L’actu vue par Remaides : « Gouvernement Barnier : À droite toute ! »
- Actualité
- 26.09.2024
Par Jean-François Laforgerie
Gouvernement Barnier : A droite toute !
Aux forceps… le gouvernement Barnier s’est construit dans la douleur, près de deux mois après les législatives anticipées, suite à la dissolution décidée par Emmanuel Macron. Le 21 septembre dernier, le gouvernement a enfin été annoncé depuis l’Élysée. Il comprend 39 ministres et secrétaires d’État, peu de « poids lourds », aucun-e chef-fe de parti, des représentants-es de toutes les nuances de droite, avec surtout beaucoup de personnalités des Républicains et de la macronie. Dix d’entre eux-elles ont déjà été ministres ; vingt-trois ont été parlementaires ; cinq ont été élus-es locaux-les, deux viennent de la société civile. Remaides revient sur quelques noms, postes et parcours, dont certains posent question.
Un bail gouvernemental fragile ?
« Le nouveau gouvernement est à la merci du Rassemblement national, qui pourra à sa guise faire monter les enchères sur l’immigration », déplore Le Monde, dans son édito (23 septembre). Le quotidien critique aussi l’arrivée au gouvernement de Bruno Retailleau (LR) et de Laurence Garnier (LR), deux représentants-es de la droite catholique et conservatrice ; nominations qui signent un glissement de l’exécutif « très à droite ». Ce ne sont d’ailleurs pas les seules personnalités qui posent problèmes. Le quotidien du soir pousse même son analyse jusqu’à voir dans le gouvernement Barnier, « une alliance des perdants à rebours du front républicain ». Une bonne partie de la presse n’est pas plus amène envers le nouvel exécutif, elle suppose même que le gouvernement court le risque d’être très rapidement censuré sur un des grands dossiers chauds du moment : le budget général, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, la lutte contre le déficit, la réforme des retraites, une éventuelle loi sur l’immigration, etc. On devrait en savoir plus sur les grandes orientations et priorités gouvernementales avec le discours de politique générale du Premier ministre, le 1er octobre, à l’Assemblée nationale. Retour sur quelques nominations, propos qui fâchent et votes qui gênent.
Bruno Retailleau, nouveau ministre de l'Intérieur
Patron des sénateurs-rices de droite, ancien proche de Philippe de Villiers (il a fait une grande partie de sa carrière politique dans son ombre), Bruno Retailleau (sénateur LR) a été nommé ministre de l’Intérieur, en remplacement de Gérald Darmanin. Il convoite ce poste depuis longtemps. Patron stratégique du puissant groupe Les Républicains au Sénat depuis 2014, l’élu vendéen s’érige, depuis longtemps, comme hérault d’une « ligne ferme en matière d’immigration, de sécurité ou de respect de la laïcité ». Depuis, la première élection d’Emmanuel Macron, ce sénateur LR n’a eu de cesse de dénoncer « le laxisme » de la macronie sur les sujets gérés par ce ministère ; avec un net penchant pour la caricature, les formules à l’emporte-pièce, les préconisations radicales, voire la reprise des idées et de la terminologie qu’affectionne l’extrême droite. Pour compléter le tableau, l’élu, catholique revendiqué, s’est opposé fortement au mariage pour tous et au projet de loi sur la fin de vie voulu par Emmanuel Macron. Bruno Retailleau a 63 ans. Il a été conseillé général de Vendée (1988-2015), député (1994-1997), président du conseil général de Vendée (2010-2015), président du conseil régional des Pays de Loire (2016-2017), sénateur et président du groupe UMP puis Les Républicains au Sénat (depuis 2014) ; il est désormais ministre. Sa nomination inquiète à gauche, mais aussi à Ensemble pour la République (ce qu’il reste du parti macroniste) où l’on se rappelle son souhait de durcir toujours plus la politique française en matière d’immigration. Pour autant, la macronie reste bien représentée au gouvernement. Il sera intéressant de voir comment se feront les arbitrages sur l’AME, par exemple : Ensemble ne veut pas qu’on y touche, alors que Bruno Retailleau demande depuis des lustres la suppression de l’AME, pour une aide médicale d’urgence (AMU), qui limiterait l’accès aux soins des personnes sans titre de séjour ; tout comme au RN.
