBride a suscité de très nombreuses réactions souvent positives. The Human rights campaign, l’une des principales associations de défense des droits des personnes LGBT+ aux États-Unis, a salué l’élection d’une « pionnière » dans un communiqué. La sénatrice démocrate de Virginie, Danica Roem, première personne transgenre à siéger à la Chambre des délégués de Virginie, a aussi félicité l’élue sur X. Dans un communiqué, la présidente de l’association GLAAD qui dénonce les discriminations et attaques médiatiques à l’encontre des personnes LGBT+, a qualifié l’élection de Sarah McBride de « moment historique pour la communauté transgenre et pour tout le pays ».
Deux semaines plus tard, fin de l’embellie. L’élue est victime d’attaques transphobes de la part d’une élue du camp républicain, Nancy Mace (Caroline du Sud). Cette dernière a présenté le 19 novembre une proposition de résolution pour « bloquer l’accès aux toilettes pour femmes du Capitole », à sa collègue transgenre. « La résolution de Nancy Mace est une démarche pathétique pour attirer l’attention de Trump et des médias », a dénoncé le démocrate Mark Pocan, à la tête d’une commission LGBTQIA+ au Congrès. « Et les personnes transgenres en paient le prix », -t-il fustigé auprès de l’Agence France-Presse. « Les hommes biologiques n’ont rien à faire dans les espaces privés des femmes, un point c’est tout », a osé Nancy Mace dans un message sur X, en présentant son projet de résolution qui cible sans la nommer Sarah McBride. « C’est d’une cruauté sans limite », a critiqué l’élue Becca Balint, qualifiant le texte d’« odieux ». a-t-il fustigé auprès de l’Agence France-Presse. « Il n’y avait pas de toilettes pour les femmes à la Chambre avant les années 1990, a expliqué la représentante Melanie Stansbury. Je trouve dégoûtant, honteux, irresponsable et antidémocratique que mes collègues féminines s’en prennent publiquement à une autre collègue et l’attaquent ouvertement. » Le sénateur démocrate de New York Chuck Schumer, chef de file de la majorité, a, lui, déclaré que la proposition était « méchante » et « cruelle ».
Interrogé le 19 novembre, le chef républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a botté en touche, assurant qu’il s’agissait d’« une question que le Congrès n’avait jamais eu à traiter auparavant ». « Nous allons le faire attentivement avec un consensus des membres, et nous répondrons aux besoins de chaque personne, a-t-il ajouté ensuite. Un homme est un homme et une femme est une femme. Et un homme ne peut pas devenir une femme. Cela dit, je crois aussi que nous devons traiter tout le monde avec dignité. Nous pouvons faire et croire en toutes ces choses en même temps. »
« C’est un homme », a déclaré de son côté la représentante républicaine Marjorie Taylor Greene. « C’est un homme biologique. Il n’a donc pas le droit d’utiliser nos toilettes pour femmes, notre salle de sport pour femmes, nos vestiaires. Il y a plein d’endroits où il peut aller », a surenchéri l’élue se vautrant dans le mégenrage. Avant d’exprimer le fonds (sombre) de sa pensée : « Assez de voir la gauche nous imposer son idéologie transgenre malsaine et envahir nos espaces et les sports féminins ». Aux États-Unis, les droits des personnes transgenres figurent parmi les sujets brûlants des grandes échéances électorales… ce fut le cas, cette année encore. L’accès aux toilettes fait partie des sujets qui sont débattus, les Républicains s’opposant à ce que les femmes trans accèdent aux toilettes pour femmes ; ces élus-es prétendent que cela permettrait de « protéger » les femmes et les filles. Sur X, Sarah McBride a dénoncé une « manœuvre de l’extrême droite » destinée à « faire oublier qu’ils n’ont aucune solution réelle à proposer aux problèmes des Américains ». « Chaque jour, les Américains travaillent avec des personnes qui ont des parcours de vie différents des leurs et échangent avec eux de manière respectueuse. J’espère que les membres du Congrès pourront faire preuve de la même gentillesse », a-t-elle ajouté.
Santé des personnes trans : l'Ordre rappelle l'obligation d'une prise en charge sans discrimination
Inquiet des discriminations et des entraves aux soins subies par les personnes trans, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) a rappelé, le 5 novembre, au « devoir déontologique » et à « l’obligation » de prendre en charge « toute personne sans discrimination ». Un texte court, titré : « Prise en charge des personnes transgenres », a été publié sur le site officiel de l’Ordre. Le conseil y explique : « L’Ordre des médecins rappelle le devoir déontologique de prendre en charge les personnes transgenres sans discrimination.
Le Conseil national de l’Ordre des médecins, qui accompagne les médecins dans l’intérêt des patients, souhaite rappeler l’un des principes fondamentaux de l’exercice médical : le médecin a l’obligation de prendre en charge toute personne sans discrimination.
Le médecin écoute, examine, conseille, soigne avec la même conscience toute personne. Il apporte son concours sans se départir d’une attitude correcte et attentive. Le médecin, par son devoir d’universalité des soins, doit veiller à ce que chaque patient soit soigné sans discrimination.
Le Cnom a un rôle central dans l’accompagnement des pratiques respectueuses des exigences inscrites dans le code de déontologie médicale.
