L'Actu vue par Remaides : Traitements VIH à longue durée d’action : un appel pour un accès universel
- Actualité
- 27.12.2024
© DR/EATG
Par Fred Lebreton
Traitements VIH à longue durée d'action : un appel pour un accès universel
Lors de la 55e réunion de l'Onusida à Nairobi (Kenya), leaders-ses et experts-ses ont souligné l'urgence de démocratiser l'accès aux traitements VIH à longue durée d’action (long acting treatments, en anglais). Une innovation qui pourrait révolutionner la lutte contre le VIH, mais dont le coût et la disponibilité restent des défis majeurs. Explications.
Une avancée scientifiques majeure par des inégalités persistantes
Lors de la 55e réunion du Conseil de coordination des programmes de l'Onusida, qui s’est tenue à Nairobi (Kenya) le 10 décembre 2024, les leaders-ses mondiaux-les ont mis en lumière les récentes percées scientifiques dans la lutte contre le VIH, notamment l’arrivée des traitements à longue durée d’action que ce soit en préventif (Prep) ou en traitement pour les personnes vivant avec le VIH (Tasp). Ces traitements, qui permettent aux personnes vivant avec le VIH ou celles exposées au virus de prendre des médicaments seulement quelques fois par an, représentent une avancée considérable. Certains de ces médicaments nécessitent seulement deux injections annuelles ; un facteur clé pour améliorer l'observance au traitement et réduire les risques d'infection.
Les résultats des études présentées lors de cette session sont prometteurs. Par exemple, une étude réalisée sur des jeunes femmes africaines utilisant une Prep à longue durée d’action en deux injections par an n’a montré aucune nouvelle infection. Une autre étude a révélé que ces traitements étaient plus efficaces que les traitements oraux classiques en une prise quotidienne. Les progrès scientifiques sont indéniables, mais la question de l’accès à ces traitements reste centrale. Bien que ces traitements soient disponibles, leur coût élevé et leur distribution limitée dans les pays à revenus faible et intermédiaire constituent des obstacles majeurs à une adoption à grande échelle. Les chiffres restent alarmants : en 2023, 1,3 million de personnes ont contracté le VIH, et une personne meurt d’une maladie liée au sida toutes les minutes, malgré les avancées dans la prévention et le traitement.
Winnie Byanyima, directrice exécutive de l’Onusida, a insisté sur le fait que l’accessibilité universelle de ces nouveaux traitements est essentielle. « Nous pouvons inaugurer une nouvelle ère en liant innovation technologique et accès pour tous. Agissons ensemble avec audace pour réduire la courbe des nouvelles infections et accélérer la réponse au VIH », a-t-elle déclaré. Elle a également souligné les leçons douloureuses tirées du passé, en évoquant la lenteur de l’accès aux traitements antirétroviraux dans les années 1990 et 2000, malgré leur efficacité prouvée. « Nous avons l’opportunité de faire mieux cette fois-ci. Nous appelons à élargir les licences génériques pour rendre ces médicaments accessibles à tous », a ajouté Winnie Byanyima. L’objectif est d’éviter les erreurs passées et de garantir une distribution équitable à l’échelle mondiale.
Un appel global pour des solutions durables et accessibles à tous-tes
Les participants-es à la session ont unanimement souligné l’urgence d’accélérer l’accès à ces médicaments à action prolongée dans le monde entier. Ethel Maciel, secrétaire d’État à la Santé du Brésil, a reconnu les progrès technologiques, mais a mis en évidence l’énorme défi lié à leur coût. « Le Brésil a une longue tradition d’utilisation de la technologie dans la réponse au VIH. Nous sommes déterminés à rendre ces médicaments disponibles à toutes les personnes vivant avec le VIH ou à risque de l’être », a-t-elle déclaré. Toutefois, elle a aussi précisé que la question du coût reste un obstacle majeur. Dans le même esprit, la Dre Cissy Kityo, directrice exécutive du Joint Clinical Research Centre, en Ouganda, a mis en avant l’efficacité et la pertinence de ces traitements : « Les preuves sont claires : ces médicaments seront révolutionnaires pour la prévention et le traitement. Mais il faut agir pour les rendre accessibles rapidement. »
La Dre Cissy Kityo a également souligné que les pays à revenu faible et intermédiaire, où la prévalence du VIH est plus élevée, pourraient bénéficier de ces médicaments à action prolongée, mais encore faut-il résoudre la question de leur coût et de leur disponibilité. De son côté, Javier Padilla Bernáldez, secrétaire d’État à la Santé espagnol, a rappelé les combats du début des années 2000 pour un accès universel aux médicaments antirétroviraux et a insisté sur le fait que ces erreurs ne devaient pas être répétées. « Nous devons garantir que cette innovation ne soit pas réservée aux pays riches, mais qu’elle soit accessible à tous, y compris les pays à revenu intermédiaire », a-t-il déclaré. Selon lui, l’égalité d’accès aux médicaments à action prolongée doit être une priorité mondiale.
L’industrie pharmaceutique a également un rôle crucial à jouer pour rendre ces médicaments accessibles à grande échelle. La Dre Sylvia Vito, responsable Afrique d’EVA Pharma, une société basée en Égypte, a affirmé que son entreprise était prête à relever ce défi. « Nous ne resterons pas dans le confort. Nous voulons développer, produire et mettre sur le marché des versions génériques de ces traitements à longue durée d’action qui soient non seulement de haute qualité, mais aussi abordables et accessibles », a-t-elle souligné. EVA Pharma, autorisée à produire une version générique du lénacapavir, une des molécules à longue durée d’action, a pour objectif de rendre ces traitements disponibles dans les pays en développement, où les besoins médicaux sont particulièrement urgents.
Ainsi, pour que les traitements à longue durée d’action deviennent un levier efficace dans la lutte contre le VIH, une coopération internationale forte est nécessaire. Les gouvernements, les chercheurs-ses, les fabricants de médicaments et les organisations de la société civile doivent travailler ensemble pour garantir que cette avancée scientifique bénéficie à tous-tes. Seule une action collective et concertée permettra de surmonter les obstacles financiers et logistiques et de transformer cette innovation en une solution accessible, durable et véritablement mondiale.