L’actu vue par Remaides : « Deux millions de personnes vivent le troisième âge sous le seuil de pauvreté »
- Actualité
- 16.10.2024
Par Jean-François Laforgerie
Deux millions de personnes vivent le
troisième âge sous le seuil de pauvreté
L’actualité a été chargée ces dernières semaines dans le champ des infos de santé et du champ social. On a notamment pu prendre connaissance de la sortie d’un rapport sénatorial qui appelle à réguler la « financiarisation » aux « effets indésirables », tandis qu’un autre rapport du Sénat tacle les complémentaires Santé sur les hausses de cotisations. Mauvaise nouvelle, après cinq ans de travail sur les politiques pharmaceutiques, l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds), créé par Pauline Londeix et Jérôme Martin, annonce mettre fin à ses activités. Enfin, signalons la publication d’un rapport important de l’association Les Petits frères des pauvres qui constate que « deux millions de personnes vivent le troisième âge sous le seuil de pauvreté, particulièrement les femmes et les personnes seules qui se retrouvent ainsi encore plus isolées ». La rédaction de Remaides fait le point sur l’actu santé et sociale.
Santé : un rapport appelle à réguler la " financiarisation" aux "effets indésirables"
La financiarisation, entrée d’acteurs-rices financiers-ères au capital de sociétés privées, « progresse » dans le domaine de la santé et produit des effets « indésirables », alerte un rapport sénatorial publié mercredi 25 septembre, proposant des pistes pour « réguler » le phénomène et « protéger l’indépendance » des soignants-es, explique l’AFP. Dès les années 1990 et surtout 2000, des fonds d’investissement ont racheté des parts du secteur hospitalier privé, puis des laboratoires d’analyses médicales, participant grandement au phénomène de concentration des structures. Ainsi, 40 % de l’hospitalisation privée est aujourd’hui détenue par quatre groupes (Ramsay Santé, Elsan, Vivalto, Almaviva), et six groupes de laboratoires d’analyses médicales concentraient en 2021 62 % des sites, indique ce rapport des sénateurs-rices Corinne Imbert (apparentée LR), Olivier Henno (Union centriste) et Bernard Jomier (PS). La financiarisation a ensuite touché le secteur de la radiologie — 30 % des structures seraient financiarisées selon le rapport —, celui des centres de santé dentaire et ophtalmologique, et s’introduit désormais « massivement » dans celui des « centres de soins primaires » (polyvalents, soins non programmés...), voire des pharmacies. Pour ces fonds, le soin « représente un investissement rentable et sûr », au vu de la croissance exponentielle des besoins de santé, et du remboursement des soins par l’État, écrivent les auteurs-rices du rapport. Dans les sociétés d’exercice libéral, la réglementation limite, aujourd’hui, la part de capital détenu par des « tiers non-professionnels » à 25 %. Mais les investisseurs-ses usent de « montages juridiques complexes » pour contourner la législation et prendre le contrôle effectif de structures, déplorent les parlementaires. Sur quoi portent les inquiétudes ? Les sénateurs-rices pointent « un risque sérieux pour l’indépendance des professionnels », qui se voient imposer des obligations (fonctionnement, horaires, offre proposée...) favorisant la rentabilité, au détriment des besoins de santé des territoires. Ils et elles constatent aussi un « amoindrissement » du pouvoir de négociation des autorités de tutelle, face aux grands groupes. Les auteurs du rapport appellent à mieux réguler le phénomène, dont les pouvoirs publics ont « tardé » à s’emparer, dans un contexte de déficit croissant des comptes publics, où l’apport de capitaux extérieurs permettait certains investissements. Aujourd’hui, « une partie de l’argent sert à rémunérer des actionnaires plutôt qu’à être réinjecté dans le système de santé », et souvent « la logique du gain l’emporte sur les objectifs de santé publique », a regretté, lors d’une conférence de presse, Bernard Jomier. Parmi dix-huit propositions, le rapport préconise notamment de s’appuyer sur les autorisations d’activités délivrées par les Agences régionales de Santé, levier « trop peu utilisé », dont les critères pourraient évoluer. Il propose de conditionner toute ouverture de centre de soins primaires à « un agrément », comme la loi le prévoit depuis 2023 pour les centres dentaires et ophtalmiques, et d’augmenter le nombre de laboratoires d’analyses médicales de proximité, en dressant une liste minimale d’examens effectués sur site. Les sénateurs-rices souhaitent encore modifier la loi, pour mieux protéger le pouvoir décisionnel des soignants-es dans leurs structures, les former à la gestion, ou encore de fixer une durée minimale d’investissement dans une société, pour éviter la spéculation.
