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    COMPRENDRE LES ENJEUX DE LA TRANSPARENCE SUR LE PRIX DES MÉDICAMENTS

    • Dossier

    Le prix des traitements et un enjeu majeur dans la lutte pour l'accès de tous-tes à la santé. Association de santé communautaire dédiée à la lutte contre le VIH/sida et les hépatites, AIDES s'est positionnée à de nombreuses reprises contre les pénuries de médicaments et pour une vraie politique de transparence sur leurs prix. Notamment via la campagne #AlerteMédicament, en 2019.

    La crise sanitaire générée par l'épidémie de Covid-19 a également été l'inquiétante occasion d'appuyer notre propos.

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    Aujourd'hui, la question de la transparence sur les investissements publics dans la recherche et le développement pour l’industrie pharmaceutique est plus d'actualité que jamais. Faisons le point avec le dossier ci-dessous.

     

    Un enjeu fondamental pour l’accès aux soins

    Un constat édifiant

    Le prix des médicaments explose en France depuis plusieurs années, pourtant ce n’est pas une fatalité. L’Etat a un rôle essentiel à jouer en prenant des mesures pour la transparence sur les investissements publics dans la recherche pour de nouveaux médicaments. Il est urgent d’agir !

    Une équation simple

    Prix des médicaments élevés = Poids élevé sur l’Assurance Maladie (donc le contribuable) = rationnement de l’accès aux médicaments pour rester dans l’enveloppe budgétaire fixée  par l’Etat = limitation de l’accès aux soins

    Un chiffre alarmant

    Depuis 2005, les médicaments innovants = +200% des dépenses d’assurance maladie Parmi ces médicaments, nombreux ont bénéficié au cours de leur recherche et développement (R&D) d’investissements publics ou des résultats d’une recherche publique. Pourtant on constate que cette participation publique n’a eu aucune influence sur leur prix qui aurait dû être revu à la baisse.

    Ce que nous voulons

    Aujourd’hui nous voulons que les médicaments soient commercialisés à un prix juste pour les laboratoires et acceptable pour l’Ètat pour avoir l’assurance que les investissements publics bénéficient bien aux patients-es. C’est une revendication centrale dans la lutte contre le VIH et les hépatites.

    Comprendre le fonctionnement du système actuel

    Les acteurs majeurs : industrie pharmaceutique vs l'État

    En France l’industrie pharmaceutique finance la recherche grâce à des apports privés mais aussi publics pouvant être particulièrement élevés. Lorsqu’elle souhaite mettre un médicament sur le marché, l’industrie pharmaceutique négocie avec le Comité économique des produits de santé (CEPS), une instance interministérielle. Le laboratoire avance un prix. Le CEPS délibère et négocie sur la base des informations auxquelles il a accès.

    Si tout le monde tombe d’accord, le médicament est mis sur le marché.

    En revanche, si le prix proposé par l’Etat ne convient pas à l’industriel, il est en droit de refuser, et donc de ne pas mettre le médicament sur le marché. Un scandale !

    Par ailleurs en France, nous disposons d’un système de santé solidaire notamment fondé sur l’Assurance maladie, qui est financée par la collectivité. Chaque année des objectifs de dépenses sont établis. Les prix auxquels l’Etat négocie les médicaments tiennent comptent de cette enveloppe budgétaire.

    Des prix trop élevés remettent en cause l’accès des patients-es à leur traitement. C’est ce qui s’est passé dans le cas du Sovaldi, un traitement innovant contre l’hépatite C mis sur le marché en 2014. Ni les coûts de production (inférieurs à 100$), ni les investissements en recherche et développement (estimés à 800 millions de dollars) ne justifiaient un prix de 41 000€ pour ce nouveau traitement. Un prix insoutenable pour l’Assurance maladie au vu du nombre de personnes infectées à l’époque en France (plus de 200 000). L’État, suivant les recommandations de la Haute Autorité de Santé, a alors choisi de trier les patients-es (!) : seul-e-s les plus malades, notamment les personnes à un niveau de fibrose sévère ou co-infectées VIH et virus de l’hépatite C (VHC), pouvaient avoir accès au traitement (1). AIDES s’est largement mobilisée contre ce tri inacceptable des patients-es.

    De plus en plus, les industriels proposent des prix qui ne correspondent ni à leurs coûts de R&D, ni à leurs coûts de production, mais bien à la capacité à payer des acheteurs (les États).

    Ainsi les prix, même en France, posent donc une question d’accès pour les patients-es. S’il est injustifiable que des innovations soient mises sur le marché à un tel prix, il l’est d’autant plus lorsque la collectivité a financé sa recherche et son développement ! La transparence des investissements publics est donc plus que jamais nécessaire pour assurer la continuité de l’accès aux soins et la pérennité de notre système de santé.

