L’actu vue par REMAIDES : "VIH, hépatites : les actus thérapeutiques"
- Actualité
- 26.02.2024
© Studio Capuche
Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton
VIH, hépatites : l'actu thérapeutique
Hausse des cas de VIH au Canada, un réseau de recherche VIH québécois perd une partie de son financement et l’actualisation des recos sur la prise en charge des personnes infectées par les virus de l’hépatite B, C ou D. La rédaction de Remaides fait le point sur l’actu thérapeutique.
Canada : les autorités notent une hausse des cas de VIH
L’épidémie du VIH connaît une recrudescence au Canada alors qu’une « hausse alarmante » de 24,9 % des cas a été signalée à travers le pays en 2022, selon la Fondation canadienne pour la recherche sur le sida (CANFAR), indique le journal canadien Le Devoir. L’Agence de la santé publique du Canada fait état de 1 833 nouveaux cas déclarés de VIH en 2022. Les hommes âgés de 30 à 39 ans sont la catégorie avec le plus fort taux. La Saskatchewan et le Manitoba sont les provinces les plus touchées avec respectivement 19 et 13 cas pour 100 000 habitants-es. « Cette hausse des nouveaux cas n’avait pas été observée depuis plus d’une décennie », indique la CANFAR dans un communiqué. Le Québec dépasse légèrement la moyenne nationale qui s’élève à 4,7 cas par 100 000 habitants-es avec un taux de 4,9. La CANFAR croit qu’il est possible de mettre fin à l’épidémie nationale du VIH au Canada d’ici la fin de 2025. Pour y arriver, la fondation propose dans son plus récent plan stratégique d’améliorer l’accès au dépistage et aux soins du VIH, indique Le Devoir. Le contexte de la pandémie de Covid-19, qui a mis « beaucoup de pression sur le système de santé », a changé l’accès au dépistage dans plusieurs régions du Canada, a expliqué, en interview, Alex Filiatrault, PDG de la Fondation canadienne pour la recherche sur le sida, cité par le quotidien. Selon lui, cela a possiblement eu un impact sur les résultats de 2022, isolant davantage des communautés qui ont déjà des difficultés d’accès au système de santé. Même s’il est loin derrière la Saskatchewan et le Manitoba, le Québec se retrouve au troisième rang des provinces avec le plus haut taux de cas par 100 000 habitants-es. Un élément qui expliquerait pour partie cette situation réside dans les difficultés d’accès à la Prep. « Chaque province a un système de santé particulier. […] La Prep est un outil de prévention qui est prouvé, qui est excellent pour limiter la transmission », a indiqué Alex Filiatrault. « Le défi est que de province en province, le financement de cet outil est considérable. Dès que le coût n’est pas couvert à 100 %, et si vous n’avez pas les assurances médicales nécessaires pour aider [à payer] la différence, vous vous retrouvez dans une situation où il faut encore ajouter un fardeau financier sur votre santé tous les mois. Ce n’est pas évident pour tout le monde de se le permettre ».
Selon l’organisme montréalais RÉZO, le coût mensuel de la Prep en continu (une pilule par jour) varie entre 907 $ et 995 $, sans assurance publique ou privée. Lorsque couvert par le Régime de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), le coût mensuel de la Prep s’élevait à 95,31 $ en 2021. « Nous savons que les outils que nous avons en ce moment au Canada, qui sont approuvés, pourraient avoir un impact énorme sur la réduction de nouveaux cas de VIH. Si on ne donne pas accès à ces outils, on ne pourra pas avoir un impact », a souligné Alex Filiatrault. On estime qu’environ un-e Canadien-ne sur 10 vivant avec le VIH ignore son statut et ne peut donc pas bénéficier d’un traitement antirétroviral. Des campagnes locales, provinciales et nationales sont essentielles pour stopper l’épidémie.