L’Ordre des médecins réaffirme ainsi son engagement à lutter contre toute forme de discrimination dans l’accès aux soins. Il encourage tous les médecins à contribuer activement à la construction d’un système de santé véritablement inclusif et équitable, conformément aux valeurs fondamentales de la profession médicale.
Pourquoi un tel rappel ? Et pourquoi maintenant ?
Les différentes enquêtes sur la prise en charge médicale des personnes trans, en dehors des parcours et des soins de transition, dressent un « constat extrêmement préoccupant », s’alarme auprès du Quotidien du Médecin la Dre Christine Louis-Vahdat, conseillère nationale du Cnom au sein de la section éthique et déontologie.
Le quotidien médical rappelle qu’un "article publié en décembre 2023 dans la revue de l’Institut pour la recherche en santé publique (Iresp) décrit comment « les connaissances lacunaires, le maintien de préjugés et de propos disqualifiant » participent à éloigner des soins les personnes trans.
Il s’agit d’un travail du sociologue Arnaud Alessandrin publié dans le numéro N°47 - décembre 2023 de la revue Questions de santé publique qui posait bien les enjeux : « La prise en compte de la santé des minorités de genre s’est souvent limitée aux enjeux liés aux opérations de réassignation et à l’idée d’une pathologie psychiatrique. Or, depuis quelques années, un glissement s’est opéré : il ne s’agit plus seulement d’évoquer un "transsexualisme" et une population "souffrante", mais bel et bien des citoyens et des citoyennes devant accéder pleinement à leurs droits, notamment concernant leur santé. Pourtant, en contexte français du moins, les connaissances en la matière restent quelque peu lacunaires ». Ce numéro de « Questions de santé publique » propose alors un état de lieux de la santé des personnes trans en rassemblant des données nationales et internationales afin de mieux cerner les enjeux autour de cette population ».
Autre élément de contexte, une « enquête menée en France en 2015 a montré que plus de 40 % des personnes trans se sont limitées dans leurs soins de peur d’un acte ou d’un propos discriminant. Et 65 % d’entre elles ont eu le sentiment d’avoir été discriminées dans leurs parcours », note le Quotidien du Médecin. Le journal mentionne que des discriminations font « régulièrement » l’objet de signalements et de plaintes auprès des conseils départementaux de l’ordre. « Il est inacceptable qu’il y ait de la discrimination, quelle qu’en soit la raison », réagit la Dre Christine Louis-Vahdat, jugeant qu’il est « urgent d’agir dans l’intérêt des patients ». Le communiqué du Cnom vise ainsi à « rappeler la nécessité de la prise en charge et de la surveillance dans les soins secondaires des patients trans : bilan cardiaque, surveillance gynécologique, etc. », poursuit-elle.
Une actualisation des recommandations de prise en charge des personnes trans est en cours au sein de la Haute autorité de santé (HAS). Il s’agit d’un « travail important », notamment pour définir le « cadre que doivent respecter les médecins dans la prise en charge de personnes qui souhaitent débuter une transition », selon la Dre Louis-Vahdat, citée par le Quotidien du Médecin.
GPA : la Cour de cassation française reconnaît la filiation en l'absence de lien biologique
La Cour de cassation, plus haute juridiction de l’ordre judiciaire en France, a indiqué jeudi 15 novembre qu’il était possible de reconnaître dans le droit français le lien de filiation entre un-e enfant né-e d’une GPA (gestation pour autrui) à l’étranger et son parent d’intention avec lequel il ne partage pas de lien biologique, indique l’AFP. La Cour de cassation s’est prononcée sur le cas d’une femme seule ayant eu recours au Canada à une GPA, procédure interdite en France. Cette femme n’a pas de lien biologique avec l’enfant né de la GPA car il a été conçu à partir de dons de gamètes mâle et femme. La justice canadienne l’a déclarée « mère légale de l’enfant » et elle a ensuite demandé à la justice française de reconnaître la filiation. Une cour d’appel française avait initialement reconnu la décision canadienne. Toutefois, le procureur général avait formé un pourvoi en cassation estimant que cette décision était contraire au droit français car elle établissait un lien de filiation entre une femme et un enfant n’ayant aucun lien biologique.
La Cour de cassation a, elle, au contraire estimé que « l’absence de lien biologique ne heurte aucun principe essentiel du droit français ». Elle rappelle dans sa décision que le droit français permet d’établir « des filiations qui ne sont pas conformes à la réalité biologique », par exemple lorsqu’un couple a recours à une assistance médicale à la procréation avec dons de gamètes ou lorsqu’un homme reconnaît un enfant sans être son géniteur. Dans le cas de cette GPA, la Cour de cassation a donc maintenu la reconnaissance de la filiation dans le droit français. Elle a toutefois censuré une partie de la décision de la cour d’appel qui reconnaissait une adoption. La filiation doit être reconnue en tant que « filiation d’intention », qui repose sur « une logique différente de celle de l’adoption », a-t-elle précisé. La Cour de cassation a également rappelé que dans tous les cas, le juge français doit effectuer des vérifications avant de reconnaître une décision de justice étrangère, notamment l’absence de fraude et le consentement des parties à la convention de GPA. La reconnaissance d’une filiation issue de GPA est possible en France pour le père depuis un arrêt de la Cour de cassation en 2015, rendu après une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour atteinte à la vie privée de l’enfant. Depuis 2019, la reconnaissance d’une filiation a été rendue possible pour les deux parents par des arrêts de la Cour.