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    L'Actu vue par Remaides : Cancers et VIH : les nouvelles recommandations

    • Actualité
    • 19.07.2024

     

    cancer et vih

    © DR

    Par Fred Lebreton

    Cancers et VIH : les nouvelles recommandations

    Depuis le mois de juin 2024, l’actualisation des nouvelles Recommandations françaises de prise en charge du VIH, des hépatites virales, et des IST sont publiées, chapitre par chapitre. Les travaux sont réalisés sous l’égide de l’ANRS ǀ MIE et du CNS (Conseil national du sida et des hépatites virales), sous le contrôle de la HAS (Haute autorité de santé) pour les chapitres ayant trait aux aspects de thérapeutique anti-infectieuse, curative et préventive. C’est le cas du chapitre « Dépistage et de prise en charge des cancers chez les personnes vivant avec le VIH », publié le 4 juin sur le site du CNS. Décryptage des infos essentielles à retenir.

    Les cancers, une comorbidité fréquente chez les PVVIH, mais en diminution
    Une bonne nouvelle pour commencer, l’incidence de certains cancers liés au stade sida comme la maladie de Kaposi et des lymphomes non-hodgkiniens est en diminution, du fait de l’amélioration des paramètres immuno-virologiques des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sous traitement ARV. Le sur-risque de ces cancers par rapport à la population générale persiste cependant. Il existe ainsi des descriptions de maladie de Kaposi chez des PVVIH, avec une infection VIH pourtant contrôlée sous ARV. La maladie de Kaposi doit être dépistée par un examen clinique régulier et attentif de la peau et des muqueuses.

    Autre bonne nouvelle, l’efficacité des traitements VIH permet aux PVVIH de vivre longtemps et de vieillir. Du fait de ce vieillissement, l’incidence de nombreux cancers liés à l’âge augmente. Pour les cancers de la prostate, du sein, du colon, de la vessie et de la peau, les recommandations de dépistage sont celles de la population générale. Il n’existe aucune spécificité de dépistage chez les PVVIH.

    Certains cancers chez les PVVIH sont viro-induits (causés par des virus) :

    - Lymphomes hodgkiniens et non-hodgkiniens souvent associés à l’EBV (le virus d'Epstein-Barr ou virus de l’herpès) ;

    - Maladie de Kaposi et lymphomes associés à l’HHV8 (Herpès virus humain type 8)

    - Cancers du col utérin, de la vulve, du canal anal et de l’oropharynx associés aux HPV (papillomavirus humain) ;

    - Carcinome hépato-cellulaire (cancer du foie) associés au VHB et au VHC (hépatite B et hépatite C chroniques).

    L’actualisation des recommandations d’experts-es françaises propose un passage en revue détaillé de chaque cancer avec les indications de dépistage pour les PVVIH. La rédaction de Remaides vous propose une version synthétisée de ces recommandations :

     

    Carcinome hépatocellulaire (cancer du foie)

    Profil des personnes concernées par un dépistage : ce cancer doit être dépisté en cas de fibrose de stade F3 (fibrose sévère) ou de stade F4 (cirrhose), quelle qu’en soit la cause, y compris après guérison du VHC en cas de fibrose préexistante.

    En cas de durée d’exposition au virus prolongée : hommes âgés de plus de 40 ans et femmes âgées de plus de 50 ans ayant été contaminés-es par une hépatite B à un âge jeune ou dans l’enfance, ou avec antécédent familial de cancer du foie.

    Le score Page-B intègre les plaquettes, l'âge et le sexe et permet de « stratifier » les personnes infectées par le virus de l'hépatite B entre un score faible (inférieur ou égal à 9) ou un score intermédiaire/élevé (supérieur à 9) de développer un cancer du foie à cinq ans de suivi.

    Outil de dépistage et périodicité
    Pour les personnes vivant avec le VIH et avec une fibrose F3 ou F4 : Échographie doppler hépatique tous les six mois.

     

    Cancer de l’anus

    Profil des personnes concernées par un dépistage : HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) vivant avec le VIH âgés de plus de 30 ans ; femmes vivant avec le VIH âgées de plus de 30 ans avec antécédents de cancer ou de lésion intra- épithéliale de haut grade du col (CIN2+) ; femmes vivant avec le VIH avec antécédent de cancer ou de pré-cancers de la vulve ; femmes vivant avec le VIH transplantées d’organe solide depuis plus de dix ans. Aucune donnée ne permet de proposer un âge limite supérieur d’arrêt du dépistage.

