L'actu vue par REMAIDES : "Mpox : une nouvelle souche et des vaccins trop rares"
- Actualité
- 02.09.2024
Par Jean-François Laforgerie
Mpox : une nouvelle souche et des vaccins trop rares
L’OMS a déclenché mercredi 14 août son niveau d’alerte le plus élevé à la suite d’une résurgence du Mpox. L’alerte est venue du continent africain ; de la République démocratique du Congo (RDC) plus particulièrement où les cas sont très élevés. L’épidémie qu’on doit à une nouvelle souche, clade 1b, reste pour le moment circonscrite au continent africain (deux cas seulement à l’étranger : Suède et Thaïlande). Désormais les craintes portent sur la faiblesse des dons de vaccins de la part des pays du Nord, le prix du vaccin qui n’est pas soutenable pour les pays du Sud, et les délais des procédures de l’OMS qui semblent en décalage avec le niveau d’alerte que l’institution a retenu dans le contexte du moment. La rédaction de Remaides fait le point sur la situation actuelle.
Nouvelles données sur le Mpox clade 1b
Des données concernant le continent africain ont été données récemment par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et le site monkeypoxtally. Plus de 18 000 cas de Mpox ont été rapportés en RDC, cette année, entraînant 629 décès. Par ailleurs, 258 cas de clade 1b ont été confirmés au Burindi, principalement à Bujumbura la capitale. 193 personnes ont été hospitalisées, 38 ont été traitées et ont pu quitter l’hôpital (en date du 25 août) ; aucun décès n’était constaté. L’OMS indique aussi que quatre cas de Mpox clade 1b ont été confirmés au Rwanda, même chose en Ouganda. Deux cas ont été recensés au Kenya. Le clade 1b de Mpox ne semble pas se propager en dehors de l'Afrique, puisque seulement deux cas ont été signalés, à ce jour, en dehors du continent au cours des deux dernières semaines (un en Suède et un en Thaïlande), sans aucun nouveau cas signalé en dehors du continent africain, la semaine dernière.
Mpox : les gouttelettes, une voie de transmission « mineure » selon l’OMS
En matière de communication sur les maladies infectieuses, les informations sur les modes de transmission doivent être faites avec prudence et transparence. C’est ce que s’efforce de faire l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le 27 août, une porte-parole de l’institution, Margaret Harris, a ainsi expliqué que les « gouttelettes » sont une voie de transmission « mineure » du Mpox, insistant sur le fait que des « recherches supplémentaires » sont indispensables pour mieux comprendre « la dynamique de transmission » du virus, qui, bien que découvert en 1970 chez l’homme, n’a manifestement pas livré tous ses secrets.
Du côté des experts-es de l’OMS, on rappelle que le Mpox se transmet d’une personne à l’autre principalement par « contact étroit ». Sur son site, l’OMS explique qu’elle entend par contact étroit « le contact peau à peau (le toucher ou les relations sexuelles, par exemple) et le contact bouche-à-bouche ou bouche à peau (les baisers). Elle indique aussi que « le fait de se trouver en face de quelqu’un (parler ou respirer à proximité et ainsi être en contact avec des particules respiratoires infectieuses) » peut, « de façon minime » être à l’origine d’une transmission. « Si vous parlez à quelqu’un de près, si vous respirez sur lui, si vous êtes physiquement proche de lui, il est possible que les gouttelettes, si vous avez des lésions, se propagent à quelqu’un d’autre », a d’ailleurs indiqué Margaret Harris. Mais il s’agit d’une source « mineure de transmission », a-t-elle insisté. Par ailleurs, selon l’OMS, il est possible que le virus reste présent pendant un certain temps sur des vêtements, du linge, des objets et des surfaces qui ont été touchés par une personne atteinte de la maladie. Une personne qui les toucherait à son tour risquerait, elle aussi, d’être infectée si elle présente des coupures ou des abrasions ou si elle se touche les yeux, le nez, la bouche ou d’autres muqueuses avant de s’être lavé les mains. Cette information n’est pas nouvelle. L’OMS en parlait déjà lors de l’épidémie de 2022. Pourquoi y revenir alors ? Pour rappeler des règles de base destinées à limiter le risque d’exposition au Mpox (mais c’est aussi valable pour d’autres virus, comme celui de la grippe, dont la nouvelle saison ouvrira dans quelques semaines). Ainsi, l’OMS recommande le nettoyage et la désinfection des surfaces et des objets ainsi que le lavage des mains après avoir touché des surfaces ou des objets potentiellement contaminés. De la même façon, mentionner les « gouttelettes », c’est être transparent en indiquant qu’un risque peut exister, mais qu’il est « minime ». D’ailleurs, on notera que l’OMS ne recommande pas le port généralisé du masque. Celui-ci est recommandé aux personnes infectées par le Mpox (et qui le savent !), à leurs contacts (proches, entourage, partenaires…) et aux professionnels-les de santé, a indiqué Margaret Harris. Enfin, l’OMS a rappelé que ces consignes sont valables pour les différents clades qui circulent actuellement (clade2, clade 1a et clade 1b), mais que nous ne disposons pas aujourd’hui de données pour dire que l’un est plus dangereux que l’autre.
