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    L’Actu vue par Remaides : « Tous-tes soignés-es à la même enseigne ? Pas vraiment, selon la Défenseure des droits »

    • Actualité
    • 20.05.2025

     

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    DR.

    Par Jean-François Laforgerie

    Tous et toutes soignés-es à la même enseigne ?
    Pas vraiment, selon la Défenseure des droits

    Les discriminations dans les parcours de soins peinent à être identifiées, reconnues et sanctionnées. C’est la raison pour laquelle la Défenseure des droits (DDD) a rendu public (6 mai) un rapport intitulé Prévenir les discriminations dans les parcours de soins : un enjeu d’égalité. Explications.

    Un phénomène bien réel, mais peu documenté
    De nombreux-ses patients-es rapportent avoir été victimes de préjugés et de stéréotypes qui conduisent à des comportements discriminatoires émanant de professionnels-les de santé et d’établissements de soins. Ces discriminations sont susceptibles d’intervenir à chaque étape du parcours de soins : lors de l’accès à un service d’urgence, lors de la prise de rendez-vous ― dans un cabinet, un centre de santé ou au sein d’un hôpital ou d’une clinique ―, au cours de la consultation, du retrait d’un traitement ou encore dans le cadre d’actes de prévention. C’est ce que constate le rapport détaillé et conséquent (plus de 60 pages) des services de la DDD.

    Un large éventail de situations de discrimination
    Pour décrire au mieux ce qui se passe et ce qui est en jeu, le rapport de la DDD s’est appuyé sur les réclamations qui lui ont été adressées, la jurisprudence existante, des contributions adressées par des acteurs-rices associatifs-ves et par plus de 1 500 témoignages. Il « apporte un éclairage nouveau sur la grande variété des critères et des situations de discrimination ». Le handicap, le sexe, l’état de santé, l’apparence physique, l’origine, la particulière vulnérabilité résultant de la situation économique, l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou encore la religion des patients-es ne sauraient pourtant être mobilisés-es pour fonder un traitement inégalitaire. Or, manifestement, c’est l’inverse qui se produit dans un certain nombre de situations.
    Les témoignages reçus mettent en évidence différentes modalités d’expression de ces discriminations : refus de soins explicites, délais d’attente supplémentaire ou proposition de créneaux horaires spécifiques (le fameux créneau du soir pour les personnes vivant avec le VIH chez certains-es dentistes), réorientation abusive, inaccessibilité physique des lieux de soins pour les personnes en situation de handicap, consultation écourtée, propos stigmatisants (le biais raciste que constitue clairement le prétendu « syndrome méditerranéen »), minimisation des symptômes, orientation vers des soins différents, etc.
    D’ailleurs expliquent les services de la DDD : « Certaines études et travaux de recherches montrent que l’ampleur de ces discriminations dépasse largement le nombre de plaintes et de réclamations reçues par la Défenseure des droits, les ordres professionnels et l’assurance maladie. Au regard de leur banalisation et des inégalités de traitement qu’elles engendrent, ces discriminations révèlent un problème systémique. »

    Des conséquences lourdes sur la santé des personnes
    Les difficultés d’accès aux soins résultant de tensions dans le système de santé sont déjà saillantes, de nombreux-ses patients-ses sont confrontés-es à un obstacle supplémentaire lorsqu’ils-elles sont victimes d’une discrimination. Et la DDD d’expliquer : « Ces discriminations ont des effets délétères sur la bonne réalisation du parcours de soins ainsi que sur la santé physique et mentale des patients-es concernés-es. Elles peuvent entraîner des reports ou des renoncements aux soins avec pour conséquences un retard dans la prise en charge et une perte de chance, voire une dégradation durable de l’état de santé. » Dans les services d’urgence, l’autorité indépendante décrit « une sous-évaluation » de la douleur et « de la gravité des symptômes exprimés par les femmes, notamment lorsqu’elles sont jeunes, d’origine étrangère ou perçues comme telles ». « Selon les cas, la douleur de la patiente est soit minimisée, soit remise en cause et renvoyée à une supposée anxiété ou à une souffrance psychologique dissimulée », dénonce-t-elle.
    « Le "syndrome méditerranéen", préjugé raciste sans fondement médical selon lequel les personnes d’origine nord-africaine ou noires exagèrent leurs symptômes ou douleurs », a quant à lui « pour effet une minimisation des souffrances exprimées » par ces patients-es « et/ou un refus de prise en charge, aux conséquences parfois fatales ». Autres victimes de ces discriminations, les personnes vulnérables économiquement, comme les personnes vivant à la rue ou consommateurs de drogues qui en « raison de leur apparence physique, de leur odeur corporelle ou au motif de l’alcoolisation » peuvent se voir refuser l’accès aux urgences.

