L’Actu vue par Remaides : « Santé : de quoi meurt-on en France ces dernières années ? »
- Actualité
- 23.10.2024
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Par Jean-François Laforgerie
Santé : de quoi meurt-on en France
ces dernières années ?
Aussi changeantes que variées, telles sont les infos de santé et du champ social de ces derniers temps. Un récent numéro du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) fait ainsi le point sur les causes de mortalité liées aux maladies en France (données de 2022). De leur côté, les pouvoirs publics incitent fortement les seniors-es à se faire vacciner contre la bronchiolite. Côté gouvernement, Michel Barnier a indiqué qu’il voulait « reprendre le dialogue » avec le Parlement en début d’année 2025 à propos de la loi sur la fin de vie. Blâmé en première instance, pour avoir vanté l’hydroxychloroquine comme traitement contre la Covid « sans données scientifiques établies », Didier Raoult, aujourd’hui retraité, a écopé d’une sanction alourdie en appel avec une interdiction d’exercer la médecine pendant deux ans. La rédaction de Remaides fait le point sur l’actu santé et sociale.
De quoi meurt-on en France, selon les données de 2022 ?
En 2022, les tumeurs et les maladies de l’appareil circulatoire (cardiopathies ischémiques, maladies cérébrovasculaires) restent les deux premières causes de décès, mais les maladies de l’appareil respiratoire ont fortement progressé et deviennent la troisième cause de décès. Ainsi, alors que la mortalité par Covid-19 recule, celle des autres maladies respiratoires progresse et revient à un niveau proche de celui de 2019, indique l’article publié dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) du 8 octobre dernier. Ces données sont celles d’une étude qui décrit la mortalité par cause de décès en 2022, en comparant son évolution avec les tendances entre 2015 et 2019 et celles de 2020 et de 2021. L’enquête souligne le fait que la hausse de la mortalité pour la majorité des grandes causes se poursuit en 2022, notamment pour les maladies de l’appareil circulatoire chez les femmes. Les taux standardisés de mortalité sont significativement plus élevés que ce que suggérait la prolongation de la tendance 2015-2019, en particulier pour les maladies de l’appareil digestif et les causes externes (accidents domestiques, chutes, suicides...). Par ailleurs, le taux de mortalité standardisé est stable à tous les âges par rapport à 2021, mais augmente chez les personnes de 85 ans ou plus. Reprenons quelques données.
En 2022, 673 190 décès de personnes domiciliées et décédées en France ont été enregistrés. Le taux standardisé de mortalité est de 886,6 pour 100 000 habitants-es soit un niveau proche de 2021. La standardisation, en ramenant les populations féminine et masculine à une même distribution par âge, met en évidence la surmortalité masculine : le taux masculin (1 106,8) est 1,7 fois (sex-ratio) plus élevé que le taux féminin (666,5). Près de 47 % des décès concernent les personnes de 85 ans et plus et 14,8 % surviennent avant 65 ans : ces décès prématurés représentent 19,5 % des décès masculins contre seulement 10,5 % des décès féminins. L’âge moyen au décès est en 2022 de 79,4 ans pour 79,1 ans en 2021.
Les cancers arrivent en haut des causes de décès. En 2022, les tumeurs représentent 25,5% des décès (171 630 décès, taux de 241,9 pour 243,3 en 2021), dont 55,5 % d’hommes. Plus de la moitié des personnes décédées d’une tumeur avaient entre 65 et 84 ans. Les tumeurs du poumon, des bronches et de la trachée représentent 18 % des décès par tumeur dont 66,7 % d’hommes. Elles comptent pour près d’un quart des décès par tumeur des moins de 65 ans. La deuxième tumeur la plus fréquente, tous âges confondus, est la tumeur colorectale (9,9 %). Les tumeurs malignes du sein sont responsables de 12 963 décès quasiment tous féminins, soit 16,7 % des décès féminins par tumeur (taux de 30,3 chez les femmes).
Les maladies de l’appareil circulatoire arrivent en deuxième. Elles ont entraîné 140 173 décès soit 20,8 % de l’ensemble (taux de 177,8), dont 46,9 % d’hommes. Ces pathologies sont les premières causes de décès chez les 85 ans et plus, responsables de plus d’un quart des décès. Les cardiopathies ischémiques représentent 22,2 % des décès dus aux maladies de l’appareil circulatoire et les maladies cérébrovasculaires, 22,5 %.