Mpox : des dons de vaccin nettement insuffisants
Le 27 août dernier, le gouvernement espagnol a annoncé l’envoi de 500 000 doses de vaccins pour les pays d’Afrique centrale afin de faire face à l’épidémie de Mpox. La République démocratique du Congo (RDC), le Burundi et la Centrafrique sont les pays les plus touchés par la recrudescence de Mpox en Afrique, mais d’autres le sont aussi. « L’Espagne a indiqué à la Commission européenne qu’elle allait faire un don représentant 20 % de son stock de vaccins, soit 100 000 ampoules correspondant à 500 000 doses de vaccins », explique dans un communiqué le ministère espagnol de la Santé, cité par l’AFP. Du côté espagnol, on explique ce choix : « L’épicentre se trouve dans plusieurs pays d’Afrique centrale, le ministère de la Santé estime qu’il est fondamental d’agir dans cette région afin de pouvoir contenir la situation actuelle ». Madrid encourage ses homologues européens à faire don à leur tour de 20 % de leur stock et à ne pas « garder des vaccins là où il n’y a pas de problème ». Quelques jours avant l’Espagne, la France et l’Allemagne avaient fait leurs propres annonces d’un envoi de 100 000 doses chacune. Le 28 août, le gouvernement portugais a indiqué qu’il « étudiait » la possibilité d’un don de vaccins aux pays africains, en fonction de son stock et de ses besoins internes.
Au niveau européen, la Commission européenne a pris des initiatives en demandant aux États membres d’envoyer des vaccins sur le continent africain en « signe de solidarité ». « J’ai écrit aux ministres de la Santé de l’UE pour leur faire part des projets de dons de vaccins et de produits thérapeutiques contre le virus Mpox. La solidarité mondiale est essentielle pour faire face aux menaces sanitaires mondiales », a écrit la commissaire européenne à la Santé, Stella Kyriakides, dans un message publié sur X (anciennement Twitter). « Nous comptons sur les États membres pour soutenir nos partenaires africains dans la gestion de l’épidémie », et « la Commission est prête à coordonner » la mobilisation, a-t-elle ajouté.
Des dons ont également été faits par les États-Unis (50 000 doses pour la RDC, uniquement), le Japon (près de quatre millions de doses annoncées). Près d’un million de doses sont attendues en Afrique, a déclaré mercredi 28 août le directeur du Africa CDC (Centre africain de contrôle et de prévention des maladies) qui demande un transfert de technologie : pour que les pays du Sud puissent fabriquer les doses dont ils ont besoin. « Nous nous dirigeons vers la sécurisation de près d’un million de doses » de vaccin contre le Mpox, a déclaré le docteur Jean Kaseya, directeur général du Africa CDC/CDC Afrique, lors d’une réunion du comité régional de l’OMS pour l’Afrique, organisée au Congo-Brazzaville. Le docteur Kaseya a indiqué que 215 000 doses de vaccins ont déjà été « sécurisées » auprès du fabricant danois Bavarian Nordic. Dans l’esprit du CDC Afrique, on ne msie pas tout sur les dons, on est plus ambitieux. « Nous disons à Bavarian Nordic que nous avons besoin d’un transfert de technologie vers les fabricants africains », explique le le docteur Kaseya. Et « nous croyons que très bientôt, le vaccin contre le Mpox sera fabriqué en Afrique », a-t-l ajouté, cité par l’AFP. Mais nous n’en sommes pas là.