    Outil de dépistage et périodicité : Dépistage HPV-16 anal (en auto prélèvement ou prélèvement par une autre personne) tous les trois à cinq ans, en fonction des cas. Si le résultat est positif, examen clinique et cytologie (étude des cellules isolées). Si le résultat de la cytologie est anormal, une anuscopie haute résolution (AHR) est recommandée. Si AHR est non disponible, il convient de pratiquer une anuscopie standard et un examen proctologique régulier. Si le dépistage HPV-16 est non disponible, examen proctologique avec anuscopie simple tous les ans, puis tous les deux à trois ans, en fonction de l’avis du-de la proctologue.

    Cancer du col de l’utérus

    Les femmes  sont invitées à se dépister régulièrement entre 25 et 30 ans puis tous les 5 ans après 30 ans.  

    Profil des personnes concernées par un dépistage : femmes vivant avec le VIH entre 25 ans et 30 ans avec CD4 actuels supérieurs à 350 CD4/mm3 et nadir CD4 supérieur à 200 (le nadir est le chiffre le plus bas avant traitement des CD4  chez une personne) ; femmes vivant avec le VIH entre 25 ans et 30 ans avec CD4 actuels inférieurs à 350 CD4/mm3 et nadir CD4 inférieur à 200 ; femmes vivant avec le VIH de plus de 30 ans, peu importe le nombre de CD4. À prolonger au-delà de 65 ans en cas d’antécédent de lésion CIN (néoplasie cervicale intra-épithéliale), ou de portage prolongé d’HPV-HR (papillomavirus humains à haut risque de cancer).

    Outil de dépistage et périodicité : Frottis avec cytologie (étude des cellules isolées) annuel entre 25 et 30 ans. Pour les femmes de plus de 30 ans : test HPV-HR +/- cytologie si HPV-HR +  tous les trois à cinq ans.

     

    Cancer broncho- pulmonaire (cancer du poumon)

    Profil des personnes concernées par un dépistage : Dépistage individuel au cas par cas. Âge entre 50 et 74 ans, si tabagisme supérieur à dix cigarettes par jour pendant une période supérieure à 30 ans ou une consommation supérieure à quinze cigarettes par jour pendant une période de plus de 25 ans ou arrêt du tabac  depuis moins de 10 ans. Information éclairée ET volontaire pour une démarche au sevrage tabagique. Arrêt du programme de dépistage si l’arrêt du tabac est supérieur ou égal à 10 ans, ou l’âge supérieur à 74 ans après trois scanners sans suspicion de cancer.

    Outil de dépistage et périodicité : TDM thoracique (Tomodensitométrie, une technique d'imagerie médicale qui consiste à mesurer l'absorption des rayons X par les tissus puis, par traitement informatique, à numériser et enfin reconstruire des images 2D ou 3D des structures anatomiques) faible dose sans injection de produit de contraste selon les recommandations. La périodicité est en attente des recommandations de l’INCa (Institut national du Cancer). En attendant, ce sont celles de  de l’IFCT (Intergroupe francophone de cancérologie thoracique) (https://www.ifct.fr/publications-ifct/publications) qui sont suivies.

    Cancers cutanés (cancers de la peau)

    Profil des personnes concernées par un dépistage : Toutes les personnes vivant avec le VIH.

    Outil de dépistage et périodicité : Examen dermatologique annuel.

    Cancer de l’oropharynx (cancer de la gorge)

    Profil des personnes concernées par un dépistage : Toutes les personnes vivant avec le VIH et notamment en cas de prise excessive d’alcool ou de tabagisme chronique et de pratique du sexe oral (fellation, cunnilingus) si la personne n’a pas fait le vaccin HPV.

    Outil de dépistage/périodicité : Examen buccal annuel.

     

    Cancer du sein

    Profil des personnes concernées par un dépistage : femmes vivant avec le VIH âgées de plus de 25 ans ; femmes vivant avec le VIH âgées entre 50 et 74 ans ; Si femmes vivant avec le VIH avec facteur(s) de risque(s) (mutation BRCA1 ou 2, antécédent personnel de cancer du sein ou de carcinome canalaire ou lobulaire in situ ou d’hyperplasie canalaire ou lobulaire atypique, irradiation thoracique médicale à haute dose ou certains antécédents familiaux de cancer du sein). Le carcinome canalaire infiltrant est le type le plus courant de cancer du sein infiltrant. Il prend naissance dans les canaux mammaires, traverse leurs parois et envahit le tissu mammaire voisin.

