L’Actu vue par Remaides : « Prep : Les nouvelles recommandations françaises »
- Actualité
- 11.10.2024
Par Fred Lebreton
Prep : les nouvelles recommandations des
experts-es français-es
Depuis le mois de juin 2024, les nouvelles Recommandations françaises de prise en charge du VIH, des hépatites virales, et des IST actualisées sont publiées, chapitre par chapitre, façon puzzle. Les travaux sont réalisés sous l’égide de l’ANRS ǀ MIE et du CNS (Conseil national du sida et des hépatites virales), sous le contrôle de la HAS (Haute autorité de santé) pour les chapitres ayant trait aux aspects de thérapeutique anti-infectieuse, curative et préventive. C’est le cas du chapitre intitulé « Traitement préventif pré-exposition de l’infection par le VIH », publié en août 2024 sur le site du CNS. Remaides décrypte les infos essentielles à retenir.
Qu'est-ce que la Prep ?
Quelques rappels de base. Le traitement préventif pré-exposition (Prep) du VIH est un outil à part entière de la stratégie de prévention de l’infection par le VIH, dont l’efficacité a été démontrée dans de nombreuses études depuis 2012. Ce traitement est disponible en France depuis janvier 2016 (remboursé à 100 % par la Sécurité sociale). La Prep orale en bithérapie associant ténofovir disoproxil fumarate/emtricitabine est le traitement de première intention. Elle est habituellement très bien tolérée. La survenue d’une infection VIH sous Prep est très rare, majoritairement liée à des défauts d’observance du traitement préventif ; elle nécessite un avis spécialisé rapide. En d’autres mots, la Prep, cela fonctionne quand on la prend bien.
Note de la rédaction : Ce chapitre mentionne aussi la Prep sous cabotégravir (nom commercial Apretude) par injection, tous les deux mois. Ce traitement n’est pas encore disponible en France (prix en cours de négociation, son arrivée sur le marché français est prévue en 2025 sous réserves d’un accord tarifaire entre le fabricant et les autorités de santé françaises).
Qui peut prendre la Prep ?
Toute personne séronégative qui s’estime exposée à un risque de contracter le VIH peut faire la demande de la Prep. Elle est fortement recommandée chez : les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et personnes transgenres multi-partenaires ayant des relations anales non protégées par le préservatif ; chez les partenaires séronégatifs-ves de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) dans l’attente que leur charge virale soit indétectable (en cas de relations sexuelles non protégées par un préservatif) ; chez les personnes s’injectant des drogues intraveineuses avec partage de matériel d’injection.
En l’absence de données de recherche solides permettant de faire autrement, il est recommandé que les personnes transgenres ayant des rapports vaginaux utilisent le schéma continu (voir ci-dessous) de prise de la Prep. Compte tenu de possibles interactions entre les hormones féminisantes et la Prep orale (ténofovir disoproxil fumarate/emtricitabine), il est recommandé aux femmes transgenres prenant ce type de traitement hormonal, d’utiliser plutôt le schéma de prise de la Prep en continu.
La Prep orale peut être prescrite chez les personnes qui vivent avec une hépatite B chronique (VHB), en schéma continu uniquement, et en tenant compte du risque d’hépatite aiguë grave à l’arrêt du traitement. La Prep peut être prescrite chez la femme enceinte, allaitante ou sous contraception hormonale. La Prep orale n’est pas recommandée chez les personnes qui souffrent d’une insuffisance rénale (en cas de DFG < 50 mL/min/1,73m2). Le DFG est le débit de filtration glomérulaire. Il représente la quantité de liquide filtrée par les reins. Chez les personnes ayant un DFG entre 50 et 60 mL/min/1,73m2, la prescription d’une Prep orale discontinue est préférable, quand elle est indiquée (exposition au risque VIH). En cas de nécessité de Prep sous forme continue, elle doit s’accompagner d’une surveillance renforcée de la fonction rénale.
La Prep ne doit pas être prescrite chez une personne en cas de suspicion de primo-infection VIH (risques de résistances aux futurs traitements VIH de la même famille que le ténofovir disoproxil fumarate/emtricitabine).
Qui peut prescrire la Prep ?
La primo-prescription de la Prep par tout-e médecin de ville est effective en France depuis le 1er juin 2021. Les modalités de prescription de la Prep ainsi que les modalités de suivi des personnes sous Prep sont simples et peuvent être mises en œuvre par tout-e médecin ou dans le cadre d’un protocole de coopération médecin/infirmier-ère ou médecin/sage-femme. La consultation initiale doit s’attacher à discuter l’indication de la Prep, et l’absence d’une des rares contre-indications (fonctionnement des reins). Elle permet de choisir avec la personne le schéma de prise (continu ou discontinu)qui sont le plus adaptées à sa vie sexuelle et de lui fournir une explication sur les modalités de prise de la Prep, sur l’importance du suivi et sur la prise correcte du traitement (observance) pour assurer son efficacité. L’examen clinique permet de rechercher d’autres IST en cours, ou des signes de primo-infection VIH qui contre-indiqueraient l’initiation de la Prep. Un entretien communautaire avec un-e membre d’une association impliquée dans le conseil aux personnes sous Prep peut être proposé afin de mieux accompagner la personne sous Prep.