    Des patients-es sous informés-es
    Au-delà de l’accès aux soins, la Défenseure des droits s’inquiète « d’atteintes fréquentes » au droit du-de la patient-e à recevoir les informations utiles pour faire un choix éclairé et pouvoir donner son consentement. C’est le cas en particulier des femmes lors de leur suivi gynécologique avec des examens (frottis, échographie endovaginale, pose de stérilet) « réalisés sans information préalable et sans que leur consentement soit recherché ». Mais l’institution dit également avoir été alertée au sujet d’« actes de soins non consentis sur des personnes présentant un handicap psychique », comme l’administration contrainte d’une injection à un patient pourtant pris en charge sous le régime de la libre hospitalisation, ou le recours à la force, à la contention ou à l’isolement de manière accrue et non justifiée.

    Du constat à l’action
    Avec la contribution du ministère de la Santé et de l’Accès aux soins, de l’Assurance maladie, des ordres des professions de santé réglementées et des principales fédérations d’établissements de santé, la Défenseure des droits a pu analyser les actions actuellement menées pour prévenir et lutter contre les discriminations. La DDD formule plusieurs recommandations, autour des axes suivants :
    - élaborer une stratégie nationale de prévention et de lutte contre les discriminations dans les soins, transversale à tous les critères de discrimination, avec notamment la création d’un Observatoire national des discriminations pour développer et valoriser la production scientifique sur les discriminations dans l’ensemble des domaines ;
    - prévenir les discriminations et garantir l’égalité dans les soins, notamment en mesurant les discriminations existantes et en développant la formation des professionnels-les de santé à la lutte contre les stéréotypes et la prévention des discriminations en matière d’accueil et de soins ;
    - faciliter les recours des patients-es en facilitant le dépôt de plainte devant les ordres professionnels et l’Assurance maladie et appliquer des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives envers les professionnels en cas de refus de soins discriminatoires ;
    - adapter le système de santé aux besoins des patients-es et notamment des lieux de soins pour permettre un accès aux personnes en situation de handicap et également de développer des dispositifs « d’aller vers » ;
    - diversifier les modalités de prise de rendez-vous et non pas uniquement par la voie dématérialisée.
     

    Un phénomène sous-estimé
    « Si les refus d’accès aux soins restent la forme la plus connue et manifeste, les discriminations peuvent survenir à toutes les étapes de la prise en charge et, de façon moins visible ou consciente, au sein de la relation soignant-soigné », estime l’autorité indépendante chargée de veiller au respect des droits en France. En 2022, 224 plaintes ont été déposées devant les ordres professionnels et l’Assurance maladie et 31 réclamations ont été envoyées à la Défenseure des droits, Claire Hédon, mais l’« ampleur des discriminations dépasse largement » ces chiffres, précise le rapport. En théorie, les professionnels-les de santé n’ont pas le droit de refuser un-e patient-e, sauf si la demande de soin ne correspond pas à leur domaine de compétence ou s’ils-elles ont un nombre trop élevé de patients-es ou si le-la patient-e en question a déjà été violent-e ou insultant-e à leur égard. Mais dans les faits et sur le terrain, cette règle fait l’objet de nombreuses entorses, que ce soit dans l’accès aux soins ou dans le parcours de soins, relève la Défenseure des droits.