En 2022, les maladies de l’appareil respiratoire ont fortement progressé et deviennent la troisième cause de décès. Elles sont responsables de 45 071 décès, soit 6,7% de l’ensemble des décès (taux de 59,4). Elles causent dix décès de plus pour 100 000 habitants-es qu’en 2021. Plus de la moitié des décès concernent des personnes âgées de 85 ans ou plus (55,2 %). Dans cette classe d’âge, elles causent 7,9 % des décès en 2022 pour 6,4 % en 2021. Le taux de mortalité des hommes (77,3) est près de deux fois celui des femmes (41,5).
Avec 41 291 décès en 2022 (6,1 % de l’ensemble des décès), la Covid-19 a reculé en cinquième place en 2022 (taux de 54,7, soit 28 décès pour 100 000 habitants-es de moins qu’en 2021). Les victimes de la Covid-19 sont plus âgées qu’en 2021 : 59 % concernent des personnes de 85 ans ou plus (versus 50 % en 2021) et 6 % ont moins de 65 ans (8 % en 2021).
Source : Fouillet A, Cadillac M, Rivera C, Coudin É. Grandes causes de mortalité en France en 2022 et tendances récentes. Bull Épidémiol Hebd. 2024.
Bronchiolite : les séniors-es (aussi) doivent être vaccinés-es
Chaque hiver, de nombreux enfants très jeunes (moins de deux ans) sont touchés par le virus respiratoire syncytial (VRS) et, plus particulièrement, par la bronchiolite, dont l’épidémie démarre souvent mi-octobre, avec un pic en décembre. Cette infection respiratoire d'origine virale est bénigne dans la plupart des cas, elle peut évoluer dans une forme grave chez les nouveau-nés et les personnes âgées, rappelle le Quotidien du Médecin. En effet, ces dernières aussi peuvent souffrir, en cas d’infection, d'un syndrome de détresse respiratoire aigüe, d'une aggravation d'une maladie cardiopulmonaire ou de l'apparition d'une pneumopathie. Dans les formes les plus graves, les patients-es peuvent décéder. En juillet 2024, la Haute autorité de santé (HAS) a réactualisé ses recommandations contre le virus respiratoire syncytial aux personnes âgées de 75 ans afin de réduire le nombre d'infections aiguës des voies respiratoires basses liées au VRS. Le virus respiratoire syncytial ou Orthopneumovirus hominis est la cause la plus fréquente, dans le monde, d'infections respiratoires des jeunes enfants. Très contagieux, ce virus infecte principalement les nourrissons âgés de moins de deux ans.
« La HAS considère que le vaccin Arexvy et le vaccin Abrysvo peuvent être utilisés dans le cadre de cette recommandation. De plus, la HAS recommande la vaccination chez les sujets âgés de 65 ans et plus présentant des pathologies respiratoires chroniques (particulièrement BPCO) ou cardiaques (particulièrement insuffisance cardiaque) susceptibles de décompenser lors d'une infection à VRS », rapporte la HAS. L’autorité sanitaire indique également que « le vaccin Arexvy peut être administré de manière concomitante avec les vaccins inactivés de la grippe saisonnière (dose standard sans adjuvant, haute dose sans adjuvant, ou dose standard avec adjuvant) et le vaccin Abrysvo avec le vaccin de la grippe saisonnière (vaccin tétravalent, antigène de surface, inactivé, avec adjuvant) ». Santé publique France rappelle que les plus de 75 ans représentaient 61 % des hospitalisations et 78 % des décès liés au VRS, l’année dernière.
