Mpox : « La DGS s’est fixée comme objectif de vacciner toute la population cible d'ici la fin d'année 2024 »
- Actualité
- 05.09.2024
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Par Fred Lebreton
Mpox : « La DGS s’est fixée comme objectif de vacciner toute la population cible d'ici la fin d'année 2024 »
Le 2 septembre, la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié l’actualisation de ses recommandations vaccinales concernant le Mpox. Quelle est la stratégie vaccinale de la France et comment est mise en œuvre la nouvelle campagne d'information et de vaccination ? Remaides a interrogé Grégory Emery, médecin spécialiste en santé publique et directeur de la DGS (Direction générale de la Santé).
Remaides : L'épidémie de Mpox fait l'objet d'une seconde alerte mondiale de la part de l'OMS. La France a actualisé ses recommandations vaccinales récemment. Quelle est aujourd'hui la stratégie vaccinale française concernant le mpox et quels en sont les objectifs en population générale et concernant les groupes les plus exposés ?
Grégory Emery : La France s’est dotée depuis 2022 d’une stratégie de vaccination pour faire face au risque Mpox. C'est une stratégie pour freiner la circulation du Mpox clade 2 [celui à l’origine de l’épidémie de 2022, ndlr]. Depuis la déclaration de l'urgence sanitaire de portée internationale par l'OMS [le 14 août dernier, ndlr], il y a eu une réactualisation de la stratégie. La Haute Autorité de santé vient de rendre un avis et le ministère de la Santé et de la Prévention va mettre en œuvre l'avis de l'autorité scientifique compétente en la matière. La Haute Autorité de santé fixe trois objectifs : Empêcher la propagation du clade 1b en France, c’est-à-dire constituer une barrière à la transmission du Mpox ; éliminer la circulation du clade 2b en France en renforçant la protection des personnes cibles actuelles de la vaccination ; avoir un niveau global d'immunité plus élevé de toute la population
Remaides : Quelles sont ces populations cibles ?
Ce sont les mêmes que depuis 2022 : à savoir les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, HSH, rapportant des partenaires multiples ; les personnes trans rapportant des partenaires multiples ; les personnes en situation de prostitution ou travailleurs et travailleuses du sexe ; les professionnels qui travaillent dans les lieux de consommation sexuelle et aussi les personnes qui partagent des lieux de vie des personnes citées auparavant. Ce sont les populations cibles de la vaccination dite préventive, mais il y a aussi une autre vaccination en France qui existe depuis 2022, c'est la vaccination dite réactive, si vous êtes cas contact d'une personne qui a développé le Mpox. Il est important de rappeler qu'il n'y a pas d'épidémie de clade 1b en Europe [un unique cas en Suède, à ce jour, ndlr] et d’après l’ECDC, le risque de reproduction est faible. Il y aura peut-être des cas sporadiques dans les prochains mois et notre rôle, en tant que responsables de santé publique, c'est d'anticiper. Le futur, en matière d'épidémie est, par nature, imprévisible. C'est pour cette raison-là que la Haute Autorité de santé recommande la dose de rappel aux personnes vaccinées en 2022.
Remaides : Quels sont les schémas vaccinaux ?
Les messages de la HAS sont clairs : Si vous faites partie des populations cibles et que vous ne vous êtes pas fait vacciné, faites-vous vacciner avec un schéma complet. Si vous avez commencé votre schéma vaccinal en 2022 et que vous vous êtes arrêté en cours de route, ce n’est pas grave, vous pouvez maintenant terminer ce schéma de vaccination. Si vous avez fait votre schéma complet de vaccination en 2022, faites une troisième dose de rappel, comme le préconise la Haute Autorité de santé, pour avoir une immunité la plus élevée possible. Ce sont nos trois objectifs : faire une barrière contre le clade 1, éliminer ou éradiquer le clade 2, et avoir un niveau global d'immunité plus élevé, en matière de Mpox de manière générale. Il est important de préciser que ces stratégies sont actualisées au regard des connaissances actuelles et comme c’est souvent le cas avec les maladies émergentes, les connaissances peuvent évoluer. Les stratégies ne sont jamais gravées dans le marbre et peuvent changer en fonction des découvertes scientifiques et épidémiologiques.
Remaides : Concrètement comment est mise en œuvre la nouvelle campagne d'information et de vaccination ? Quelles instructions avez-vous donné ?
La vaccination repose en grande partie sur les Centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic qu’on appelle les Cegidd. Aujourd'hui, il y a environ 200 centres de vaccination qui sont déclarés comme ouverts, à l'heure où je vous parle. Ils ont été identifiés par les agences régionales de santé (ARS) depuis le 16 août 2024, soit depuis l’alerte mondiale de l’OMS. Nous avons demandé aux ARS, à la fois de s'assurer que l'offre vaccinale était bien en place et de bien se référencer sur le site santé.fr. C'est un point important parce que, pour prendre rendez-vous, il faut aller sur ce site. Sur santé.fr, vous trouvez le centre de vaccination le plus près de chez vous. Pour la plupart d'entre eux, il faut appeler, mais il y a aussi des prises de rendez-vous en ligne sur les grandes plateformes habituelles. Nous ne sommes pas sur une vaccination d'urgence. La DGS s’est fixée comme objectif de vacciner toute la population cible d'ici la fin d'année 2024. Contrairement à 2022, nous ne faisons pas face à une circulation active du Mpox en France, donc il n’y a pas d’urgence à vacciner. Nous avançons avec méthode et sans inquiétude. La vaccination Mpox est gratuite, ce qui est aussi une force du modèle français. Et la personne peut profiter de ce passage dans ce centre de vaccination pour faire un bilan des autres infections sexuelles sexuellement transmissibles. Il faut aussi qu'on arrive à dépasser la question de la vaccination pour parler plus largement de la prévention en santé sexuelle. C'est aussi l'intérêt de faire reposer cette stratégie sur les centres de vaccination. C'est vrai en métropole et aussi dans les régions ultramarines. Je tiens à insister. La vaccination Mpox est gratuite pour toutes et pour tous.
