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    L'Actu vue par Remaides : Hépatite C : où en est-on en 2024 ?

    • Actualité
    • 05.08.2024

     

     

    vhc

    © DR

    Par Fred Lebreton

    Hépatite C : où en est-on en 2024?

    Le 15 mars dernier, la Fédération Addiction organisait une Journée nationale sur les hépatites et les maladies du foie. L’occasion de faire notamment l’état des lieux sur l’hépatite C en France. Où en est-on de la stratégie « Test and treat » (Dépister et traiter) qui vise à mettre fin à cette épidémie ? La rédaction de Remaides y était. Première partie. 

    Les chiffres du VHC

    En France, on estime à environ 134 000 (un chiffre qui date) le nombre de personnes vivant avec des infections chroniques par le VHC (hépatite C), et à 4 000 le nombre de nouveaux cas par an. Il est estimé que 24 % des personnes vivant avec le VIH sont également infectées par le VHC (source Institut Pasteur en février 2021 : https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/hepatites-virales). En 2016, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est fixé comme objectif d’éliminer les hépatites virales d’ici 2030, avec pour cible opérationnelle d’atteindre 90 % des personnes infectées qui sont diagnostiquées.

    Comment se transmet le VHC ?

    Dans sa présentation, Juliette Foucher, médecin hépatologue au CHU de Bordeaux et spécialiste de l’hépatite C depuis une trentaine d’année, a fait un état des lieux sur le dépistage et l’accès aux traitements du VHC.

    Quelques petits rappels de base pour commencer. Le virus de l’hépatite C (VHC) a été identifié en 1989 comme l’agent majeur des hépatites post-transfusionnelles antérieurement désignées sous le nom « d’hépatites non-A, non-B ». C'est un virus qui se transmet uniquement par le sang. « On a l'habitude de dire, s'il n'y a pas de sang, il n'y a pas de risque », explique Juliette Foucher. La transmission survient principalement chez les usagers-ères de drogue (par le partage de matériel mais également, par le snif ou le partage de seringues). Il y a des transmissions mère-enfant, mais avec un risque qui est assez faible au moment de l'accouchement, environ 5 %. Il y a aussi un risque avec les piercings et les tatouages en cas de matériel non stérilisé. « Et bien sûr, en prison, parce que comme vous le savez tous, en prison, il n'y a pas de drogue, donc il n'y a pas de RDR », ironise la médecin hépatologue. Il n'y a pas de transmission par voie sexuelle s'il n'y a pas de sang, donc s'il n'y a pas de rapports sexuels dits « traumatiques ». Le risque d’exposition est plus élevé en cas de multipartenariat (slam, chemsex, etc.)

    L'histoire naturelle de l'hépatite C est assez facile. Après une infection au VHC, il y a d'abord une phase d’hépatite aiguë. Aiguë ne veut pas dire grave, mais c’est un stade qui indique qu'on se trouve dans les six premiers mois de l’infection avec des symptômes ou pas.

    Que se passe-t-il ensuite ? Dans à peu près 30 % des cas, il va y avoir une guérison spontanée de ce virus. Avec une disparition complète de l'ARN du virus (sa charge virale). Mais dans 70 % des cas, si l'hépatite n'a pas guérie au bout de six mois, on passe dans la définition de l'hépatite C chronique. Enfin, il y a une évolution de cette hépatite chronique, plus ou moins rapide, et dans 20 % des cas, cela peut donner lieu à une cirrhose au bout de vingt ans. Il y a aussi des risques de complications qui vont être le carcinome hépatocellulaire (cancer du foie), l'insuffisance hépatique, ou l'hypertension portale (pression élevée dans la veine porte, celle-ci draine le sang provenant du tractus gastro-intestinal abdominal, de la rate, du pancréas vers le foie). 

    Comment dépister le VHC ?

    Comme pour le VIH, il faut réaliser une sérologie de l'hépatite C en faisant un test ELISA (technique de dosage immunologique qui permet la détection d'un antigène ou d'un anticorps dans un échantillon). Elle peut être réalisée également par un Trod (test rapide d’orientation diagnostique), dont le résultat devra être confirmé par une prise de sang. Si cette sérologie est positive, il faut aussi tester les deux autres virus pouvant être également présents (VIH et VHB). Si la sérologie de l'hépatite C est positive, il faut rechercher l'ARN du virus. C'est-à-dire si le virus est présent ou pas, pour savoir si la personne fait partie des 30 % des personnes qui ont guéri spontanément, ou bien si le virus est toujours présent. Si l'ARN est négatif, la personne fait partie des « guéris-es » et tout s'arrête là. Attention, les anticorps de l'hépatite C ne sont pas des anticorps protecteurs. C'est-à-dire qu’une personne qui a guéri d'une hépatite C peut se recontaminer. La sérologie restera positive et c'est l'ARN qu'il faudra chercher. 

