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    L’Actu vue par Remaides : « VIH, cancer, sexualité : Daniel G. Garza brise tous les tabous »

    • Actualité
    • 07.05.2025

     

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    DR.

    Par Fred Lebreton

    VIH, cancer, sexualité : Daniel G. Garza brise tous les tabous

    Activiste, orateur, artiste de stand up, Daniel G. Garza n’a jamais craint de dire les choses telles qu’elles sont. En Une du nouveau numéro du magazine américain Poz, cet Américano-Mexicain se raconte sans tabou : de son enfance marquée par le rejet de son homosexualité à ses addictions et sa séropositivité, en passant par un cancer anal très éprouvant. À travers son humour cash, il milite pour une santé sexuelle inclusive et incarnée.

    Séropositif, gay et latino
    À 54 ans, Daniel G. Garza parle de sa vie comme d’un récit qu’il offre sans retenue. Diagnostiqué séropositif au VIH en 2000, cet orateur et militant de Laguna Beach en Californie livre son témoignage sans détour à des milliers de jeunes. Il y mêle les questions de sexualité, d’addiction, de spiritualité et d’identité, avec une franchise qui marque. « Voici mon histoire ― servez-vous de moi comme d’une carte », dit-il, conscient que son vécu peut devenir une boussole pour celles et ceux qui se cherchent.

    Né à Monterrey, au Mexique, d’un père texan et d’une mère mexicaine, Daniel G. Garza grandit à Dallas, dans un environnement imprégné de valeurs conservatrices. Très jeune, il est confronté à l’homophobie, au harcèlement et aux abus sexuels. Son homosexualité devient une fracture intérieure. Il décrit ce tiraillement identitaire avec une image saisissante : « Je me sentais comme un verre de Coca dans lequel on a jeté un Mentos : j’étais sur le point d’exploser ! » Entre culpabilité religieuse et pression culturelle, le jeune Daniel apprend à se dissimuler. Outé à 17 ans, il reçoit un soutien inattendu de ses parents, mais doit affronter le rejet initial de ses sœurs.

    Sa vie d’adulte bascule dans les addictions : drogues, alcool, sexe. Il connait les risques du VIH, mais les oublie sous l’effet des substances. Ce n’est qu’à la suite d’une hospitalisation d’urgence qu’il apprend sa séropositivité, avec un taux de CD4 à peine supérieur à 100/mm3. Un prêtre est appelé pour lui administrer les derniers sacrements, mais Daniel refuse : il veut se battre. Son parcours de reconstruction commence par un engagement militant. Dans un Texas encore marqué par le silence autour du VIH, il devient bénévole, prépare des kits de prévention et milite pour la traduction des supports en espagnol. Il comprend l’importance d’éduquer les femmes latinas, piliers familiaux, pour faire évoluer les mentalités. Mais l’activisme ne suffit pas à le sauver de ses addictions : en 2007, il entre en cure de désintoxication. Ce tournant est fondateur. Daniel s’en sort. Il s’installe en Californie, trouve l’amour, entame une nouvelle vie. Pourtant, son rapport au VIH reste central. Il en parle non comme d’une malédiction mais comme d’un prisme révélateur. Sa vision de la santé sexuelle est holistique : physique, mentale et spirituelle. Et c’est cette triple dimension qu’il partage dans les écoles, avec un humour cinglant et une tendresse désarmante. « Ce n’est pas juste une question de savoir où tu mets ton pénis », lance-t-il d’un ton provocateur.

    Le cancer anal : une seconde traversée du désert
    En 2014, la santé de Daniel G. Garza se détériore à nouveau. Il souffre de troubles digestifs persistants. D’abord diagnostiqué, à tort, d’une hernie, il découvre finalement qu’il est atteint d’un cancer anal, une pathologie plus fréquente chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, surtout s’ils vivent avec le VIH. Ce cancer, bien que détectable par des frottis anaux et tests HPV, reste peu dépisté. « En 14 ans de conférences sur la santé sexuelle et le VIH, aucun professionnel de santé ne m’avait parlé de prévention du cancer anal », déplore-t-il. Son traitement est lourd : deux chimiothérapies, 38 séances de radiothérapie, et des séquelles irréversibles. Son anus et son rectum sont détruits. Une poche externe permanente devient indispensable. Fidèle à son humour, il baptise sa poche « Tommy ». « Je ne pense pas que je m’y habituerai totalement, mais je l’aime parce qu’elle m’a sauvé la vie. » Pourtant, derrière l’humour, il y a une réalité crue : celle d’un corps transformé, d’une sexualité bouleversée, d’une intimité à reconstruire.

    L’après-cancer est un terrain miné. Daniel parle sans filtre des défis émotionnels. Lui qui a longtemps trouvé force et fierté dans sa sexualité confie : « Si tu ne te perçois plus comme un être sexuel, tu ne peux pas inviter quelqu’un d’autre à le faire non plus. » Il remercie le soutien indéfectible de son compagnon, mais insiste : le vécu des aidants est trop souvent passé sous silence. En assumant son corps transformé, il apprend aussi à accepter une nouvelle forme de désir, de proximité, de tendresse.

    Aujourd’hui, Daniel s’est vu confier un rôle stratégique chez Cheeky Charity, une organisation américaine à but non lucratif qui se consacre à la sensibilisation, la prévention et le soutien autour du cancer anal et colorectal, en particulier dans les communautés LGBT+. Daniel y dirige le plaidoyer sur le cancer anal, le VIH et l’hépatite C. Il sillonne les événements LGBT+ pour sensibiliser à la prévention et offrir un soutien concret aux malades et à leurs proches. Il continue d’utiliser sa voix pour briser les tabous et transmettre ce qu’il appelle ses « leçons de vie ». « Après tout ce que j’ai vécu, ma responsabilité est de transmettre », résume-t-il. Et malgré les cicatrices, il avance avec une seule boussole : vivre, pleinement, jusqu’à la dernière seconde.