    Outil de dépistage et périodicité : palpation annuelle des seins pour les femmes vivant avec le VIH âgées de plus de 25 ans ; mammographie tous les deux ans pour les femmes vivant avec le VIH âgées entre 50 et 74 ans ; mammographie ou IRM pour les femmes vivant avec le VIH avec facteur(s) de risque(s) (se référer au chapitre Dépistage du cancer du sein femmes à haut risque, pour connaitre la périodicité)

     

    Cancer du colon

    Profil des personnes concernées par un dépistage : les personnes vivant avec le VIH âgées de plus de 50 ans ; les personnes qui présentent un facteur de risque (antécédent personnel d’adénome ou de cancer colorectal, antécédents familiaux parent 1er degré, MICI (maladie inflammatoire chronique de l’intestin), PAF (polypose adénomateuse familiale) ou cancer colorectal héréditaire non polyposique).

    Outil de dépistage et périodicité : un autotest (gratuit) à retirer en pharmacie et à envoyer par la Poste, à faire tous les deux ans avec ou sans coloscopie si test positif pour les personnes vivant avec le VIH âgées de plus de 50 ans. Si facteur de risque (voir plus haut) : une coloscopie à faire tous les cinq ans si normale (l’âge seuil varie en fonction des facteurs de risque).

     

    Cancer de la prostate

    Profil des personnes concernées par un dépistage : les hommes vivant avec le VIH âgés de plus de 50 ans ; les hommes vivant avec le VIH  de plus de 40 ans en cas de facteur de risque (histoire familiale de cancer de la prostate, ou d’origine africaine ou afro-caribéenne).

    Outil de dépistage et périodicité : un toucher rectal à faire tous les ans et un bilan PSA à faire tous les deux à quatre ans. PSA =  Prostate specific antigen, en français Antigène prostatique spécifique, il s’agit d’une protéine fabriquée par la prostate. Le PSA est normalement présent dans le sang de tous les hommes à un taux infime. Le dosage de son taux sanguin est utilisé pour le diagnostic et le suivi du cancer de la prostate. Un taux élevé de PSA peut avoir plusieurs causes : une hypertrophie bénigne de la prostate (HBP), une prostatite (inflammation de la prostate), un cancer de la prostate, un massage de la prostate (lors de rapports sexuels ou à la suite d'une randonnée à vélo par exemple, du fait du frottement avec la selle), une cystoscopie, etc.

    Cancer de la vessie

    Profil des personnes concernées par un dépistage : exposition professionnelle à un agent cancérogène vésical pendant une période d’un an, à partir de la 20ème année post- exposition. Les facteurs de risque de cancer de la vessie sont les suivants : le tabac, deux ensembles de substances chimiques, les amines aromatiques et les hydrocarbures aromatiques polycycliques, certaines infections, certains traitements, des produits présents dans l'eau de boisson (source).

    Outil de dépistage/périodicité : une analyse urinaire à faire tous les six mois.

    Pour aller plus loin : Lire l’argumentaire (115 pages) du chapitre « Dépistage et de prise en charge des cancers chez les personnes vivant avec le VIH ».

     

    Des recommandations à la vraie vie
    Les recommandations d’experts sur la prise en charge des personnes vivant avec le VIH, les hépatites virales et les IST s’adressent en priorité aux médecins ; mais elles concernant aussi les personnes suivies. C’est d’ailleurs pour cette raison que ces recommandations sont consultables et téléchargeables librement sur le site du Conseil national du sida et des hépatites virales au fur et à mesure de leur publication.
    Leur lecture est parfois aride et même la version, pourtant vulgarisée, par Remaides peut apparaître complexe. Les recommandations établissent la meilleure pratique médicale, indiquant des critères, des délais (par exemple pour la réalisation d’examens, de dépistages préventifs, etc.) qui doivent être suivis par les médecins. Idéalement, votre suivi doit s’appuyer sur ces recommandations qui s’appuient toutes sur des preuves scientifiques de leur pertinence et de leur efficacité. Pour autant, chaque médecin adapte le suivi à chaque situation individuelle. Parfois, cela peut sembler différent des recommandations officielles. C’est là que vous pouvez intervenir lors de vos consultations en demandant à votre médecin un examen, un dépistage préventif, un changement de traitement, etc. auquel le-la médecin n’aurait pas encore pensé… si vous estimez que cela peut améliorer votre suivi. De ce point de vue, une appropriation des recommandations complètes (pour les plus courageux-ses) ou des articles vulgarisés par Remaides (disponibles dans le journal et sur le site AIDES.ORG) est un outil utile à la préparation de vos futures consultations et aux échanges avec votre médecin.