Il s’oppose également à la fin du regroupement familial et ne résiste jamais à faire le lien entre insécurité et immigration. Plusieurs médias et l’AFP ont rappelé certaines de ses déclarations polémiques, comme lors des émeutes de juin 2023, lorsqu’il établissait un lien entre l’immigration, ces débordements et « une sorte de régression vers les origines ethniques » de la part des « deuxième et troisième générations ». Unique vrai poids lourd du gouvernement Barnier, Bruno Retailleau est une des figures de la droite libérale-conservatrice, aux convictions « inflexibles » (intransigeantes ?), partisan d’une « politique de civilisation ». Il est dans le même registre qu’Éric Ciotti ; sauf que Bruno Retailleau est resté chez LR… et qu’il est au gouvernement.
Geneviève Darrieussecq (MoDem), nommée ministre de la Santé et de l'Accès aux soins
C’est une professionnelle de santé (elle est médecin allergologue) et une politique expérimentée (elle a été plusieurs fois députée et secrétaire d’État ou ministre : armées, anciens combattants, personnes handicapées) qui a été choisie comme ministre de la Santé et de l’Accès aux soins, en remplacement de Catherine Vautrin et de Frédéric Valletoux dans le gouvernement Barnier. On note d’ailleurs que l’intitulé ministériel a changé à cette occasion ; exit la « prévention », remplacée par « l’accès aux soins ». Réélue députée des Landes le 7 juillet, Geneviève Darrieussecq avait quitté le gouvernement en 2023 après y avoir passé six années consécutives. Fidèle du leader centriste François Bayrou, elle hérite d’un secteur en souffrance où la confiance des professionnels-les envers les pouvoirs publics n’a cessé de s’étioler, souligne l’AFP. La nouvelle ministre devra affronter le dossier des services d’urgences exsangues tout en maîtrisant le budget de la Sécurité sociale, alors que le coût de la Santé augmente et que son accès se détériore. Le budget de la Sécurité sociale pour 2025 (PLFSS 2025) qui a déjà pris du retard devrait d’ailleurs tenir du casse-tête. « Les choix et décisions à venir devront être respectueux des acteurs de tous statuts. Des orientations ambitieuses doivent être prises sans attendre pour améliorer le système de santé et mieux répondre aux besoins de soins des Français », a d’ailleurs réagi, auprès de l’AFP, Lamine Gharbi, président de la Fédération hospitalière privée (FHP). « À l’approche de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, les arbitrages budgétaires doivent être à la hauteur des enjeux. Cela passe par une hausse importante de l’enveloppe financière allouée aux établissements de santé, publics comme privés », a-t-il ajouté. Âgée de 68 ans, la ministre Darrieussecq, dotée d’un parcours hospitalier, devra également « soigner » les médecins libéraux alors que la sempiternelle question des déserts médicaux qui affectent de nombreux-ses Français-es reste sans réponse. Le changement d’intitulé du poste est d’ailleurs un symbole de cette priorité gouvernementale : la lutte contre les difficultés et les lacunes de l’accès aux soins.
