L'actu vue par REMAIDES : "Six HSH migrants sur dix infectés par le VIH après leur arrivée en France"
- Actualité
- 03.05.2024
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Par Fred Lebreton
Six HSH migrants sur dix infectés par le VIH après leur arrivée en France
Dans un contexte politique français où l’extrême droite gagne du terrain chaque jour et où les droits des personnes étrangères sont plus que jamais menacés, une étude met en évidence le rôle de la précarité dans l’épidémie de VIH chez les hommes gays ou bisexuels migrants vivant en France. Une population qui représente une part croissante dans les nouveaux diagnostics VIH. Décryptage.
35 % des HSH attribuent leur départ à leur orientation sexuelle
Les HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) migrants sont aujourd’hui (avec les femmes migrantes d’origine subsaharienne) la population la plus exposée au VIH en France et aussi celle la plus éloignée des soins, du dépistage et de la Prep. C’est ce que mettent en évidence les résultats de l’étude GANYMEDE dont les résultats viennent d’être publiés.
Cette étude, financée par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes, se concentre sur l’acquisition du VIH et le parcours de vie des HSH nés à l’étranger et suivis en Île-de-France. Le Dr Romain Palich et ses co-auteurs-rices décrivent finement cette population et son parcours migratoire et portent notamment sur le moment de l’acquisition de l’infection (avant ou après la migration), sur les facteurs de risque d’infection, incluant les circonstances d’immigration, sur les obstacles à l’accès aux soins, dans le but de discuter les implications en matière de prévention et de santé publique.
Menée dans 14 hôpitaux d’Ile-de-France, l’étude a recruté les HSH cisgenres pris en charge pour une infection VIH. Un auto-questionnaire, en six langues, sur leur contexte de départ et d’arrivée en France, ainsi que sur leur vie sexuelle, a été proposé à ceux arrivés en France après l’âge de 15 ans et majeurs au jour de l’enquête. Parmi les 1 282 hommes approchés ,1 159 ont participé à l’enquête (soit 90,4 %). Ils avaient 43 ans en moyenne, et vivaient en France depuis 15 ans en moyenne. Les pays de naissance étaient par ordre d’importance l’Amérique du Sud, l’Europe, l’Afrique du Nord, l’Afrique Sub-saharienne et l’Asie-Océanie.
Plus de six migrants HSH sur dix infectés par le VIH ont contracté le VIH après leur arrivée en France (61,7 %) et le taux d’infection varie avec l’âge à l’arrivée :
- 89,7 % parmi ceux arrivés entre 15 et 20 ans ;
- 68,3 % parmi ceux arrivés entre 21 et 25 ans ;
- 32,6 % parmi ceux arrivés après 30 ans.
Les taux d’infection en France varient considérablement en fonction de la zone géographique d’origine ; ils sont le plus élevés parmi les participants originaires d’Afrique du Nord et les plus faibles chez les participants d’Amérique. Parmi les hommes infectés avant leur migration, 26 % étaient sans traitement lors de leur arrivée en France, soulignant les défis liés à l’accès aux soins pour cette population vulnérable, étant donné les conséquences délétères des ruptures thérapeutiques chez les PVVIH, en matière de santé individuelle et de risque de transmission du VIH à d’autres personnes.
13 % ont contracté le VIH au cours de leur première année en France
Les circonstances d’immigration étaient très diverses, avec 35 % des hommes attribuant leur départ à leur orientation sexuelle et plus de la moitié se sentant contraints de partir. De plus, la première année après l’arrivée en France était caractérisée par des difficultés financières pour six hommes sur dix, ce qui souligne les obstacles socio-économiques auxquels ils sont confrontés.
Le délai entre l’arrivée en France et l’acquisition du VIH était de 7,5 ans. Près de 13 % des participants ont contracté le VIH au cours de leur première année en France, et cette proportion était plus élevée au cours de la première année qu’au cours des deuxième et troisième années cumulées. Les facteurs associés à l’infection par le VIH dans la première année en France comprennent l’âge, le sentiment de contrainte à émigrer, l’origine d’un pays d’Afrique subsaharienne ou d’Asie-Océanie, ainsi que les difficultés socio-économiques. Le nombre élevé de partenaires l’année de l’arrivée est aussi associée à cette acquisition précoce de l’infection VIH.
Les résultats de cette étude mettent en évidence un besoin élevé en termes de prévention ciblée du VIH et de soutien social chez les hommes gays et bisexuels nés à l’étranger et vivant en France.
La publication de cette étude a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. : « À rebours des discours xénophobes, une étude qui objective le rôle de la précarité dans la contamination des personnes migrantes par le VIH » a tweeté Théo Sabade, docteur en science politique et attaché temporaire d'enseignement et de recherche à Sciences Po Lyon - Institut d'études politiques. De son côté, Fabrice Pilorgé, directeur du plaidoyer à AIDES, s’est adressé directement à la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités dans un tweet : « Madame la Ministre, @CaVautrin, Monsieur le Ministre, délégué @fredvalletoux : Pour éviter les condamnations des HSH migrants primo arrivant, Donner leurs accès à la prévention, Ne restreignez pas les conditions d'accès à l'aide médicale d'État #AME ». Quand les sciences sociales servent à nourrir le plaidoyer des associations de défense des usagers-ères de santé.
Pour en savoir plus sur les HSH des diasporas vivant en France.
L’ANRS | Maladies infectieuses émergentes précise les limites de cette étude : « La surveillance épidémiologique est limitée dans cette étude au pays de naissance qui est une information d’état-civil et n’étudie pas quantitativement les descendants d’immigrés et plus largement les diasporas installées de longue date. Pour en savoir plus, il est possible de se référer aux travaux de Damien Trawalé sur Être Noir et homosexuel en France ou ceux de Cyriac Bouchet Mayer sur les inégalités sociales dans le parcours migratoire ». Par ailleurs, l’Agence de recherche rappelle que des résultats complémentaires devraient également être disponibles dans les prochaines années grâce aux enquêtes Santé, vie affective et sexuelle et Vespa 3 qui documentent avec l’accord de la CNIL, le pays de naissance des individus et de leurs parents et la communauté ethnique d’appartenance.