« LE SPOT » a un an, premier bilan
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Lancées il y a tout juste un an, le 30 juin 2016, deux structures novatrices de prévention et de santé sexuelle « LE SPOT » à Paris et à Marseille font le point sur les avancées réalisées. L’occasion aussi de découvrir leurs méthodes originales pour toucher des publics très exposés aux risques VIH et hépatites, et, déjà de réfléchir à l’avenir.
LE SPOT Beaumarchais, à Paris
Ça pourrait presque être une énième boutique chic sur le boulevard, avec sa devanture vitrée, élégamment entourée de noir, et un logo sobre imprimé mat en transparence. Quand on pousse la porte, on est surpris-e par l’ambiance design mais accueillante et chaleureuse, à des kilomètres des cliniques austères et des environnements médico-institutionnels. Ici, le « patron » c’est Stéphan Vernhes, l’accent qui chante et le sourire de celui qui sait qu’il est en train de construire un endroit très spécial. Depuis un an, il a mis en place différentes actions sur mesure pour les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (gays, bis ou simples « curieux » parfois appelés « HSH ») et les difficultés qu’ils peuvent rencontrer.
Deux moments phares viennent rythmer la semaine du SPOT Beaumarchais : le chillout chemsex du mardi et l’apéro PrEP du mercredi. Pour l’un comme pour l’autre, il s’agit de proposer aux usagers-ères des temps d’écoute bienveillante, d’expression authentique et d’échange sans jugement, pour briser l’isolement et les tabous qui enferment parfois.
Le mardi, les discussions tournent autour des consommations de produits psychoactifs en contexte sexuels (le « chemsex », donc), et des éventuelles difficultés qu’elles peuvent entraîner. Il s’agit d’ailleurs d'une des seules soirées hebdomadaires d’autosupport entre pairs sur ce sujet en Europe.
Pour apporter des outils aux participants, différents-es professionnels-les peuvent être présents-es : addictologue, sexothérapeute, sophrologue… Les questions et thématiques traitées sont aussi très variées : comment mieux consommer ? Quelles sont mes attentes positives ? Quels sont les effets indésirables de ma ou mes consommation-s ? Qu’est-ce que l’addiction ? Si j’arrête, il se passe quoi ? Et le plaisir dans tout ça ? Stéphan Vernhes le dit : pour lui, ces soirées ont été une forme de psychothérapie. Il avait senti la nécessité de « recréer un vrai dialogue, pas via les applis, juste s’asseoir autour d’une table et se parler ».
Le mercredi, c’est de la PrEP que discutent la petite dizaine de personnes généralement présentes. Avancée historique, cette méthode de prévention génère encore de multiples interrogations et blocages. Il faut dire que c’est la première fois que séropositifs et séronégatifs partagent un même outil et se retrouvent « épaule contre épaule » rappelle l’hôte du lieu, « c’est un lien incroyable ». En dehors des freins et avantages, sont aussi abordées lors des soirées les thématiques de la « PrEPophobie », rejet parfois extrêmement virulent de cet outil et de ceux qui s’en servent ; des applis de rencontres (y fait-on figurer ou non le fait qu’on est sous PrEp ?) ou encore de l’observance.
Et la suite ? Stéphan Vernhes aimerait mettre en place un apéro (sans alcool !) le vendredi soir, moment charnière avant le weekend, et la structure travaille à obtenir un statut juridique et économique qui lui permettrait de mettre en place aussi des actions plus médicalisées, sur les pas du 56 Dean Street à Londres, modèle du genre en Europe. Des réflexions sont aussi en cours pour mettre en place des actions spécifiques et toucher deux autres publics très exposés, les personnes trans et les travailleurs-euses du sexe.
LE SPOT Longchamp, à Marseille
Quelques centaines de kilomètres au Sud, LE SPOT a aussi ouvert ses portes dans la cité phocéenne, sous une forme un peu différente. En effet, il s’agit, depuis le début, d’un CeGIDD (Centre Gratuit d'information, dépistage et diagnostic), qui est donc habilité à proposer dépistage VIH, hépatites et IST (infections sexuellement transmissibles), PrEP (100 personnes sont déjà suivies dans ce protocole), vaccinations et accompagnement des parcours de transition (notamment pour l’injection des hormonothérapies). Maxime, l’infirmier y est présent tous les jours, ainsi que plusieurs accompagnateurs-trices communautaires, et leurs rangs sont régulièrement renforcés par une assistante sociale, une psychologue, une gynécologue et l’un-e des 4 médecins infectiologues ou généralistes. Une fois par mois, une pharmacienne est également présente pour l'analyse de produits.
Mais alors, qu’est-ce qui distingue ce centre de santé sexuelle des autres ? Comme souvent chez AIDES, ce qui fait la différence, c’est avant tout l’approche communautaire. Patrick, qui se décrit comme un « pote professionnel » et fait partie de l’association depuis 15 ans et des équipes du SPOT depuis le début, l’explique très bien : on est à cent lieues des façons de faire habituelles des cliniques ou hôpitaux. « Ça arrive que les médecins nous demandent « mais qu’est-ce que vous leur avez fait ?! » sourit Patrick. « Quand on accueille les gens, on ne donne pas de nom de fonction car ça remet du médical, on est juste humains, il s’agit de dédramatiser le soin et la santé ». D’emblée, les usagers-ères sont rassurés-es par la nature du lieu, un joli appartement qui donne sur une cour lumineuse mais ombragée. Le tutoiement est de rigueur, et les personnes qui les reçoivent sont attentives à mettre en avant les notions de plaisir et de bien être plus que celles de bien et de mal.
Autres mesures, qui peuvent sembler anecdotiques, pour mettre les usagers-ères au même niveau que celles et ceux qui les reçoivent : les bureaux sont positionnés de sorte à ne pas séparer les personnes, les écrans des ordinateurs ne leur sont pas cachés, ils et elles peuvent lire tout ce qui les concerne, et des boissons sont mises à leur disposition (mais ne leur sont pas servies, c’est à chacun-e d’aller se faire son thé, son café ou se verser un soda). Ici, semble-t-on leur faire comprendre par ces aménagements, tout est fait pour les rendre acteurs-trices.
Cette philosophie qui vise à donner le pouvoir à chacun-e par rapport à sa santé, Patrick la résume ainsi : « On ne peut pas savoir ce qui est bien ou pas pour les personnes, mais on peut être force de proposition pour que les gens puissent faire leur choix en fonction de ce qu’ils amènent ». Si les équipes s’abstiennent de tout jugement, elles n’hésitent cependant pas à valoriser la démarche des usagers-ères venus-es se faire dépister, parler ou juste regarder ce qui est proposé.
Parmi les projets du SPOT Longchamp pour le futur, un changement de protocole qui permettrait d’élargir les fonctions de Maxime, l’infirmier, en cas d’absence d’un-e médecin, pour assurer un maximum de services en toutes circonstances.
Que ce soit à Paris ou à Marseille, LE SPOT a déjà commencé à remplir ses missions d’accueil, de soin et de d’accompagnement des personnes avec des dispositifs au plus près de leurs envies et besoins. On espère que d’autres SPOT ouvriront bientôt leurs portes ailleurs en France, rendez-vous l’an prochain pour refaire le point !