Les sénateurs et les sénatrices taclent les complémentaires Santé sur les hausses de cotisations
Boum ! Un rapport sénatorial publié jeudi 26 septembre critique les hausses de tarifs particulièrement fortes en 2024 (+ 8,1 %) des complémentaires Santé, jugeant insuffisantes les justifications avancées par les mutuelles, groupes paritaires et autres assureurs. Le niveau d’augmentation attendu, du fait de l’évolution des dépenses de santé et des évolutions réglementaires, est « sans commune mesure » avec celui effectivement pratiqué, selon le rapport signé par Marie-Claire Carrère-Gée (sénatrice LR devenue ministre déléguée à la coordination gouvernementale de l’équipe Barnier) et le sénateur Renaissance Xavier Iacovelli. Selon les calculs de la mission sénatoriale, l’augmentation tendancielle des dépenses de santé, et les mesures nouvelles mises à la charge des complémentaires Santé auraient dû aboutir à une hausse « de 4,5 % à 6,5 % », explique l’AFP. Cette estimation est voisine de celle de la direction de la Sécurité sociale du ministère de la Santé, qui aboutissait, de son côté, à une fourchette de « 5 à 7% », indiquent les sénateurs-rices. Il faudra « rester attentif aux bilans financiers des complémentaires Santé sur les années à venir afin de vérifier le caractère strictement proportionné des augmentations de cotisations aux hausses de prestations », écrivent les parlementaires. Ils-elles notent notamment que les frais de gestion des complémentaires Santé — 20 % en moyenne des cotisations — ont augmenté « deux fois » plus vite que l’inflation (soit une progression de 33%) entre 2011 et 2022. Pour contenir les futures hausses de cotisation, les sénateurs-rices proposent notamment de « recentrer les objectifs du contrat responsable et solidaire », le contrat-type encouragé fiscalement par les pouvoirs publics, dont le panier de soins est devenu « particulièrement couvrant », décourageant, de fait, la concurrence. Les parlementaires contestent aussi les « garanties toujours plus couvrantes pour des frais d’ostéopathie, de naturopathie, ou de sophrologie », avec des forfaits — quatre séances d’acupuncture remboursées par exemple — qui « instaure une logique de crédits incitant à la consommation ». La couverture de ces prestations devrait être « optionnelle », et « sortie du contrat responsable afin de baisser le coût de la complémentaire Santé pour les assurés-es qui n’y recourent pas », écrivent les sénateurs-rices. Pour éviter que les retraités-es ne paient un tribut particulièrement lourd aux hausses de cotisations (ils-elles ne bénéficient plus des contrats collectifs des salariés), les sénateurs-rices recommandent de « mandater les partenaires sociaux » pour « renforcer la solidarité intergénérationnelle ». Il s’agirait notamment de renforcer les mécanismes de plafonnement de cotisations pour les personnes âgées, et de prévoir une adaptation spécifique de la couverture sociale solidaire (CSS). La CSS permet aux personnes à très bas revenus de bénéficier d’une couverture complémentaire gratuite ou à bas prix par l’Assurance maladie. Selon le cabinet spécialisé Addactis, la hausse des cotisations va se poursuivre à un niveau élevé en 2025, même s’il sera un peu moins fort qu’en 2024, indique l’AFP. Les chiffres publiés mardi 24 septembre) prévoient une hausse de 6,2 % (taux médian) des contrats collectifs et individuels en 2025.