    Si l'ARN est positif, cela signifie qu’on est dans le cadre d'une hépatite C chronique et il va donc falloir évaluer la maladie du foie et pouvoir proposer un traitement. Il y a maintenant en France un parcours simplifié pour la prise en charge de l'hépatite C. Quand on a une sérologie VHC positive et que la charge virale, c'est-à-dire l'ARN, est positive, on effectue une mesure de la fibrose au niveau du foie, qui peut se faire soit par un FibroScan (une sorte d’échographie, indolore), soit par des tests sanguins, comme le fibrotest ou le fibromètre. Suite à cet examen, si la personne a une fibrose qui n'est pas sévère, elle peut commencer un traitement. 

    La « révolution » des AAD

    Jusqu'en 2014, le traitement de l’hépatite C reposait sur divers traitements : l’interféron, peginterféron (interféron pégylé), la ribavirine, des antiprotéases (bocéprévir, télaprévir), ces dernières ne sont plus prescrites. Des traitements souvent longs, contraignants et lourds avec de nombreux effets indésirables. En 2014, une nouvelle génération d’antiviraux a été mise à disposition. Elle a d’abord été réservée aux cas les plus sévères (personnes transplantées, cirrhoses décompensées…), et son accès universel (à tous-tes les patients-es) n’a été effectif qu’en août 2017. Ces antiviraux dits « à action directe » ou AAD empêchent le virus d’infecter de nouvelles cellules en bloquant l’action des protéines indispensables à sa multiplication. Ces antiviraux, efficaces et le plus souvent bien tolérés, ont profondément modifié la prise en charge de la maladie. Ils peuvent être organisés en trois classes différentes selon leurs cibles : inhibiteurs de protéase NS3A/4A (voxilaprévir, glécaprévir), inhibiteurs de la protéine NS5A (lédipasvir, elbasvir, pibrentasvir, velpastavir), inhibiteurs de NS5B (sofosbuvir). Le traitement classique de l’hépatite C avec ces antiviraux (en général, deux AAD) dure entre huit et douze semaines, plus rarement seize semaines (pour les personnes ayant connu un échec avec un précédent traitement par AAD). Pendant le traitement, la personne est suivie pour s’assurer de la bonne prise du traitement, de l’absence d’effets indésirables gênants et pour éviter les interactions médicamenteuses. Pour évaluer l’efficacité du traitement antiviral, une prise de sang est effectuée douze semaines après la fin du traitement anti-VHC. Si aucun virus de l’hépatite C n’est retrouvé dans le sang, la personne est considérée comme guérie (mais elle gardera des anticorps contre le VHC dans son sang, comme témoins de la maladie). L'ensemble des médecins (donc les généralistes aussi) peuvent prescrire le traitement de l'hépatite C qui est très simple. Le taux de guérison est de 98 %. Une véritable « révolution », rappelle Juliette Foucher. « Il n'y aura plus d'avancée thérapeutique dans l'hépatite C, puisqu'on guérit 98 % des patients. Dans les 2 % qui sont en échec, on peut retraiter et nous arrivons de nouveau à 98 % de guérison. Donc, avec 98 % de 98 %, on estime que si tout le monde était traité de l'hépatite C chronique en France, il resterait à peu près 300 patients qui ne seraient pas répondeurs à ces traitements », ajoute l’hépatologue. 

    Un manque de données épidémiologiques

    En 2018, dans le cadre du plan gouvernemental de santé et de prévention, il y a eu des recommandations fortes pour intensifier les actions de prévention et de dépistage à destination des publics les plus exposés au VHC afin de contribuer à l'élimination de l'hépatite virale en 2025. A-t-on réussi ? « Pas tout à fait » explique Juliette Foucher. « Il va falloir mettre un vrai coup d'accélérateur si on veut y arriver. 2025, cela semble un peu utopique, mais si on peut en 2030, ça sera déjà très bien », ajoute l’hépatologue. Un des soucis concerne le manque de données sur la surveillance épidémiologique de l’hépatite C en France. Une des rares études solides dont nous disposons remonte à 2016, il s’agit de l’étude BaroTest de Santé publique France. C’est une étude qui se fonde sur l'auto prélèvement. Un panel de la population a été tiré au sort, comme dans un sondage, pour être représentatif, et on a proposé à ces personnes de recevoir chez elles un buvard afin de réaliser elles-mêmes un autotest du VHC. Cette étude a montré que la prévalence du VHC en France serait autour de 0,3 %. Une prévalence qui est un peu plus élevée chez les hommes, que chez les femmes et qui est plus importante chez les personnes de 46-75 ans, plutôt que chez les 18-45. 

