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    L'Actu vue par Remaides : « VIH, tuberculose, paludisme : derrière les chiffres, il y a des vies »

    • Actualité
    • 20.11.2025

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    12 novembre 2025, au petit matin, les militants-es de AIDES, The ONE Campaign, Action Santé Mondiale/Global Health Advocates, Coalition PLUS, Solidarité Sida, Global Citizen et Sidaction/Sidération manifestent sous les fenêtres du ministère de l’Économie et des Finances à Paris. Crédit : Bastien André.

     

    Par Jean-François Laforgerie

    VIH, tuberculose, paludisme : derrière les chiffres, il y a des vies

    À Bercy, sous les fenêtres du ministère de l’Économie et des Finances, plusieurs associations et ONG (dont AIDES, Coalition PLUS, Sidaction, Solidarité sida, etc.) ont organisé le 12 novembre dernier une « action spectaculaire » contre le détournement du budget de la santé mondiale (dont la lutte contre le VIH) par le gouvernement. Il s’agissait aussi de rappeler les enjeux de la nouvelle reconstitution des ressources du Fonds mondial pour la période 2026-2028.

    Tout un symbole
    À quelques jours de la huitième reconstitution des ressources du Fonds mondial (The Global Fund), prévue le 21 novembre, associations et ONG ont voulu alerter sur les conséquences tragiques du désengagement financier de la France et des grandes puissances dans la lutte contre les pandémies.
    « Ce mercredi [12 novembre], au petit matin, une projection géante du film « Derrière les chiffres, des vies » a illuminé la façade du ministère de l’Économie et des Finances à Paris, tandis que des militants-es associatifs-es manifestaient sous forme de die-in [une action au cours de laquelle les participants-es simulent la mort en s’allongeant au sol, ndlr] », raconte le communiqué de presse des associations et ONG qui ont organisé cette action emblématique : One, Action sociale mondial, Coalition PLUS, Solidarité sida, Global Citizen, Sidaction, Les Amis du Fonds mondial Europe et AIDES.
    Cette action a été décidée « parce que c’est à Bercy que se décident les budgets, les coupes, et la réaffectation des taxes solidaires [taxe sur les billets d’avion, par exemple, ndlr] » et que nous sommes en pleine discussion budgétaire au Parlement. Lors de cette manifestation, la société civile a choisi de rappeler une évidence : « Une ligne budgétaire en moins, ce sont des millions de morts en plus. » Les structures organisatrices voient même dans ce qui se passe actuellement une « menace pour la stabilité mondiale ».

    Une interpellation générale
    Cette manifestation visait principalement à demander à la France de « s'engager à maintenir sa contribution au Fonds mondial » contre les trois grandes pandémies, mais elle faisait écho à ce qui se passe depuis plusieurs semaines déjà dans le monde. Les associations et ONG anticipent la réunion des pays donateurs qui se tiendra donc le 21 novembre en Afrique du Sud. Elles craignent que le niveau d’engagement, pourtant crucial dans ce domaine, soit revu à la baisse dans la plupart des pays grands donateurs ; ces derniers suivant un mouvement de retrait largement engagé de la part des États-Unis. C’est l’évidence, le secteur de l’aide internationale est en pleine tourmente depuis le retour en janvier dernier de Donald Trump. Dans ce contexte, plusieurs pays dont l'Allemagne, le Danemark, l'Espagne, le Luxembourg, la Norvège, le Portugal, la Suisse, et l'Australie ont fait des promesses de don anticipées au Fonds mondial. Certaines ont été revues à la baisse par rapport aux engagements financiers antérieurs. C’est le cas de la contribution du Royaume-Uni.

    Une baisse emblématique de l’engagement britannique
    Le gouvernement britannique a, en effet, annoncé le 12 novembre une baisse de 15 % de sa contribution au Fonds mondial, ramenant son engagement à 850 millions de livres sterling (environ 1,14 milliard de dollars) pour la période 2026-2028. Cette décision intervient alors que Londres réoriente une partie de son budget d’aide au développement vers les dépenses militaires, sous la pression croissante des États-Unis pour renforcer la défense européenne, ont indiqué plusieurs médias britanniques. La décision passe d’autant plus mal que le Royaume-Uni est un donateur historique du Fonds mondial. Côté britannique, on met en avant le fait que ce montant, même revu à la baisse, « permettra tout de même de sauver jusqu’à 1,3 million de vies » et d’éviter près de 22 millions de nouvelles infections. Du côté de l’agence de presse Reuters, on a fait les comptes : la nouvelle promesse britannique représente une baisse de 15 % par rapport au milliard de livres versé pour la période 2023-2025 ; un montant déjà réduit d’un tiers par rapport au cycle précédent (2019-2021). De plus, comme cela semble être le cas en France, le gouvernement britannique a réduit son budget global d’aide au développement à 0,3 % du revenu national brut, contre 0,5 % auparavant. Un double mauvais signal dont les associations et ONG craignent qu’il ne touche aussi la France.