La "super ministre" Catherine Vautrin quitte la santé, le travail et les solidarités pour les Territoires
Ex « super ministre » chapeautant à la fois le Travail, la Santé et la Prévention et les Solidarités, Catherine Vautrin (64 ans) a été nommée aux Territoires, dans le gouvernement de Michel Barnier. Cette proche de Nicolas Sarkozy, ex-ministre sous Jacques Chirac, avait rejoint en janvier le gouvernement de Gabriel Attal après s’être vu barrer la route de Matignon en 2022 pour avoir notamment participé à la mobilisation contre la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe. Depuis janvier dernier, la ministre avait notamment porté en première ligne le projet de loi fin de vie, dont l’examen a été stoppé net à l’Assemblée par la dissolution. Elle avait également défendu la réforme de l’assurance chômage, voulue par Gabriel Attal, elle aussi en suspens, rappelle l’AFP. Dès le départ, les syndicats s’étaient montrés dubitatifs sur son ministère élargi. Huit mois après, côté travail comme sur le volet santé, assuré par le ministre délégué Frédéric Valletoux, elle laisse des partenaires sociaux parfois restés sur leur faim. Côté travail, « elle n’a rien imprimé du tout », pestait, ces derniers jours, auprès de l’AFP un responsable syndical. Côté santé, le seul grand texte ambitieux : le projet de loi sur la fin de vie est resté inabouti. Compte tenu de la nouvelle composition gouvernementale (très à droite), il devrait d’ailleurs le rester durablement. La droite ne veut pas du texte. Côté santé, certains-es interlocuteurs-rices du gouvernement estiment qu’il y a eu des avancées. Philippe Besset, président du principal syndicat de pharmaciens (FSPF) et de la fédération des Libéraux de Santé (LDS), note que son mandat était « très très court », mais qu’avec Frédéric Valletoux, ils ont « réussi à signer des conventions avec tous les professionnels de santé libéraux, ce que n’arrivaient pas à faire les autres depuis un moment: médecins, pharmaciens, dentistes, infirmiers, kinés, orthopédistes... » Un acteur du secteur de l’action sociale et de la santé estime pour sa part que Catherine Vautrin est « restée assez loin des sujets santé », trop. Petit rappel, les recommandations des États généraux des personnes vivant avec le VIH 2024, un événement qui ne s’était pas déroulé depuis 20 ans, ont été présentées lors d’un événement au ministère du Travail, de la Santé et la Prévention et des Solidarités ; aucun des deux ministres n’a daigné y assister.
Paul Christophe, un nouveau ministre des Solidarités et de l'Egalité hommes-femmes, secondé par une ministre déléguée (Agnès Canayer) et une secrétaire d'Etat (Salima Saa)
Rapporteur d’une loi sur l’autisme, le député Horizons (le parti de l’ancien Premier ministre Êdouard Philippe) Paul Christophe a été nommé ministre des Solidarités, de l’Autonomie et de l’Égalité entre les femmes et les hommes. Inconnu du grand public, Paul Christophe remplace Catherine Vautrin qui était en charge d’un large portefeuille comprenant le Travail, la Santé et les Solidarités (voir ci-dessous). Ce nouveau ministre aura pour l’épauler la ministre déléguée Agnès Canayer (LR), chargée de la famille et de la petite enfance. Poste pour lequel était pressentie la très conservatrice sénatrice Les Républicains Laurence Garnier (voir plus bas). Cette dernière a été finalement nommée à la Consommation. Juriste et enseignante en droit, Agnès Canayer (59 ans) est élue locale au Havre (Seine-Maritime) depuis 2008. Elle siège également au Sénat depuis 2014. Membre chez Les Républicains (LR), elle est poussée vers la sortie après son soutien à Édouard Philippe aux municipales de 2020. Elle rejoint alors le parti Libres ! de Valérie Pécresse, tout en restant rattachée au groupe LR au Sénat. Dans la même équipe, on retrouvera Salima Saa (53 ans), la nouvelle secrétaire d'État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Venue du privé, Salima Saa est nommée en 2010 présidente de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, rappelle Le Monde. Membre de l'UMP, elle est secrétaire nationale chargée du développement