Disparition de Lise Pineault, militante de la lutte contre le sida (COCQ-SIDA, Coalition PLUS)
- Actualité
- 28.08.2024
© COCQ-SIDA
Par Jean-François Laforgerie
Disparition de Lise Pineault, militante de la lutte contre le sida (COCQ-SIDA, Coalition PLUS)
« En souvenir de Lise Pineault ». La formule est sobre. Elle ouvre un court texte, publié le 27 août, qui annonce la disparition de cette militante chevronnée de la lutte contre le sida au Canada d’abord, puis à l’échelon international. De 2002 à 2008, Lise Pineault est directrice générale de la COCQ-SIDA (la Coalition des organismes québécois contre le sida). C’est un organisme important qui « solidarise les gens, unit les démarches, les actions et les ressources impliquées pour répondre aux enjeux qui touchent les personnes vivant avec le VIH et l’ensemble des populations affectées par l’épidémie ». Cette structure qui défend la démarche communautaire, sera l’un des quatre membres fondateurs de Coalition PLUS en 2008 aux côtés de AIDES, de l’association marocaine ALCS et d’ARCAD Sida au Mali. Lise Pineault en sera d’ailleurs la première présidente.
Militante déterminée de la lutte contre le sida, Lise Pineault aura poussé bien des initiatives. Par exemple, en œuvrant pour la création d’une édition francophone de Remaides : Remaides Québec. Une aventure éditoriale locale destinée aux personnes vivant avec le VIH qui se tiendra de 2008 à 2021. Trente-six numéros de ce trimestriel seront publiés. Elle aura occupé aussi de nombreuses fonctions dans différentes instances de la lutte contre le sida, dont celle de trésorière de la Fondation québécoise du sida (FQS). Dans une interview à Radio Canada, reprise par le média Le Soleil, elle expliquait les enjeux du financement de la lutte avec le lancement de la collecte de rue au Québec, une première dans la lutte contre le sida là-bas, largement inspirée de la stratégie conduite par AIDES en France. « Quand on est arrivé avec la trithérapie en 1996, les gens ont commencé à décrocher (…) Les bénévoles sont moins nombreux et les gens donnent moins. Pourtant, la crise en Afrique fait toujours rage et, au Québec, les infections transmises sexuellement sont en progression », avançait-elle alors pour expliquer le choix d’une stratégie plus offensive de recrutement de donateurs-rices au profit de la lutte contre le sida.
En février 2002, Lise Pineault, alors toute nouvelle directrice générale de la COCQ-SIDA, avait accordé une interview au journal LGBT+ Fugues, y exposant sa vision d’alors de la lutte contre le sida et son refus d’une banalisation du sida et de ses effets de démobilisation. « Aujourd’hui, on assiste à une seconde vague d’échecs [de traitements, ndlr], et donc de décès, liée directement à la résistance des virus aux médicaments ou liée à la toxicité de ces médicaments. À cela s’ajoute, en parallèle, que malgré l’action communautaire pour faire de la prévention, l’arrivée des trithérapies est venue bouleverser le paysage. On constate que de nombreuses personnes ne se protègent plus ou sont moins vigilantes (…) Avec les médicaments, les personnes pouvaient reprendre une vie normale, et la population a même oublié que ces personnes étaient séropositives. Et c’est aussi un réflexe humain normal de ne plus voir à en parler. Même à l’intérieur des groupes communautaires gais, on constate une sorte de désintérêt face au sida. Comme si l’arrivée des trithérapies avait tout réglé. Même attitude de la part des médias, qui s’intéressent — et c’est tant mieux — au continent africain, mais qui ne parlent plus de ce qui se passe ici. Ils veulent des chiffres que nous n’avons pas sur la situation du Québec. Quant aux gouvernements provincial et fédéral, ils sont trop frileux pour organiser des campagnes de choc. En fait, on a tellement voulu que ce soit fini, qu’on a terminé par perdre les réflexes qu’on avait développés à la fin des années quatre-vingt, début des années quatre-vingt-dix », analysait-elle.
Interrogée sur les défis que devait relever la COCQ-SIDA, elle expliquait : « Il y a beaucoup de travail. Il faut développer des recherches. Par exemple, le manque d’observance dans la prise des médicaments comme cause de résistance au virus serait à considérer pour interpréter l’échec de certaines trithérapies (…) Il faut développer des réseaux de solidarité et d’entraide tout en tenant compte des différentes clientèles [personnes usagères, ndlr]. Il faut des approches spécifiques [selon les groupes, ndlr] La façon de vivre sa séropositivité n’est pas la même, l’observance des traitements est différente, la perception de la maladie est aussi différente. Il faut aujourd’hui repenser les services et les stratégies sur le terrain. Le sida n’est pas sorti de nos vies comme on pourrait le croire ».
Président d’honneur de AIDES, Bruno Spire a réagi à la disparition de Lise Pineault : « Je suis bien triste de perdre une militante importante et passionnée de la lutte ! Elle a été très influente lors de la création de Coalition PLUS car elle avait la fibre communautaire dans son ADN de militante ! ». Directeur général de Coalition PLUS, Vincent Leclercq a, lui aussi, réagi : « Sous sa présidence, la première à la création de Coalition PLUS, ont été posées les bases du projet Coalition PLUS, en particulier en matière de plaidoyer international sur le fonds mondial et de recherche communautaire ».
La rédaction de Remaides, les militants-es de AIDES présentent leurs condoléances à sa famille et ses proches, aux militants-es de la COCQ-SIDA et de Coalition PLUS. Une cérémonie aura lieu le 21 septembre, à Montréal, au Complexe funéraire Mémoria pour lui rendre hommage.