     

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    12 novembre 2025, au petit matin, les militants-es de AIDES, The ONE Campaign, Action Santé Mondiale/Global Health Advocates, Coalition PLUS, Solidarité Sida, Global Citizen et Sidaction/Sidération manifestent sous les fenêtres du ministère de l’Économie et des Finances à Paris. Crédit : Bastien André.

    Quid de la contribution de la France au Fonds mondial ?
    Avec la manifestation du 12 novembre, les associations et ONG ont surtout voulu « presser la France de garantir le financement du Fonds mondial ». Il s’agit de pallier le désengagement américain (c’est indispensable si on veut atteindre l’objectif de la fin de l’épidémie de sida en 2030), mais au vu du contexte budgétaire actuel, cela semble très difficile. Alors associations et ONG attendent que la France soit à la « hauteur des enjeux » et maintienne à minima, sa contribution actuelle au Fonds mondial ». Ce serait déjà un geste au regard des choix récents de certains pays grands donateurs. Une autre décision serait d’ailleurs un très mauvais signal. « La France doit être au rendez-vous », explique Khalil Elouardighi, directeur France de l'ONG One, rappelant l'« énorme succès », en 2019, de la 6e conférence de reconstitution des ressources du Fonds à Lyon, où 14 milliards de dollars avaient été récoltés « grâce à l'implication très forte du président Emmanuel Macron ». « Aujourd'hui, plus de 20 millions de personnes dépendent de leur traitement contre le VIH chaque jour. Si on n'a pas ces médicaments, on en meurt », rappelle Khalil Elouardighi, cité par l’AFP. Mais les craintes sont réelles que la France ne soit finalement pas au niveau espéré, voire pas au rendez-vous.

    La lutte contre le sida de plus en plus difficile
    La lutte contre le sida est difficile, rappelle Florence Giard, directrice générale adjointe de Coalition PLUS (dont AIDES est membre fondateur). Cette structure regroupe une centaine d'ONG de lutte contre le sida et les hépatites virales dans le monde. « Sur le terrain, des collègues nous disent que les tests de dépistage positifs repartent à la hausse. On voit que les associations sont obligées de licencier leur personnel et notamment des médecins. Probablement que les premiers signes de reprise de l'épidémie sont déjà là », a-t-elle expliquée, citée par RFI. Ce recul est d’autant moins compréhensible et acceptable que ces dernières années ont vu des avancées majeures. Et Florence Giard d’expliquer à RFI : « Il y a un dispositif qui s'appelle la Prep, la prophylaxie pré-exposition, qui permet de ne pas contracter le virus du sida. Elle va être disponible sous forme d'injection deux fois par an, voire à moyen terme, par comprimé, une fois par mois. Au moment où on a entre les mains les outils diversifiés qui permettraient de mettre fin à l'épidémie, on a un écroulement des financements internationaux qui va aboutir à ce que les personnes ne puissent pas en bénéficier. 

    Un « cri d’alarme »
    Le Fonds mondial espère récolter 18 milliards de dollars d'ici à 2027. C’est le même montant que lors de la précédente reconstitution des ressources du Fonds mondial. Un minimum, selon les associations et ONG, qui estiment que le double (environ 40 milliards de dollars) permettrait de « couvrir l’ensemble des besoins pour lutter contre le VIH, la tuberculose et le paludisme ». Avec cet objectif de collecte de 18 milliards de dollars, le Fonds mondial estime, selon ses calculs, que cela lui « permettrait de sauver 23 millions de vies et de réduire des deux tiers environ (64 %) le taux de mortalité combiné du sida, de la tuberculose et du paludisme d’ici 2029. Présent à la manifestation du 12 novembre, Emmanuel Bodoignet, vice-président de AIDES, a bien souligné que cette action était un « cri d’alarme » ; soulignant que « la France a une responsabilité énorme » car « les États-Unis ont déjà abandonné ».
    Pour connaître la position de AIDES qui demande une contribution française de 2 milliards d'euros au Fonds mondial.

     

    Les bons résultats du Fonds mondial

    Le Fonds mondial est un partenariat qui a fait ses preuves. Depuis sa création en 2002, il a permis de sauver 65 millions de vies et de faire baisser la mortalité des trois pandémies de plus de 60 %. Pour le VIH spécifiquement, le Fonds a réduit les nouvelles infections de 61 %, a placé 25 millions de personnes sous traitement en 2023 et cible particulièrement les groupes les plus vulnérables avec 13,1 millions de tests de dépistage pour la seule année 2023. Le Fonds mondial représente 28 % de tous les financements internationaux contre le VIH/sida. « Le financer avec force et ambition est déterminant pour limiter l’impact épidémiologique du VIH et façonnera les possibilités de fin de l’épidémie. »

     

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    12 novembre 2025, au petit matin, les militants-es de AIDES, The ONE Campaign, Action Santé Mondiale/Global Health Advocates, Coalition PLUS, Solidarité Sida, Global Citizen et Sidaction/Sidération manifestent sous les fenêtres du ministère de l’Économie et des Finances à Paris. Crédit : Bastien André.