L'Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds) cesse ses activités
Après cinq ans de travail sur les politiques pharmaceutiques, l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament (OTMeds), créé par Pauline Londeix et Jérôme Martin, a annoncé mettre fin à ses activités dans un communiqué publié le 25 septembre. « L’ensemble de notre travail reste disponible sur notre site et toute personne intéressée, responsable politique, journaliste, simple citoyen-ne, y trouvera nos travaux de recherche, analyses, décryptages, prises de position », expliquent les deux militants-es. « Nous sommes fiers et fières du travail accompli. En cinq ans, nous avons produit et mis à disposition une expertise qui montre que les politiques pharmaceutiques actuelles ne répondent pas aux besoins de tous et toutes », expliquent-ils-elles. Par de nombreux articles et deux ouvrages (« Combien coûtent nos vies ? », Pauline Londeix et Jérôme Martin, éditions 10/18, collection Amorce, septembre 2022 et « Notre santé nous appartient » ouvrage collectif dirigé par Pauline Londeix et Jérôme Martin, éditions Dunod, janvier 2024), les deux auteurs-rices ont « posé le problème de l’opacité des politiques pharmaceutiques, dénoncé les angles morts d’une recherche soumise aux logiques marchandes, démontré l’illégitimité des prix exorbitants consentis aux industriels sur leurs produits qui menacent notre système de santé solidaire, imposé dans le débat public un diagnostic et des solutions contre les pénuries de médicaments, qui ont presque décuplé en sept ans ». « Nous avons demandé, obtenu et été auditionnés-es par une commission d’enquête sénatoriale sur les pénuries de médicaments et les choix de l’industrie pharmaceutique, et notre travail a permis que cette chambre, d’habitude très dogmatique et favorable aux seuls industriels, adoptent des recommandations allant dans le sens de l’intérêt général », soulignent Pauline Londeix et Jérôme Martin. Pour quoi arrêter alors ? Les deux militants-es s’en expliquent sur leur blog. « Ce travail a atteint ses limites, et celles-ci tiennent à un contexte polico-médiatique qu’OTMeds n’arrive plus à faire évoluer. On peut notamment citer le dogmatisme croissant des gouvernements successifs qui maintiennent des politiques malgré toutes les preuves apportées qu’elles dilapident l’argent public au profit des entreprises privées et qu’elles font exploser les pénuries de produits de santé ; ou encore la sous-représentation générale des questions de santé dans le débat public, y compris à gauche. Nous avons donc décidé d’arrêter les activités de l’Observatoire pour libérer de la place et de l’énergie à de nouveaux outils, de nouvelles structures, permettant de mieux répondre aux enjeux posés par cette situation politique et de faire avancer les nécessaires réformes du système de santé et des politiques pharmaceutiques, pour qu’elles répondent aux besoins de toutes et tous ». L’ensemble des contributions de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament restent accessibles.
Union européenne : l'EMA suspend un médicament contre la drépanocytose
L’Agence européenne des médicaments (EMA) a demandé jeudi 26 septembre la suspension de l’autorisation de mise sur le marché d’un médicament de Pfizer : l’Oxbryta, destiné à traiter la drépanocytose ; estimant que les médecins devraient cesser de l’utiliser, indique l’AFP. L’appel de l’EMA est intervenu un jour après que le géant pharmaceutique américain a déclaré qu’il retirait volontairement l’Oxbryta des marchés mondiaux. Ce médicament est utilisé pour traiter la drépanocytose, une maladie du sang potentiellement mortelle qui touche principalement des millions de personnes d’origine africaine, moyen-orientale ou sud-asiatique. « Le comité des médicaments à usage humain (CHMP) de l’EMA a recommandé de suspendre l’autorisation de mise sur le marché de (...) l’Oxbryta », a déclaré l’agence sanitaire européenne. « Cette mesure est prise à titre de précaution alors qu’un examen des données est en cours », a-t-elle ajouté dans un communiqué. Deux études ont montré que les patients-es qui utilisaient l’Oxbryta présentaient un plus grand nombre de « crises vaso-occlusives », c’est-à-dire des douleurs aiguës et des complications potentielles telles que l’arthrite, l’insuffisance rénale et les accidents vasculaires cérébraux (AVC). L’EMA examinait déjà les risques de l’Oxbryta dans le cadre d’une enquête qui a débuté en juillet. « Cette enquête a été déclenchée lorsque les données d’un essai clinique ont montré que le nombre de décès était plus élevé avec l’Oxbryta qu’avec un traitement par placebo », a déclaré l’EMA. L’EMA a recommandé de ne plus démarrer un traitement avec ce médicament, de l’interrompre s’il était déjà commencé et « surveiller les patients pour les effets indésirables après l’arrêt du traitement ». La drépanocytose est une maladie des cellules du cycle, soit un groupe de troubles sanguins héréditaires qui produisent une hémoglobine anormale, une protéine qui transporte l’oxygène. Les cellules sanguines saines se déplacent dans les petits vaisseaux sanguins pour transporter l’oxygène vers toutes les parties du corps. Chez une personne atteinte de drépanocytose, l’hémoglobine est anormale, ce qui fait que les globules rouges deviennent durs et collants et ressemblent à une faucille, obstruant ainsi la circulation sanguine. « Cela peut provoquer des douleurs et d’autres complications graves telles qu’une infection, un syndrome thoracique aigu ou un accident vasculaire cérébral », selon le CDC.