Fin de vie : Michel Barnier veut "reprendre le dialogue" avec le Parlement, début 2025
Michel Barnier a annoncé mardi 1er octobre qu’il souhaitait « reprendre le dialogue » avec le Parlement en début d’année 2025 sur le projet de loi sur la fin de vie, dont l’examen avait été suspendu à l’Assemblée en juin par la dissolution. Pour « accompagner les personnes en fin de vie », « nous allons reprendre le dialogue avec vous, avec le Sénat, les soignants et les associations, en début d’année prochaine sur le projet de loi dont l’examen a été interrompu par la dissolution », a indiqué le Premier ministre devant les députés-es, lors de sa déclaration de politique générale, devant l’Assemblée nationale. Il a aussi promis que, « sans attendre », les « efforts en faveur du développement des soins palliatifs seront renforcés dès 2025 ». Les opposants-es au texte, notamment des soignants-es ou des personnalités religieuses, plaident régulièrement qu’il faudrait d’abord développer ces soins, encore insuffisamment disponibles, pour s’assurer que des patients-es ne réclament pas de mourir faute de trouver une prise en charge adaptée. Le texte, arrêté avant la fin de sa première lecture à l’Assemblée, devait légaliser le suicide assisté et, dans certains cas, l’euthanasie, avec de strictes conditions et sans employer ces termes, préférant parler d’« aide active à mourir ». Sa relance apparaît plus complexe avec le gouvernement Barnier, plus marqué à droite. La présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet a souhaité un réexamen « avant la fin de l’année ». Olivier Falorni (apparenté MoDem), rapporteur général du projet interrompu, a déposé une proposition de loi reprenant « intégralement » le texte tel qu’il était avant la dissolution. Reste que les pressions et les obstacles sont encore nombreux. Ainsi des soignants-es, regroupés-es dans un collectif de 24 organisations, baptisé « Soins de vie », ont rappelé que « donner la mort n’est pas un soin », dans une lettre ouverte adressée, in septembre, à Michel Barnier. À leurs yeux, « il serait également incompréhensible que le sujet de la fin de vie soit discuté par le Parlement avant même tout autre projet visant à mieux répondre aux besoins de santé des Français ». Le gouvernement de Michel Barnier compte plusieurs opposants-es au texte, qui avait déjà mis plus d’un an à éclore, au premier rang desquels les ministres Bruno Retailleau (Intérieur) et Annie Genevard (Agriculture). Des ministres macronistes comme Astrid Panosyan-Bouvet (Travail) ont aussi exprimé leur opposition, bien que l’évolution de la loi sur le sujet ait longtemps été une promesse d’Emmanuel Macron. À l’inverse, Nathalie Delattre (Relations avec le Parlement), membre du Parti radical, a jugé ce texte « attendu de beaucoup de Français et aussi de façon aussi transpartisane par beaucoup de parlementaires ». Au milieu du gué, la nouvelle ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, qui serait susceptible de porter un nouveau texte, n’en apparaît pas comme une défenseure inconditionnelle sans s’y opposer frontalement.
Hydroxychloroquine : sanction alourdie en appel pour Didier Raoult, interdit d'exercer la médecine pendant deux ans
En première instance, Didier Raoult avait reçu un simple blâme pour avoir vanté l’hydroxychloroquine comme traitement contre la Covid « sans données scientifiques établies ». Sa sanction a été sérieusement alourdie, a révélé Le Parisien (3 octobre), puisque l’ancien patron de l’IHU de Marseille, à la retraite depuis 2022, s’est vu finalement interdit d’exercer la médecine pendant deux ans à partir du 1er février 2025. Il est reproché au chercheur d’avoir enfreint plusieurs articles du code de déontologie médicale en promouvant et prescrivant un traitement à base d’hydroxychloroquine contre la Covid-19, malgré son absence d’effet prouvé. En revanche, il n’a pas fait « courir de risque injustifié » aux patients-es à qui il a prescrit ce traitement car il « a sciemment écarté du traitement ceux qui présentaient les facteurs de risque les plus élevés », selon la décision du président de la chambre disciplinaire nationale, citée par Le Parisien. Lors de la pandémie, le Pr Didier Raoult avait défendu inlassablement les vertus de ce médicament, habituellement utilisé dans le traitement du paludisme, n’hésitant pas à parler de « molécule miracle ». Mais l’hydroxychloroquine avait finalement été interdite en France, puis déconseillé en Europe par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), comme le rappellent les médias. Selon, une étude publiée en janvier 2024 dans la revue Biomedicine & Pharmacotherapy, 16 990 décès seraient imputables à l’hydroxychloroquine au premier trimestre 2020 dans six pays : la France, la Belgique, l’Italie, l’Espagne, la Turquie et les États-Unis : 199 morts ont été comptabilisés en France et 12 739 aux États-Unis. Didier Raoult est aussi visé par une enquête judiciaire portant sur des soupçons d’essais cliniques « sauvages », c’est-à-dire non autorisés. « n’a plus aucune fonction hospitalière ni universitaire à l’IHU depuis qu’il en a quitté la direction, en septembre 2022 », rappelle Le Parisien. « La sanction en appel est donc avant tout symbolique ». On n’oubliera pas qu’au printemps 2020, alors que la pandémie enflait, et que Didier Raoult disait détenir le traitement miracle contre la Covid-19, le président Emmanuel Macron avait jugé bon de faire une visite surprise au professeur controversé dans le service qu’il dirigeait alors. Emmanuel Macron l’évoquant comme un « grand scientifique ». Pour rappel, son cabinet d’alors était hostile à cette visite.