Recherche VIH : un réseau de recherche québécois perd une partie de son financement
L’affaire semble importante si on en juge par son impact dans les médias canadiens. Le Réseau SIDA-Maladies infectieuses qui avait reçu 800 000 dollars du Fonds de recherche du Québec - Santé en 2022-2023, n’obtiendra pour 2024 que d’un financement de 100 000 dollars, non renouvelable. C’est un coup dur pour ce réseau qui réunit plusieurs dizaines de chercheurs-ses qui travaillent sur le VIH et plusieurs autres maladies infectieuses, telles les hépatites et, plus récemment, la Covid-19, explique Radio Canada. Cette baisse drastique constitue une menace concernant une partie des activités de ce réseau. Depuis sa création en 2004, ce dernier reçoit un financement conséquent de la part du Fonds de recherche du Québec - Santé (FQRS) depuis sa fondation, en 1994, ne sera pas renouvelée. Cela compromet ses activités. Le réseau a ainsi reçu 800 000 dollars du FRQS en 2022-2023, soit une part importante de son financement. Le réseau a entamé une mutation pour devenir le futur Réseau Maladies infectieuses et émergentes. Il est dirigé par une sommité de la lutte contre le sida et de la recherche, le Dr Jean-Pierre Routy. Pour accompagner sa mutation, le Réseau demandait au FRQS un financement de 1 million de dollars par année, sur huit ans dans le cadre du concours des réseaux thématiques de recherche 2024-2032 du FRQS. Le FRQS a refusé cette demande et a décidé d’accorder une somme de 100 000 dollars non renouvelable pour permettre la transition. Dans plusieurs articles, le Dr Jean-Pierre Routy affirme qu’il voit mal comment le Réseau peut survivre sans cette source de financement non renouvelée. Il estime qu’il devra supprimer deux postes de chercheurs-es à temps plein. Se pose aussi la question structurelle du maintien des activités. Le Réseau possède quelque 80 000 échantillons de sang de personnes ayant soit le VIH, les hépatites virales ou la Covid. « Ces échantillons, accumulés depuis environ 25 ans, sont accessibles aux chercheurs qui œuvrent dans la lutte contre les maladies infectieuses. Ils permettent de voir l'évolution à travers 20 ans, comment le virus change au Québec, comment il se transmet à certaines personnes », explique Radio Canada. Le Dr Routy pointe que faute de financements, le Réseau pourrait ne plus assurer ses missions : conservation des formulaires de consentement des dons d’échantillons, conservation d’échantillons pré-Covid de porteurs-ses de la maladie, etc. Le risque est de perdre « tout ce réseau, toute cette richesse. On retourne dans les années 1990. On est les leaders de tout le Canada. On était invité dans plusieurs pays pour présenter nos travaux et notre infrastructure et là, subitement, on nous bloque », dénonce le Dr Jean-Pierre Routy, directeur du Réseau SIDA-Maladies infectieuses.
Cette annonce alerte des cliniciens. C’est le cas du Dr Réjean Thomas, cofondateur de la clinique médicale L’Actuel, l’une des partenaires du Réseau. Il parle d’une « déception et d’une très mauvaise nouvelle en évoquant le non-renouvellement du financement ». « Il y a de nombreux projets qui ont été financés pendant toutes ces années-là, qui étaient axés autour de la recherche [...], qui nous permettent d’avoir des priorités québécoises qui ressemblent à ce qui nous préoccupe le plus ici », a-t-il commenté.
Actualisation des recos de prise en charge des personnes infectées par les virus de l'hépatite B, C ou D
En attendant la publication au complet, cette année, des nouvelles recommandations d’experts-es sur la prise en charge des personnes vivant avec le VIH, les hépatites virales (des recommandations partielles ont déjà été publiées) ou atteintes d’une IST, une actualisation des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS) pour la prise en charge des hépatites a été publiée le 19 janvier 2024. Cette nouvelle publication vient compléter les premières recommandations qui avaient été rendues publiques en octobre 2023. Les points d’actualisation et les modifications des recommandations d’octobre 2023 portent sur ces chapitres liés à l’hépatite C :
- Chapitre 6 : Quel est le bilan pré-thérapeutique ?
- La suppression de la recommandation « Il est recommandé de faire un ECG pré-thérapeutique en cas de traitement par Sofosbuvir » ;
- L’ajout de la recommandation : « Il est proposé de faire un ECG pré-thérapeutique avant tout traitement par AAD, à la recherche d’un trouble du rythme ou de la conduction ». - Chapitre 16 : Quel traitement chez les enfants-adolescents ?
- Formulation des recommandations en tenant compte du poids de l’enfant. - Annexe 3 : « Traitements antiviraux disponibles en France »
- Intégration de l’association fixe « sofosbuvir/ledipasvir (Harvoni@) » dans la colonne « traitements non pangénotypiques ».
Le tabagisme a des effets à long terme sur le système immunitaire
Santé. Certains facteurs ont une grande influence sur les réponses immunitaires : l’âge, le sexe, les gènes… mais aussi le tabagisme, indique un récent communiqué de l’Institut Pasteur. C’est ce que vient de mettre en évidence une équipe de scientifiques de l’Institut Pasteur qui a travaillé sur la cohorte Milieu intérieur qui suit « les variations des réponses immunitaires chez 1 000 volontaires sains ». Leurs travaux indiquent que le « fait de fumer a des conséquences à court terme sur l’immunité », et que « cette habitude a également des conséquences à long terme ». Certains mécanismes de défense de l’organisme qui se trouvent altérés chez les personnes qui fument, le restent pendant de nombreuses années après l’arrêt du tabac. Ces résultats, qui mettent en évidence pour la première fois une mémoire à long terme des effets du tabagisme sur l’immunité, ont été publiés dans la revue Nature, le 14 février. L’Institut Pasteur donne plus de détails dans son communiqué. Le système immunitaire varie énormément d’un individu à l’autre, agissant de façon plus ou moins efficace face aux attaques microbiennes, rappelle l’organisme de recherche. Des scientifiques ont cherché à comprendre ce qui pouvait expliquer une telle variabilité et quels étaient les facteurs qui induisaient ces différences. La cohorte Milieu intérieur a été mise en place en 2011 dans cet objectif. Elle regroupe 1 000 personnes en bonne santé de 20 à 70 ans.