Des privations pour deux millions de personnes âgées sous le seuil de pauvreté
Deux millions de personnes vivent le troisième âge sous le seuil de pauvreté, particulièrement les femmes et les personnes seules qui se retrouvent ainsi encore plus isolées, alerte le rapport annuel de l’association Les Petits frères des pauvres, publié fin septembre. Ce chiffre correspond aux personnes de 60 ans et plus qui vivent sous le seuil de pauvreté monétaire, un niveau relatif fixé à 60 % du niveau de vie médian (soit 1 216 euros par mois pour une personne seule, 1 824 euros pour un couple), selon l’association, citée par l’AFP.
La pauvreté touchait 10,6 % des 65-74 ans en 2022 contre 7,5 % en 2017, selon l’Insee. Les seniors-es sont toutefois moins touchés-es que la population générale : neuf millions de personnes en France vivent sous le seuil de pauvreté, soit 14,4 % de la population.
Vivre à deux protège de la pauvreté, qui concerne 18,8 % des personnes âgées seules, contre 6,4 % de celles vivant en couple, selon l’Insee. Les femmes, qui vivent plus longtemps que les hommes, donc dans la solitude, sont plus exposées. En outre, le moindre travail des femmes parmi les générations plus âgées, des carrières hachées pour suivre leur mari en mutation professionnelle, des temps partiels pour s’occuper de leurs enfants ou de leurs proches, ont eu pour conséquences des pensions de retraite plus faibles. À cela s’ajoutent divorces et séparations qui réduisent leur niveau de vie.
Si vivre seul-e expose à la pauvreté, celle-ci renforce l’isolement. Quatre personnes sur dix se sont privées d’aller au restaurant, de partir en vacances ou ont limité leurs déplacements au cours des douze derniers mois, 26 % se sont privé d’inviter leurs proches. Même si leur quotidien est fait de calculs et de privations, les personnes interrogées par l’enquête ne se définissent pas comme pauvres, un mot qui, pour elles, correspond à des situations plus graves que la leur. Plus d’une personne sur deux ne bénéficie d’aucune aide et s’estime mal informée. Les trois quarts sont mal à l’aise avec les démarches administratives en ligne. Le projet de solidarité à la source que prépare l’administration devrait réduire le taux de non-recours aux aides sociales, en les attribuant directement en fonction des revenus enregistrés par l’administration. L’association demande de relever le minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté. Cette prestation non contributive — c’est à dire sans être liée à une cotisation antérieure — qui permet aux personnes âgées d’accéder à un seuil minimal de ressources, est de 1 012 euros. Une mesure qui coûterait deux milliards d’euros par an aux finances publiques, selon Yves Lasnier, le délégué général des Petits Frères des pauvres. Les difficultés d’accès des plus jeunes générations à la propriété, l’essor du statut d’auto-entrepreneur sont des facteurs de risque de précarité au grand âge, insiste l’association. L’association demande ainsi de prévenir la pauvreté future en mettant en place un rendez-vous aux assurés-es dont les estimations de retraite seraient inférieures au seuil de pauvreté.
Charlotte Parmentier-Lecocq, nouvelle ministre déléguée au Handicap
Finalement, il y a bien une ministre déléguée au handicap dans le gouvernement de Michel Barnier. L’Elysée a annoncé vendredi 27 septembre la nomination de la députée (Horizons) Charlotte Parmentier-Lecocq aux personnes en situation de handicap. Sa nomination intervient six jours après celle de l’équipe gouvernementale. Un autre ministre délégué rejoint celui des Armées. Avec ces deux nominations, le gouvernement de Michel Barnier compte 41 membres. Macroniste historique passée chez Horizons ces derniers jours, la députée Charlotte Parmentier-Lecocq récupère un portefeuille laissé sans attribution lors de la première salve de nominations samedi, ce qui avait entraîné de vives critiques du secteur, explique l’AFP. Députée du Nord et macroniste depuis 2017, la parlementaire de 47 ans avait occupé le poste-clé de présidente de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée entre septembre 2023 et juin 2024, après la nomination au gouvernement de sa prédécesseure Fadila Khattabi, indique Le Monde.