Remaides : Pouvez-vous rappeler qui peut prescrire cette vaccination et qui peut vacciner ?
Des messages vont partir cet après-midi à tous les professionnels de santé, établissements de santé de France, pour leur repréciser la stratégie actualisée. Les médecins, infirmiers, sages-femmes et pharmaciens peuvent prescrire et administrer les vaccins du calendrier vaccinal. C'est ce qu'on appelle l'élargissement des compétences vaccinales pour dégager du temps médical. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui, la vaccination contre la grippe ou contre la Covid, peut être prescrite et faite par des infirmiers et par des pharmaciens. Sur le vaccin contre le Mpox, nous sommes dans une situation qui est plus particulière. Ce sont des vaccins qui font partie du stock stratégique de Santé publique France et qui, une fois décongelés, ont une date d'utilisation qui est très courte. Nous avons donc fait le choix de concentrer leur stock sur les 200 centres de vaccination pour des raisons logistiques et pour éviter les gâchis de doses. Aujourd'hui, on ne peut pas se permettre de gâcher des doses contre le Mpox qui resterait au fond d'un frigo.
Remaides : Seulement 35 % de la population cible ont reçu une vaccination complète en France (étude ERAS 2023) en 2022. Comment atteindre les personnes les plus exposées Mpox Mpox, mais pourtant éloignées du soin et de la prévention ?
Effectivement, la couverture vaccinale complète est de 35 %, mais quand on regarde de plus près, on voit que cette couverture vaccinale est de 64 % chez les HSH vivant avec le VIH et plus de 77 % chez les HSH sous Prep. Ce qui veut dire que les personnes les plus concernées ont compris l’importance de la vaccination et ont modifié leurs pratiques. C'est ce que nous avons appris de l’épidémie de 2022 qui a diminué grâce à la vaccination et aussi grâce à la responsabilisation et à la prise de conscience de la communauté gay. C’est une communauté, les associations nous l'ont dit, qui voulait vraiment accéder à la vaccination. Et la preuve, c'est qu'aujourd'hui, les personnes sous Prep sont à 77 % de couverture vaccinale, ce qui est très haut. Il reste deux populations qui sont plus difficiles à atteindre : les personnes en situation de prostitution ou les travailleurs-travailleuses du sexe et les hommes qui se définissent hétérosexuels, mais qui ont des rapports avec des hommes. Ce n’est pas évident pour ces deux populations de parler de sexualité avec des soignants. C'est pour ça que j'insiste en tant que DGS sur tout ce qui contribue à lutter contre les formes de stigmatisation et de discrimination. C’est crucial pour faire face à ce type d'épidémie qui est directement reliée à la santé sexuelle car, qu'on le veuille ou non, le Mpox, est relié à la santé sexuelle. Pour toucher ces populations, il y a le travail mené avec les acteurs de la santé communautaire au niveau national et au niveau régional par les ARS. Et, bien sûr, il y a des actions que mènent les acteurs de la santé communautaire que ce soit AIDES, Sida Info Service, Act Up, le Strass, la Fédération Parapluie Rouge et bien d’autres. Il y a un vrai travail de communication et « d’aller vers » pour toucher ces personnes et faire en sorte qu’elles se sentent concernées par la vaccination contre le Mpox. Il faut construire des actions ciblées et utiliser les bons mots, les bons termes, le bon langage. Les affiches de Paris sans sida, qui vont être mises dans les lieux festifs, c'est une bonne chose parce que les actions de santé communautaire et de réduction du risque doivent utiliser le langage qui est le plus proche de celui qu’utilisent les personnes concernées.
Remaides : L'état des stocks actuel de vaccins est-il compatible avec les objectifs que vous vous êtes fixé en matière de couverture vaccinale ?
La Direction générale de la santé considère sur ce point-là que l'état des stocks est suffisant et je rajouterai même largement suffisant pour mener une nouvelle campagne vaccinale que cela soit dans la dimension préventive ou dans la dimension contacts à risque [la vaccination dite réactive, ndlr]. C'est un choix qu'ont fait les autorités françaises de disposer d’un stock stratégique contre le risque Mpox. Ce stock-là, aujourd'hui, nous permet d'avancer sereinement au niveau national et nous permet aussi de faire des dons aux pays d'Afrique centrale qui en ont besoin. La France, à travers la parole du Président et du Premier ministre, a annoncé dans les premières 24 heures qu’elle ferait un don de 100 000 vaccins. C'est le signe que nous avons, à la fois, suffisamment de stocks pour faire cette campagne de vaccination et l’expression d’une solidarité avec les pays qui en ont le plus besoin.
📝 Propos recueillis par Fred Lebreton, le 4 septembre 2024