Aujourd’hui, les doses arrivent avec parcimonie. Le 28 août, le Nigeria a reçu 10 000 doses de vaccins, devenant ainsi le premier pays africain à recevoir des doses contre le Mpox, explique un communiqué des Nations-Unies. Cela permettra de vacciner 5 000 personnes. Le Nigéria signale des cas de Mpox depuis plusieurs années, avec un pic en 2022. Au 10 août 2024, ce pays de l’Afrique de l’Ouest dénombrait 786 cas suspects, 39 cas confirmés et aucun décès depuis le début de l’année. Mais les doses reçues sont à la hauteur des enjeux dans un pays qui compte près de 228 millions d’habitants-es ? On comprend mieux l’enjeu actuel. Selon le Centre africain de prévention et de contrôle des maladies (CDC-Afrique), on compterait actuellement 200 000 doses disponibles (toutes les promesses de dons n’ont pas été réalisées, loin s’en faut). Or, il en faudrait au moins 10 millions, selon les plans de vaccination des pays concernés par l’épidémie en cours. Le laboratoire pharmaceutique danois Bavarian Nordic a bien expliqué quil était en capacité d’en fabriquer autant d'ici 2025. Mais qui paiera ?
L’accès aux vaccins est la solution, mais c’est compliqué !
Pour Gavi, l’Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation, les dons sont la meilleure solution à court terme pour permettre aux pays africains de faire face à l’épidémie en cours et éviter sa diffusion dans le monde entier. Mais cette stratégie est en butte à de nombreuses difficultés. « Les dons de vaccins sont confrontés à des obstacles juridiques, réglementaires et logistiques », soulignait ainsi sur RFI (27 août) Salam Gueye, directeur régional des urgences sanitaires de l'OMS en Afrique. « Chaque pays a son organisme de réglementation lorsqu’il s’agit d’introduction de vaccins et ça prend du temps. Il y a aussi l’obstacle des assurances. Quand le vaccin n’a pas eu une période suffisamment longue qui permet d’assurer sa complète innocuité à long terme, les assurances deviennent beaucoup plus chères. Mais le plus important, c’est la logistique. Les vaccins sont souvent fabriqués en dehors de l'Afrique, et pour les acheminer sur place, c’est tout un parcours. Les régions touchées présentent des difficultés d'accès. C’est pourquoi l’OMS essaye de les appuyer davantage à ce niveau-là », expliquait l’expert. À cela s’ajoute la question du prix. Pour de nombreux pays, les ressources financières sont insuffisantes pour acheter des doses. Dans le monde, seuls deux labos pharmaceutiques fabriquent les vaccins homologués. Le plus connu est le danois Bavarian Nordic qui facture 100 dollars la dose.
L’OMS dans la tourmente… une fois encore
Des vaccins ont déjà été mis à disposition dans plus de 70 pays hors d’Afrique alors que le continent est le premier concerné par l’épidémie de Mpox. C’est un problème. Dans un communiqué du 28 août, l’ONG One insiste sur la nécessité d’une « une distribution équitable des vaccins », un objectif qu avait été un échec avec la pandémie de Covid-19 et même l’épidémie de Mpox de 2022. « La décision du gouvernement [français, ndlr] de faire don de 100 000 doses de vaccins aux pays qui en ont besoin est donc un bon premier pas. Mais cela reste pour l’instant une goutte d’eau dans l’océan. Au total, 10 millions de doses de vaccins sont nécessaires pour contrôler l’épidémie de Mpox en Afrique. Jusqu’à présent, seules 200 000 doses sont disponibles. De plus, il est inacceptable qu’aucun vaccin n’ait encore été livré à la République démocratique du Congo, zone la plus touchée par l’épidémie ». Et là, on tique sur cette dernière phrase… Il n’y a donc pas de vaccins accessibles dans le pays le plus touché et dont la situation intérieure et celle, naissante, dans des pays voisins, ont grandement motivé la décision de l’OMS de lancer une alerte mondiale dès le 14 août.