urbain. Elle s’implique dans la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. De 2020 à 2022, elle a été préfète de Corrèze. De son côté, Paul Christophe (53 ans), élu député en 2017, est à l’origine de plusieurs propositions de lois dont l’une sur l’accompagnement de parents d’enfants malades et handicapés. Il a également été rapporteur du texte pour favoriser le repérage et l’accompagnement des troubles du neuro-développement (TND), dont l’autisme. L’absence du terme « handicap » qui ne figure dans aucun intitulé du gouvernement (ce qui est très rare) a suscité une polémique. « Les associations s'inquiètent de l'absence de poste dédié au handicap » et déplorent la perte d'un interlocuteur direct et craignent d'être invisibilisées », explique ainsi France Info. « Non, vous ne rêvez pas. Il n'y a ni ministre, ni ministre délégué, ni même secrétaire d'État en charge du handicap » au sein du gouvernement Barnier, s'est alarmé (21 septembre) sur le réseau X Florian Deygas, ancien vice-président du Conseil national consultatif des personnes handicapées. « Être en situation de handicap est déjà un combat quotidien, et maintenant l'État choisit de nous invisibiliser », s’est indigné Florian Deygas qui est atteint d'une sclérose en plaques. Le gouvernement a dû intervenir pour tenter de rassurer. L'entourage de Michel Barnier a ainsi assuré à Franceinfo que le sujet du handicap « tient beaucoup à cœur au Premier ministre », et qu'il est inclus dans les prérogatives de Paul Christophe, le nouveau ministre des Solidarités, de l'Autonomie et de l'Égalité entre les femmes et les hommes. De son côté, le ministre a expliqué avoir « toujours eu à cœur de défendre les droits fondamentaux des personnes handicapées et une société plus inclusive. Ce n'est pas demain que cela va changer ! » Ça va, tout le monde est rassuré ?
Laurence Garnier, nouvelle secrétaire d'Etat, exfiltrée, à la Consommation
Elle a failli être ministre de la Famille, un souhait de Michel Barnier, mais ces « faits d’armes » comme sénatrice ont parlé contre elle. Catholique affichée, Laurence Garnier a manifesté contre le mariage pour tous (2013) et a été un soutien de la Manif pour tous. Elle a voté contre l'interdiction des thérapies de conversion (2021) et la constitutionnalisation de l'IVG (2024). Cela commençait à faire beaucoup pour le poste très symbolique qu’est le ministère de la Famille. Gabriel Attal s’est d’ailleurs ému de ce premier choix, apostrophant son successeur sur sa volonté de préserver les grandes lois sociales (mariage des couples de même sexe, loi actuelle sur l’IVG, etc.). Le Premier ministre Michel Barnier a assuré, lors d’une interview à France 2 (22 septembre) que « les droits acquis » sur des sujets de société comme l’IVG, les droits des femmes, les droits LGBT+ seraient « préservés » par les ministres. Et Michel Barnier d’ajouter : « Je serai un rempart pour qu’on préserve l’ensemble des droits acquis pour les hommes et les femmes de France ». De son côté, Gabriel Attal, chef des députés-e Ensemble pour la république, a expliqué en réunion de groupe qu’il demandera au « Premier ministre d’affirmer clairement dans sa déclaration de politique générale qu’il n’y aura pas de retour en arrière sur la PMA, le droit à l’IVG, les droits LGBT ».
EÉlue nantaise de 46 ans, Laurence Garnier est la cheffe de file de l’opposition à la marie PS de Nantes Johanna Rolland. Selon les médias, Emmanuel Macron, lui-même, a signalé au Premier ministre, le « profil délicat » de cette sénatrice. « Laurence Garnier est une femme de droite très marquée, qui a eu des engagements sociétaux que j'ai toujours combattus. À ce poste, ce n'est pas un bon signe. C'est un symbole qui est donné », s'était inquiété sur BFMTV le chef de file des sénateurs-rices socialistes Patrick Kanner, qui siégeait avec Laurence Garnier à la commission culture et éducation du Sénat. Laurence Garnier est une des proches de Bruno Retailleau… Au final, il a été jugé plus prudent de nommer la sénatrice au poste de secrétaire d'État chargée de la consommation. C’est moins voyant… et sans doute plus prudent !
