Politique des drogues : le coup d'arrêt mondial
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L’Association des intervenants en dépendance du Québec (AIDQ) organisait le 13 mai le premier sommet francophone sur la réduction des risques liés aux drogues à Montréal, avant l’ouverture officielle de la 25e Conférence internationale en réduction des risques (International harm reduction conference) du 14 au 17 mai 2017.
En ouverture, Marie Nougier de l’IDPC, dont AIDES est membre, ainsi que Cinzia Brentani de l’Harm Reduction International ont proposé "un regard critique sur la cohérence et l’évolution des politiques sanitaires, sociales, économiques et sur les droits de l’homme en lien avec la réduction des risques". Cinzia Brentani a présenté les données du dernier rapport de HRI sur la situation de la réduction des risques dans le monde, datant de novembre 2016. La seule publication indépendante et produite en stricte collaboration avec la société civile propose une évaluation globale de la réponse aux épidémies, liées à la consommation des drogues dans le monde.
Crise de la réduction des risques
90 pays ont au moins un programme d’échange de seringues (dont seulement huit pour les prisons et la France n’en fait pas partie). Par ailleurs, 80 pays proposent des traitements de substitution (dont 43 le font dans les prisons, dont la France). En revanche, seulement 15 pays ont une proposition en réduction des risques à large échelle, couvrant quasiment l’ensemble du pays et 26 pays en ce qui concerne l’accès aux traitements de substitution.
Bien entendu c’est largement insuffisant au regard de l’ampleur du phénomène. L’ONUSIDA estime qu’il y a 11,7 millions d’usagers de drogues par voie injectable dans le monde et des Etats comme la Russie ne proposent rien en matière de prévention, voire organisent la persécution des usagers de drogues. Autre faut préoccupant, il n’y a AUCUN nouveau pays ayant commencé à mettre en place des programmes d’échanges de seringues depuis 2014. Si 17 pays ont augmenté le nombre de sites d’échange de seringues dans vingt autres, ils ont été réduits. Pendant ce temps, l’injection de stimulants augmente et le VIH et les contaminations à l’hépatite C explosent dans certains pays de l’Europe de l’Ouest, en Russie et en Asie.
Crise de son financement ?
Cinzia Brentani a présenté des données sur la crise du financement international de la réduction des risques. La première donnée est… qu’il y a peu de données. La dernière estimation date de 2010 et montre que seulement 160 millions de dollars ont été investis par des bailleurs de fonds internationaux dans les pays à moyens et bas revenus. Il y a indéniablement une crise des financements internationaux et les causes en sont multiples : tout comme d’autres financement [au hasard, les traitements contre le VIH, ndlr], les fonds destinés aux pays à revenu intermédiaire ont été fléchés prioritairement vers les pays à revenu faible. Le problème, c’est qu’environ 75 % des personnes usagères de drogues se trouvent dans les pays à revenu moyen.
Pourtant, cette "crise du financement" ne touche pas toutes les facettes des politiques de contrôle des drogues. 100 milliards de dollars sont utilisés chaque année dans le cadre de la réponse policière et pénale contre la drogue. C’est d’autant plus frustrant que la RDR montre partout où elle est déployée des résultats incontestables, notamment sur l’incidence du VIH. ! Il suffirait, en effet, de consacrer une petite partie des financements globaux – énormes – destinés à la guerre à la drogue, qui a elle démontré son inefficacité, vers la réduction des risques. HRI lance une campagne pour demander aux gouvernements de réaffecter 10 % des financements actuels consacrés à la lutte contre la drogue vers la RDR avant 2020
On voit bien sur le graphique la différence dramatique si l’on continue avec l’état actuel des financements et les deux autres scénarios : à savoir un financement moyen et un financement à haute couverture, qui porterait à l’éradication du VIH parmi les usagers de drogues par voie injectable d’ici 2030.
En France, nous avons aussi nos propres incohérences et rappelons à cette occasion que malgré les avancées récentes avec l’autorisation de l’accompagnement à l’injection et l’ouverture de salles de consommation à moindre risque, nous subissons encore à ce jour l’une des politiques les plus répressives en Europe de l’ouest.
Le 26 juin prochain aura lieu Journée d’Action Mondiale de "Support don't punish" pour faire reculer la répression des usagers-ères de drogues !