Comment l’expliquer ? Ces dernières semaines, l’Organisation mondiale de la santé semble avoir retardé l’accès des pays africains aux vaccins qu’ils attendent pourtant impatiemment, explique l’AFP. Le processus nécessaire pour permettre à ces pays d’accéder facilement à de grandes quantités de vaccins par l’intermédiaire des agences internationales a été lancé par l’OMS seulement en août, alors que la maladie touche des populations, en RDC notamment, depuis des décennies. Des experts-es jugent d’ailleurs que l’épidémie actuelle (celle avec le clade 1b) n’a pas démarré cet été, mais à l’automne 2023. Du coup, l’annonce de l’alerte en août 2024 apparait comme une réaction trop tardive. La situation concernant l’accès aux vaccins n’avançant pas vite ; des gouvernements africains ainsi que le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique) n’ont pas attendu l’issue de cette démarche. Ils ont préféré solliciter directement les pays du Nord pour un appel aux dons de vaccins. Et même si l’OMS recommande de lancer la vaccination dans les zones touchées, les choses tardent à se mettre en place. Un article du quotidien britannique The Guardian explique bien la situation. Chez certains-es experts-es, l’agacement, voire la colère, sont notables. Interrogée par l’agence de presse Reuters, Helen Rees, membre du comité d’urgence du CDC Afrique et directrice exécutive du Wits RHI Research Institute à Johannesburg, en Afrique du Sud, a ainsi expliqué qu’il était « vraiment scandaleux, après que l’Afrique a eu du mal à accéder aux vaccins pendant la pandémie de Covid, que le continent soit une fois de plus laissé-pour-compte… ».
Pourquoi est-ce si compliqué ? L’OMS a demandé aux fabricants de vaccins de soumettre les informations nécessaires pour que les vaccins Mpox reçoivent une autorisation d’urgence (il s’agit de l’approbation accélérée des produits médicaux par l’OMS). Cette décision permet une diffusion large des vaccins qui ne sont pas autorisés dans certains pays. Autrement dit, c’est l’OMS, elle-même, qui est chargée de l’homologation des produits médicaux, dont les vaccins, dans certains pays du sud… notamment la RDC. Or, l’OMS n’aurait pas encore donné son feu vert… c’est ce qui expliquerait qu’il n’y ait toujours pas de doses contre le Mpox en RDC. Cette épineuse question a d’ailleurs fait l’objet d’un article critique dans les colonnes du New York Times qui décrit une « situation quasi ubuesque ». Et le quotidien d’énoncer : la gravité de la situation sanitaire en RDC fait l’objet d’un consensus, et les fabricants de vaccins se disent prêts à entamer les livraisons. Pourtant, les précieuses doses semblent « coincées dans une procédure kafkaïenne au sein de l’OMS ». En attendant le déblocage, l’OMS exhorte donc les pays du Nord à faire don de vaccins jusqu’à ce que le processus interne à l’instance onusienne soit terminé en septembre. Reste que c’est long. Trop long !
Une lutte en manque de financements
L’OMS évalue à 135 millions de dollars les fonds requis pour financer la riposte internationale au Mpox au cours des six prochains mois. En gros, les moyens indispensables pour que l’épidémie actuelle ne deviennent pas le problème mondial que nous avons connu à l’été 2022. L’OMS a d’ailleurs lancé mardi 27 août un appel de 87,4 millions de dollars pour soutenir ses propres activités de lutte contre le virus. Elle a, par ailleurs, lancé une consultation auprès, notamment, des États membres et des partenaires, dont les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies – Africa CDC) pour préciser les besoins. L’OMS a débloqué, en attendant, environ 1,3 million d’euros de son fonds de réserve pour parer aux situations d'urgence. Il est indispensable qu’à la faveur de grands rendez-vous internationaux des avancées se produisent. Le groupe de travail sur la santé du G20, qui se réunira du 1er au 3 septembre, et le CDC Afrique élaborent actuellement un plan de réponse continental au Mpox. Dans son communiqué du 28 août, l’ONG ONE appelle les dirigeants-es du monde à garantir que la « coopération internationale soit au cœur de la réponse au Mpox ».