« On sait que certains facteurs, comme l’âge, le sexe ou les gènes, impactent fortement le système immunitaire mais avec cette nouvelle étude, nous voulions savoir quels autres facteurs avaient le plus d’influence », explique Darragh Duffy, responsable de l’unité Immunologie translationnelle à l’Institut Pasteur et dernier auteur de l’étude. Concrètement, les chercheurs-ses ont « exposé des échantillons sanguins — prélevés chez les individus de la cohorte Milieu intérieur — à une grande diversité de microbes (virus, bactéries, etc.) et observé la façon dont le système immunitaire réagissait via la mesure de niveaux de cytokines [protéines sécrétées par un grand nombre de cellules immunitaires pour communiquer entre elles et participer aux défenses immunitaires, ndlr] secrétées. Disposant de nombreuses informations sur les individus de la cohorte, l’équipe a ensuite pu observer quelles variables parmi les 136 retenues (l'indice de masse corporelle, le tabagisme, le nombre d'heures de sommeil, l'activité physique, les maladies infantiles, les vaccinations, le lieu de vie, etc.) avaient le plus d’influence sur les réponses immunitaires étudiées. Trois variables se sont alors détachées du lot : le tabagisme, l’infection latente au cytomégalovirus [virus souvent asymptomatique mais dangereux pour le fœtus et qui appartient à la famille des Herpès, ndlr] et l’indice de masse corporelle. « Ces trois facteurs pourraient avoir autant d'influence sur certaines réponses immunitaires que l'âge, le sexe ou les variables génétiques », a souligné Darragh Duffy. Concernant le tabagisme, l’analyse des données a démontré que la réponse inflammatoire — qui se déclenche spontanément lors de l’infection par un pathogène — était accrue chez les fumeurs-ses, mais aussi que l’activité de certaines cellules impliquées dans la mémoire immunitaire était altérée. « Autrement dit, cette étude montre que le tabagisme perturbe non seulement des mécanismes de l’immunité innée mais également certains mécanismes de l’immunité adaptative ». Et Darragh Duffy d’expliquer : « En comparant les réponses immunitaires de fumeurs et d’ex-fumeurs, nous avons constaté que la réponse inflammatoire revenait rapidement à la normale après l’arrêt du tabac, mais que l’impact sur l’immunité adaptative perdurait dans le temps, pendant 10 ou 15 ans. C’est la première fois que l’on met en évidence l’influence au long court du tabagisme sur les réponses immunitaires ». Selon l’Institut, « tout se passe comme si le système immunitaire gardait en mémoire les effets du tabagisme sur le long terme ». Mais de quelle façon ? « Lorsque nous nous sommes aperçus que les profils des fumeurs et des anciens fumeurs étaient similaires, nous avons immédiatement suspecté l’implication des processus épigénétiques », rapporte Violaine Saint-André, ingénieure de recherche au sein de l’unité Pasteur, première autrice. Les scientifiques ont ainsi mis en évidence des différences de méthylation [la méthylation est une modification chimique. Des groupements dits « méthyles » se positionnent sur l’ADN, ce qui modifie la façon dont le génome va être lu dans la cellule, ndlr] de l’ADN susceptibles de modifier l’expression de gènes impliqués dans le métabolisme des cellules immunitaires, entre les fumeurs-ses, les anciens-nes fumeurs-ses et les non-fumeurs-ses. « C’est une découverte importante pour mieux comprendre l’impact du tabagisme sur l’immunité d’individus en bonne santé, mais aussi, par comparaison, sur l’immunité d’individus souffrant de diverses pathologies », a souligné Violaine Saint-André.
Source :
Smoking changes adaptive immunity with persistent effects, Nature, 14 février 2024. Violaine Saint-André, Bruno Charbit, Anne Biton, Vincent Rouilly, Céline Possémé, Anthony Bertrand, Maxime Rotival, Jacob Bergstedt, Etienne Patin, Matthew L. Albert, Lluis Quintana-Murci, Darragh Duffy, and the Milieu Intérieur Consortium.