L'actu vue par REMAIDES : "Chemsex : prison ferme pour une victime de surdose à Bordeaux"
- Actualité
- 19.06.2024
© DR
Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton
Chemsex : prison ferme pour une victime de surdose à Bordeaux
Hypertension : plus de 650 000 cas seraient liés à une consommation d’alcool trop importante, selon une étude dont les résultats ont été publiés par Santé publique France. On sait peu de choses sur la consommation de produits en détention. Une nouvelle étude indique, qu’en France, une personne détenue sur quatre fume quotidiennement du cannabis. Reste que la mauvaise nouvelle de la période concerne, dans une affaire de chemsex, une condamnation à une peine de prison ferme pour une victime de surdose à Bordeaux.
Hypertension : plus de 650 000 cas seraient liés à une consommation d'alcool trop importante, selon une étude
Selon une étude publiée par Santé publique France (SpF), plus de 655 000 cas d’hypertension artérielle avant 75 ans « seraient liés à la consommation d’alcool excédant une moyenne de dix verres par semaine en France métropolitaine ». En France, environ une personne adulte sur trois est hypertendue, soit environ 17 millions de personnes. Plusieurs facteurs de risque sont identifiés, comme l’âge, les antécédents familiaux, une faible activité physique, une alimentation riche en sel et pauvre en fruits et légumes, l’obésité mais également la consommation d’alcool. Pour mieux mesurer le poids de l’alcool, Santé publique France a cherché à estimer le nombre de cas d’hypertension attribuables à une consommation dépassant les plafonds recommandés chez les personnes de 18 à 74 ans. Pour limiter l’impact sur la santé de l’alcool, des repères de consommation à moindre risque (maximum 10 verres par semaine, maximum deux verres par jour, et des jours dans la semaine sans consommation) ont été définis depuis 2017. Ces repères font l’objet de communications officielles régulières, indique l’AFP. Quelque 655 000 cas d’hypertension artérielle avant 75 ans « seraient liés à la consommation d’alcool excédant une moyenne de 10 verres par semaine en France métropolitaine », dont 624 000 hommes et 31 000 femmes, estime l’étude parue dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH).
La « différence importante » entre hommes et femmes résulte principalement, selon les chercheurs-ses, de consommations d’alcool plus importantes chez les hommes par rapport aux femmes, mais aussi d’épisodes de binge drinking et d’alcoolisation massive plus fréquents chez les uns que chez les autres. S’ils-elles reconnaissent certaines limites méthodologiques à leur étude, ses auteurs-rices la voient comme « une estimation a minima des cas d’hypertension artérielle attribuables à la consommation d’alcool qui s’avère très élevée, et fondée sur deux enquêtes robustes et représentatives de la population française, l’enquête avec examen de santé Esteban et le Baromètre de Santé publique France ». SpF insiste sur l’importance de la prévention de la consommation d’alcool, mais aussi de la prise en charge de l’hypertension. L’alcool demeure l’un des premiers facteurs de risque de maladies et de décès en France, avec plus de 40 000 décès attribuables.
En prison, une personne sur quatre fume quotidiennement du cannabis
L’usage du cannabis est largement répandu en détention : une personne détenue sur quatre affirme en fumer quotidiennement. C’est ce qu’indique une étude de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) publiée lundi 6 mai. Il s’agit de la première enquête représentative à l’échelle de la France. L’enquête dont il est question a pour nom : ESSPRI (Enquête sur la santé et les substances en prison), édition 2023. Elle a été réalisée d’avril à juin 2023, sur un échantillon de 1 094 hommes détenus depuis plus de trois mois et âgés d’au moins 18 ans, représentatif de la population carcérale.
Les personnes détenues ont répondu sur leur usage de sept substances psychoactives : le tabac, l’alcool, le cannabis, la cocaïne, le crack, la MDMA (ecstasy) et l’héroïne. « Près de quatre détenus sur cinq (77 %) ont déjà consommé au moins une fois l’un de ces produits au cours de leur détention », observent les auteurs-rices de l’étude, cités par l’AFP. « Ce n’est pas vraiment une surprise, les études précédentes montraient déjà qu’il y avait de la consommation de tabac et de cannabis. La question était de savoir comment, combien », a commenté auprès de l’AFP Stanislas Spilka, responsable de l’unité data de l’OFDT. Par ordre décroissant, les substances psychoactives les plus consommées quotidiennement en prison sont le tabac, le cannabis et l’alcool, alors qu’il s’agit du tabac, de l’alcool et du cannabis dans la population générale. « La moitié des détenus (49 %) déclare avoir déjà consommé du cannabis au cours de sa détention, quelle que soit la durée effective de celle-ci », détaille l’enquête. Concernant la fréquence d’usage, 39 % des détenus consomment du cannabis au moins une fois par mois, 34 % au moins une fois par semaine et 26 % de manière quotidienne. « Pour les fumeurs quotidiens de cannabis, la prévalence est huit fois plus élevée pour les détenus qu’en population générale », précise à l’AFP Guillaume Airagnes, directeur de l’OFDT (Observatoire français des drogues et des tendances addictives).