Comment prendre la Prep ?
Pour la Prep orale (en comprimés), il existe deux schémas de prises :
Prep en continue (tous les jours)
- Pour toute personne : toujours commencer par une prise en deux comprimés, puis un comprimé par jour tant qu’il y a des rapports à protéger. Chez les personnes ayant des rapports vaginaux réceptifs (la personne est pénétrée), la protection est assurée à partir du 7ème jour consécutif de prise de la Prep. C’est une nouveauté bienvenue, qui s’accorde avec les recommandations de l’OMS et rend les choses plus simples pour les femmes. Poursuivre les prises sept jours après le dernier rapport à protéger.
- Chez les hommes cisgenres et les personnes trans ayant des relations anales : Commencer par une prise de deux comprimés entre deux heures et 24 heures AVANT le premier rapport sexuel à protéger. Poursuivre les prises avec un comprimé par jour jusqu’à deux jours après le dernier rapport à protéger.
Prep en discontinue (à la demande) : uniquement chez les hommes cisgenres et les personnes trans ayant des rapports anaux exclusifs et hors infection chronique par le VHB (hépatite B) : Commencer par une prise de deux comprimés entre deux heures et 24 heures AVANT le premier rapport sexuel à protéger. Poursuivre les prises avec un comprimé par jour jusqu’à deux jours de suite après le dernier rapport à protéger.
Quel suivi ?
Le-la médecin va vérifier un mois après l’initiation (démarrage) de la Prep : la tolérance clinique et biologique du traitement ; la bonne compréhension du schéma de prise ; la sérologie VIH, car une séroconversion a pu échapper au bilan initial s’il a été prélevé pendant la fenêtre sérologique. Une première consultation de suivi a lieu un mois après l’initiation, puis de façon régulière (en fonction des besoins de la personne et des modalités de Prep, tous les deux à six mois). Ces consultations de suivi permettent d’évaluer la tolérance et l’efficacité de la Prep ; de rechercher des symptômes d’IST, d’évaluer avec la personne ses éventuelles expositions sexuelles au VIH et aux autres IST.
Comment arrêter la Prep ?
Prendre un comprimé de Prep par jour pendant les deux jours qui suivent le dernier rapport sexuel pour les hommes cisgenres et personnes transgenres ayant des rapports anaux, et un comprimé par jour pendant sept jours pour les femmes cis et trans. Pour les personnes qui vivent avec une hépatite B, un avis spécialisé est nécessaire avant l’arrêt de la Prep, avec une surveillance des transaminases (ce sont des enzymes qui donnent des informations sur l’état du foie) par prise de sang. La personne doit être informée du risque d’hépatite aiguë grave.
Comment reprendre la Prep ?
Reprendre de la même façon que lors de la prescription initiale. Toute reprise de Prep doit être précédée d’un contrôle du statut sérologique (avec charge virale VIH en cas de risque de primo-infection en cours). La reprise de la Prep se fait avec deux comprimés pour la première prise.
Prévention des IST : Quid de DoxyPep ?
DoxyPep veut dire Doxycycline post-exposure prophylaxis (en français : prophylaxie post exposition à base de doxycycline). Cette stratégie de prévention des IST (syphilis, chlamydia, gonorrhée) consiste à prendre un antibiotique (la doxycycline, en deux comprimés de 100 mg) après un rapport sexuel non protégé par un préservatif (entre 24 heures et 72 heures au maximum après le rapport). Dans cette actualisation du chapitre prévention, les experts-tes ne recommandent pas cette stratégie, mais ils-elles ne l’excluent pas totalement non plus : « Il n'est pas recommandé de mettre en œuvre un traitement post-exposition par doxycycline en prévention des IST bactériennes. Il est toutefois possible d'envisager sa prescription (prise unique par voie orale de 200 mg au plus tôt après un rapport sexuel sans préservatif, et jusqu’à 72 h après celui-ci, sans dépasser trois prises par semaine), dans une démarche de décision partagée : Chez les HSH et femmes transgenres ayant un risque élevé (plus de deux IST dans les 12 mois précédents) lorsque le dépistage ne permet pas de couvrir ce risque de façon satisfaisante ; au cas par cas, lorsque le dépistage ne permet pas de couvrir le risque de façon satisfaisante.
Pour aller plus loin
Quelques liens utiles :
- Tout savoir sur la Prep !
- Groupe Facebook de discussion Prep Dial
- Pour les médecins, se former à la Prep
- Prep en France : une augmentation trop limitée