    En juillet 2023, Santé publique France a publié un numéro spécial du BEH (Bulletin épidémiologique hebdomadaire) consacré aux hépatites. Cet article du BEH présente les estimations des nombres de tests de détection des Ac anti-VHC et de personnes diagnostiquées positives au niveau national, régional et départemental en 2021 à partir de l’enquête LaboHEP 2021, et les compare aux estimations de 2016. En 2021, 5,1 millions de tests anti-VHC ont été réalisés en France, soit une augmentation de 24 %  par rapport à 2016. Les taux de personnes diagnostiquées positives pour les Ac anti-VHC était de 51 pour100 000 personnes en 2021, en hausse par rapport à 2016. De fortes variations des taux de dépistage et de personnes diagnostiquées positives sont observées selon les départements. L’activité de dépistage de l’hépatite C en 2021 est élevée et poursuit son augmentation par rapport aux années précédentes. En 2021, le nombre de personnes diagnostiquées positives pour les Ac anti-VHC a augmenté de 13 % par rapport à 2016 au niveau national, mais avec des évolutions très contrastées selon les régions. « Les taux les plus élevés pour les Ac anti-VHC étaient observés en Île-de-France, Paca et Occitanie, régions pour lesquelles le taux d’initiation d’AAD (antiviraux à action directe) entre 2014 et 2021, celui de nouveaux bénéficiaires de l’ALD (affection de longue durée) pour l’hépatite C en 2019 et le taux de patients avec un diagnostic d’hépatite chronique C parmi les patients-es hospitalisées en 2020 étaient les plus élevés », explique le BEH. Au total, entre 2014 et 2021, 25 millions de personnes ont été testées pour l'hépatite C en France. «  On voit quand même que la France dépiste largement ce virus. Le problème, c'est ; - est-ce que ces tests ont été réalisés chez les bonnes personnes ? », s’interroge Juliette Foucher

    « On n'y arrivera pas sans volonté politique »

    Alors, que faut-il pour éliminer l'hépatite C ? Pour Juliette Foucher, il faut mieux cibler le dépistage afin d’aller vers les personnes qui ignorent qu’elles sont porteuses du VHC. « Pourquoi on n'y arrive pas ? Parce qu'à chaque étape, on perd des patients », explique l’hépatologue.  « Si on regarde 100 % des patients infectés, d'abord, ils ne sont pas tous testés. Et quand ils sont testés, ils ne sont pas tous au courant du résultat. Par ce qu'il y en a qui partent dans la nature avant qu'on n'ait pu leur remettre le résultat. Ça arrive notamment pas mal en détention. Une fois qu'ils sont au courant de leur statut, il faut qu'ils aient un accès aux soins. Une fois qu'ils ont accès aux soins, il faut qu'ils débutent le traitement. Quand ils ont débuté le traitement, il faut qu'ils le finissent. Et quand ils l'ont fini, il faut qu'ils sachent qu'ils sont guéris. Et enfin, il ne faut pas qu'ils se re-contaminent. Et à chaque étape, on va perdre des patients. Et c'est vraiment à chaque étape qu'il faut qu'on s'améliore », martèle la médecin. Et Juliette Foucher de conclure par un message de plaidoyer : « Nous sommes sur le chemin de l'élimination. Nous avons bien compris la maladie. Maintenant, il va falloir bien comprendre les patients. Mais on n'y arrivera pas sans volonté politique et sans une mobilisation nationale ».

    Pas certain que ce message ait été entendu ce jour-là puisqu’aucun membre de la DGS ou de l’ARS n’avait fait le déplacement à la Journée nationale sur les hépatites et les maladies du foie…

    Dossier à suivre dans une seconde partie.

     

    Guérir de l'hépatite C en une seule injection?

    L’info est passée quasi inaperçue, mais lors de la conférence américaine Croi 2024 à Denver, les premiers résultats d’une étude prometteuse ont été présentés. Il s’agit d’un traitement injectable à action prolongée, de la bithérapie anti VHC glécaprévir + pibrentasvir en une seule injection. Pas d’emballement, il s’agit d’une phase I qui a testé le traitement sur un modèle animal (le rat), mais la concentration de traitement en une seule injection dépassait celle de 56 jours de traitement oral (en comprimés). À suivre de près.