    (1) Grâce à la mobilisation des associations de patients-es et de santé, ces restrictions ont été finalement levées et le prix du Sovaldi a été abaissé à 28 000 euros.
    (2) Caroline Izambert, « La transparence du coût des médicaments, une mesure de santé publique ? », Sante Publique Vol. 31, no 3 (25 septembre 2019): 335 37.

    Point sur les aides publiques et les financements dans la recherche et le développement

    En France, il existe de très nombreuses aides publiques dans la recherche et le développement :

    • Le crédit d’impôt recherche (qui représente à lui seul en moyenne 600 millions d’euros par an pour la catégorie « pharmacie, cosmétiques et entretien ») (3) ;
    • Les aides publiques aux TPE et PME, notamment les Crédits d’impôt innovation (CII), le statut Jeune Entreprise Innovante (JEI) et les aides au dépôt de brevets ;
    • Les aides à la reprise d’entreprises ;
    • Les financements publics directs à la recherche fondamentale et aux essais cliniques (ANR, CNRS, INSERM, MESRI) et les aides européennes.

    Ces financements peuvent intervenir tout au long du parcours d’une molécule jusqu’à sa mise sur le marché, notamment à travers les rachats de brevets et d’entreprises. On estime également que près d’un médicament sur cinq mis sur le marché en Europe est issu de la recherche publique ou d’un partenariat public-privé (4).

    L’immense majorité de ces aides n’est liée à aucune contrainte d’accès pour les patients-es ou de prix raisonnable. Mais du fait de l’opacité de ces investissements, l’information sur les montants réels qu’ils ont représentés pour la R&D d’un médicament n’est pas publique.

     

    bruno paque #MédicamentsOuVaLargent transparence #PLFSS

     

    (3) « L’état de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation en France (n°13 - Mai 2020) », Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, consulté le 8 octobre 2020, //www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid151891/l-etat-de-l-enseignement-superieur-de-la-recherche-et-de-l-innovation-en-france-n-13-mai-2020.html.
    (4) 17% entre 2010 et 2012. « Pour une transparence sur les coûts de recherche des nouveaux médicaments », consulté le 17 septembre 2020, https://www.prescrire.org/fr/3/31/60071/0/NewsDetails.aspx.

    Pourquoi le système fonctionne-t-il ainsi ?

    Ce système est nourri d’une part par le fait qu’il n’existe aucune base de données qui recense le type et les montants des investissements publics qui profitent chaque année à l’industrie pharmaceutique ; d’autre part que les industriels n’ont pas l’obligation de déclarer le montant des investissements publics reçus au moment des négociations de prix avec l’État. Une situation qui leur permet de fixer des prix incohérents avec le coût véritable du médicament, ce qui peut rendre l’accès aux médicaments plus difficile. De plus, dans ce système opaque, le contribuable lorsqu’il achète un traitement – s’il en a les moyens - rachète une innovation dans laquelle il a déjà investi !

    Le VIH, les hépatites et d’autres pathologies lourdes qui représentent un enjeu de santé publique fort sont souvent concernées par des innovations aux prix très élevés. Or ces médicaments étant essentiels l’Etat n’est pas en position de refuser les prix demandés par les laboratoires quand bien même ils sont élevés. Ceci au risque de devoir en rationner l’accès. Sachant que plusieurs innovations sont attendues dans les prochaines années, l’enjeu actuel est de taille !

    Pourquoi est-il crucial de se mobiliser maintenant ?

    Une mesure portée en 2019 par Olivier Véran, alors député, devait imposer à l’industrie pharmaceutique la transparence sur les montants des financements publics dans la recherche. Finalement annulée pour des raisons de procédure, la mesure a aujourd’hui disparu des radars… Une absurdité alors qu’Olivier Véran, aujourd’hui ministre de la Santé, en était l’initiateur.

    Dans le cadre du PLFSS 2021 (Projet de Lois de Financement de la Sécurité Sociale 2021) discuté dans les prochaines semaines, il est plus que jamais fondamental que soit adoptée la mesure de transparence des investissements publics dans la R&D, pour assurer des médicaments accessibles et à bas prix. Dans le contexte actuel où l’argent public coule à flot dans la recherche pour un vaccin ou un traitement contre la Covid-19, cette mesure est plus que jamais essentielle.

     

    Ne laissons pas le gouvernement enterrer ce projet, mobilisons-nous avec #MédicamentsOuVaLargent !

    #MédicamentsOuVaLargent transparence #PLFSS