Les usages de cocaïne, de crack, de MDMA ou d’héroïne sont plus faibles : 14 % des personnes détenues affirment avoir consommé une de ces quatre substances au moins une fois au cours de leur détention, indique l’enquête. Les prévalences d’usage pour la cocaïne, le crack, la MDMA et l’héroïne s’élèvent respectivement à 13 %, 6,2 %, 5,4 % et 5,1 %, sans différence selon la classe d’âge. Une grande majorité des personnes détenues qui ont pris des substances psychoactives en détention déclaraient déjà des consommations importantes avant leur incarcération. « On se rend compte avec les résultats de cette étude que la prison n’est ni un lieu d’initiation, ni un lieu pour l’arrêt, avec des consommations plus élevées qu’en population générale. Cela plaide pour une densification des consultations en addictologie », préconise Guillaume Airagnes. Si la consommation et l’acquisition d’alcool est interdite en prison, la substance est la troisième la plus consommée en milieu carcéral : 16 % des détenus disent en avoir déjà consommé au moins une fois. En 2023, près de trois détenus sur quatre (73 %) ont déclaré fumer actuellement du tabac et 63 % en fument quotidiennement, soit 2,5 fois plus qu’en population générale. L’étude montre aussi que les personnes détenues ont une représentation différente de l’accessibilité du cannabis et de l’alcool ; le cannabis étant réputé plus facilement accessible que l’alcool. « La taille des bouteilles d’alcool et son indivisibilité est un argument fréquemment mentionné par les détenus pour expliquer la circulation moins importante de ce produit par rapport au cannabis », pointent les auteurs-rices, qui rappellent les moyens utilisés par les personnes en détention pour introduire des biens interdits en prison. Ils-elles évoquent les projections par des tiers au-dessus des murs de la prison à l’intérieur des cours de promenade, les livraisons par drones, la transmission grâce à un-e visiteur-se au parloir ou par le courrier, ou par un-e intervenant-e en prison (surveillant-e, intervenants-es extérieurs-es, personnels de santé) en général contre une rétribution financière. Un second volet de l’enquête ESSPRI est prévu en 2025, en étendant son champ d’investigations aux femmes incarcérées (3,4 % de la population carcérale, selon les derniers chiffres du ministère de la Justice). Les personnes détenues en Outre-mer feront, par ailleurs, l’objet d’un volet spécifique.
Chemsex : prison ferme pour une victime de surdose à Bordeaux
L’information a provoqué la colère et l’indignation des acteurs-rices de la réduction des risques liés à l’usage de drogue en France. Lundi 22 avril, le tribunal correctionnel y a condamné Al (pseudonyme) à dix mois de prison dont neuf avec sursis pour trafic de stupéfiants. Le tribunal lui reproche non pas sa consommation personnelle, mais bien d'avoir fourni les produits (GBL, 3MMC…) utilisés lors des sessions de chemsex auxquelles il participait, rapporte le média LGBT+ Tetu. Al est arrivé au chemsex après une séparation et une blessure qui l'a contraint à mettre fin à sa carrière de sportif, a expliqué lors de son procès son avocate, Me Anaïs Karapetian. « Quand on voit le solde de son compte, un peu plus d'un euro, on est loin du trafic de stupéfiants ! », a-t-elle fait souligné. Une peine jugée très lourde pour de nombreux-ses acteurs-rices de la RDR. « La réponse pénale ne sera jamais la bonne solution pour les personnes dépendantes. Pris dans la spirale addictive du chemsex, la seule voie efficace est celle d’un accompagnement renforcée dans un parcours de soin », a commenté Anne Souyris (sénatrice EELV de Paris) sur X (ex Twitter). Sensibilisée à la RDR depuis très longtemps, la porte-parole des sénateurs et sénatrices Écologistes ajoute : « Nous attendons toujours du gouvernement la mise en place d’une campagne d’information et de sensibilisation pour la prévention et la réduction des risques et des dommages de la pratique du chemsex sur le court terme – des risques encourus par la consommation de drogues elle-même –, mais également des risques psychosociaux dus à l’addiction. Nous attendons toujours le lancement d’un plan national et une structuration des réseaux de professionnels pour accompagner les usager·e·s, comme le recommande le rapport « Chemsex 2022 » d’Amine Benyamina ».
Plus dur encore, Thierry Schaffauser, militant pour les droits des travailleurs-ses du sexe, a commenté lui aussi sur X : « Le message de la justice : n'appelez surtout pas les secours en cas de malaise ou vous finirez en taule ». Même son de cloche pour Benjamin Tubiana-Rey (responsable plaidoyer et communication de la Fédération Addiction) : « Donc là, on condamne quelqu’un qui a une addiction et a fait une overdose à de la prison ferme. Ça rime à quoi ? Le « trafic » consistait à « collect[er] l'argent pour acheter en groupe. La société se porte vraiment bien mieux en envoyant en prison ce « grand bandit », en effet… Il y a des gens qui font des overdoses tous les jours et là la justice dit : surtout n'appelez pas les secours, vous irez en prison (en plus de risquer de mourir) ». La Fédération Addiction a également réagi dans un tweet : « Une décision de justice qui envoie un très mauvais signal. Les victimes de surdose et leur entourage devraient pouvoir faire confiance aux services de santé sans avoir peur de risquer la prison : des vies sont en jeu ». De son côté, Anne-Claire Boux (adjointe à la Maire de Paris en charge de la Santé) a également critiqué cette décision de justice : « Les addictions doivent faire l’objet d’une véritable politique de prévention et de réduction des risques liés au chemsex. Paris s’y engage, mais l’État n’a pour seule réponse que l’outil pénal. Il y a pourtant urgence sanitaire ».