Patrick Hetzel, ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche
Député LR de la 7e circonscription du Bas-Rhin, Patrick Hetzel (60 ans), proche de François Fillon, a donc été nommé ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Connu pour ses positions conservatrices en matière de bioéthique et de sujets sociétaux, il s’est également fait remarquer pour avoir fait la promotion de l’hydroxychloroquine lors de la pandémie et soutenu le professeur Didier Raoult. Dans un article du 23 septembre, Libé revient sur ce sujet. Le quotidien rappelle que celui qui est désormais ministre de la Recherche s’est engagé dans une défense publique de l’hydroxychloroquine. Libé rappelle qu’il a d’ailleurs adressée une lettre au président de la République où il affirme que « l’hydroxychloroquine, qui était en vente libre en France depuis quarante ans, a fait la preuve empirique de son efficacité », et il clame qu’attendre de disposer de preuves de haut niveau avant d’en autoriser l’usage est « incompatible» avec la situation de crise d’alors ». « Dans son plaidoyer pour l’usage du traitement promu par Didier Raoult, Patrick Hetzel ajoutait à la méconnaissance du dossier un argument proprement effarant : « Les médecins généralistes sont aujourd’hui privés des médicaments curatifs, alors qu’ils sont autorisés (décret du 24 mars) à utiliser le clonazépam injectable pour mettre un terme à la suffocation de leurs patients, mais aussi à leur vie » Le député relayait alors l’intox des « euthanasies au Rivotril » (nom commercial du clonazépam), déconstruites depuis lors par des médias, dont le service CheckNews de Libé. Lorsqu’il était encore député, Patrick Hetzel s’est illustré par son opposition à l’obligation vaccinale contre la Covid-19. Il s’est aussi opposé à la suppression de l’article 4 de la loi contre les dérives sectaires, prévoyant la création d’infractions contre les personnes provoquant « l’abandon ou l’abstention de soins» ou «l’adoption de pratiques dont il est manifeste qu’elles exposent la personne à un risque grave ou immédiat pour sa santé ». On a donc eu chaud, le député n’a pas été nommé à la Santé.
Dans les portraits que les médias réalisent de lui, on pointe les votes contre la constitutionnalisation de l'IVG, contre la PMA, contre le mariage pour tous-tes. Dans un post, la sénatrice PS de Paris Marie-Pierre de la Gontrie rappelle qu'en 2021, la proposition de loi d'Olivier Falorni (Libertés et Territoires), qui visait à créer le droit à une « assistance médicalisée active à mourir », n'avait pas pu aller à son terme, lors de la niche parlementaire, en raison de l'obstruction parlementaire de cinq députés-es Les Républicains, dont Patrick Hetzel. Les cinq parlementaires avaient déposé à eux seuls 2 500 amendements contre le texte, provoquant un blocage des discussions. Toujours concernant l’IVG, Mediapart rapporte que Patrick Hetzel, alors parlementaire, avait accusé ses collègues de l'hémicycle d’être « les larbins de l’idéologie » du Planning familial et le garde des Sceaux d’être « sous l’emprise de l’idéologie wokisme ». Très classe !
Une "tendance" Manif pour tous qui inquiète
Le gouvernement Barnier n’est pas le premier à ouvrir les portes aux opposants-es au mariage pour tous… c’est du reste assez logique quand on recrute à droite. Mais, il faut admettre qu’avoir des ministres opposés-es à l’égalité des droits n’est pas bon signe. On se rappelle de Caroline Cayeux. En 2022, l'ancienne maire LR de Beauvais avait fait un passage éclair comme ministre déléguée aux Collectivités territoriales pour avoir tenu des propos homophobes en avril 2013 lorsqu’elle était sénatrice. Comment oublier l’épisode Catherine Vautrin qui avait raté Matignon pour son position « conservateur », notamment son engagement contre le mariage pour tous. En 2012, elle avait pris part aux manifestations contre le mariage homosexuel et combattu la loi Taubira à l'Assemblée. En 2023, elle avait regardé dans le rétroviseur et parlé d’un « rendez-vous raté ». Elle est désormais au gouvernement sous la présidence d’Emmanuel Macron, pour la seconde fois. Même opposition au mariage pour tous pour Christophe Béchu, l’ancien ministre démissionnaire de la Transition écologique. Autre fait d’arme, en 2016, alors qu'il était maire d'Angers, il s'était opposé à une campagne officielle de prévention du VIH mettant en scène des couples de même sexe, qui pouvait, selon lui, choquer les enfants. IL l’avait interdite dans sa ville. Gérald Darmanin avait, lui aussi, un passif. . En tant que député UMP du Nord, en 2013, il avait voté contre la loi Taubira et participé à la Manif pour tous. « Je ne célébrerai pas personnellement de mariages entre deux hommes et deux femmes », avait aussi affirmé Gérald Darmanin, alors maire de Tourcoing, cité par Libération. Il avait, ces dernières années, présenté des excuses, notamment à l'occasion des dix ans du vote ouvrant la voie aux mariages entre personnes du même sexe.
Aujourd’hui, la situation n’est pas plus enviable. Plusieurs membres du gouvernement se sont opposés-es au mariage pour tous. C’est le cas de Bruno Retailleau (soutien de la Manif pour tous), Laurence Garnier (soutien de la Manif pour tous), Patrick Hetzel, Catherine Vautrin, Annie Genevard, Sophie Primas et François-Noël Buffet.
Dans un article très complet réalisé par une équipe de journalistes du Monde (23 septembre), on voit comment les nouveaux membres du gouvernement ont voté sur les grands textes sociétaux de ces dernières années. En 2018, la loi Schiappa contre les violences sexuelles et sexistes est présentée au vote : Thani Mohamed Soilihi, nouveau secrétaire d’Etat chargé de la francophonie, a voté contre cette loi lorsqu’il était vice-président du Sénat. En 2021, c’est la loi de bioéthique ouvrant la PMA à toutes qui est votée : Paul Christophe, Annie Genevard et Patrick Hetzel s’y opposent. Le Monde rappelle qu’au Sénat, Bruno Retailleau, président du groupe LR, avait fait supprimer l’article ouvrant la PMA à toutes les femmes lors d’une précédente lecture – un article central ensuite réintégré par les députés. Un an plus tard, c’est un texte sur l’interdiction des thérapies de conversion qui arrive. Sept ministres actuels du gouvernement Barnier ont voté pour cette interdiction ; Bruno Retailleau, et Laurence Garnier. En 2024, est votée la réforme portant l’inscription de l’IVG dans la Constitution. « Parmi les trente-neuf ministres qui composent le nouveau gouvernement, vingt-deux ont pris part à ce vote historique. La plupart (dix-sept) se sont prononcés favorablement, tandis que trois s’y sont opposés (les sénateurs-rices LR Bruno Retailleau, Laurence Garnier, et Patrick Hetzel), et deux se sont abstenus (le sénateur LR François-Noël Buffet, et la députée LR Annie Genevard) », explique Le Monde. Dernier exemple : la proposition de loi de 2024 au Sénat sur la prise en charge des mineurs « en questionnement de genre ». « En mars 2024, sept des nouveaux ministres du gouvernement Barnier votent en faveur d’une loi sur la prise en charge des mineurs en « questionnement de genre ». Seuls Thani Mohamed Soilihi et Nathalie Delattre sont contre », explique le quotidien.
Gouvernement Barnier : des nominations très critiquées et une montée au front pour défendre l'AME
Administratrice de AIDES, Dominique Costagliola a réagi sur X (anciennement Twitter) à la première interview de Bruno Retailleau comme ministre de l’Intérieur, sur TF1 : « Les données montrent que la France n’est pas spécialement attractive. Voilà quelqu’un qui devrait écouter le 1er cours de chaque année de François Héran au Collège de France pour se baser sur des données et pas des croyances ! ». « L’immigration est un sujet qui échappe à la rationalité. Voilà @BrunoRetailleau qui veut supprimer l’aide médicale d’État pour les étrangers quand les médecins alertent unanimes, sur les conséquences sanitaires globales pour les Français. #xenophobie », a commenté Benoit Hamon, qui dirige aujourd’hui une ONG. Jean-François Corty (Président de Médecins du Monde) a, lui aussi réagi aux propos du ministre de l’Intérieur et à son souhait de mettre fin à l’AME : « #AME Non la France n’est pas la plus attractive, non il n’y a pas de phénomène d’appel d’air plusieurs rapports objectifs l’ont montré, oui l’AME est bonne pour toute la société. Quand le mensonge est au service d’un idéologue suprématiste ! » Directeur général de AIDES, Marc Dixneuf explique dans un tweet : « Supprimer l'AME met en danger la vie des étrangers-ères en leur retirant des soins essentiels, et fragilise notre système de santé en augmentant les coûts hospitaliers. @MichelBarnier, maintenez l'AME pour protéger chacun-e et préserver notre système de santé ». Référent plaidoyer Accès droits en santé à Médecins du Monde, Matthias Thibeaud a réagi : « Combien de fois faudra-t-il encore le répéter? L'#AME est essentielle pour la protection de la #santé et la stabilité de notre système de soin. Notre santé publique est trop précieuse pour faire l'objet de marchandages politiques ». De son côté, Florence Thune, directrice générale de Sidaction, a expliqué : « Nous pouvons reprendre mot à mot les mêmes arguments qu’en 2023 pour défendre l’AME. Ré-écrire 1000 tribunes. Mais la santé des personnes migrantes est déjà sacrifiée sur l’autel de la communication politique. Le gouvernement, les LR, le RN savent déjà que sa suppression n’aura aucun impact sur l’immigration, sur l’amélioration des comptes publics ou sur l’amélioration du système de soins. Bien au contraire. Mais ils ont un os à ronger, une mesure à effet placebo qui servira juste leurs ambitions politiques, à coups de fake news et d’inhumanité ». Chargé de mission Plaidoyer et Accompagnement juridique pour les personnes étrangères chez AIDES, Adrien Cornec a dénoncé : « L'inhumanité n'est plus un tabou pour @MichelBarnier. Supprimer l'AME, c'est un choix dangereux et irresponsable qui mettra en danger une partie de la population en leur refusant des soins de base, la santé de tous-tes et l'hôpital public. Il faut a minima la maintenir. #AME ». le Conseil national du sida et des hépatites virales a avancé cet argument : « Les dépenses de l'#AME constituent une part infime des dépenses de santé en France. Passer à une aide médicale d'urgence nuirait à la riposte aux épidémies de VIH, des hépatites virales et des infections sexuellement transmissibles ». Enfin, parmi tant d’autres, on peut signaler ce tweet de l’ancien ministre de la Santé et de la prévention, Aurélien Rousseau, actuel député (Socialistes et apparentés) de la 7ème circonscription des Yvelines, qui avait démissionné de ses fonctions ministérielles suite à l’adoption de la loi Immigration sous le gouvernement Borne : « Soyons cliniques : l’AME n’est pas un facteur d’immigration. C’est une conclusion documentée solidement. Pourtant, le gouvernement préfère illico évoquer sa suppression pour satisfaire l’extrême-droite. Un gage, un scalp, un totem… sans avoir la force ou le courage, de dire la réalité ».