L’Actu vue par Remaides : « SFLS 2024 : Santé sexuelle et vieillissement, lever les tabous et repenser les modèles d’accompagnement »
- Actualité
- 25.11.2024
Une manifestation d'activistes des associations de lutte
contre le sida au congrès de la SFLS à Biarritz
(© Fabrice Pilorgé)
Par Fred Lebreton, Amandine Barray, Thierry Tran, Adrien Cornec et Lucas Vallet
SFLS 2024 : santé sexuelle et vieillissement, lever les tabous et repenser les modèles d'accompagnement
Pour sa 25e édition, le congrès annuel de la Société française de lutte contre le sida (SFLS) a choisi de poser ses valises dans la ville de Biarritz dans le sud-ouest de la France. Le thème de cette année ? « Bien vieillir avec le VIH. Bien vivre sa santé sexuelle ». La rédaction de Remaides était sur place ; elle revient sur les moments forts du congrès en trois articles. Deuxième épisode sur la journée du jeudi 21 novembre 2024.
La sexualité des seniors-es : briser les tabous pour une vieillesse épanouie
Lors de son intervention en ce second jour du congrès de la SFLS, Patrick Papazian, médecin sexologue hospitalier (Hôpitaux Bichat et Pitié-Salpêtrière, Paris) a abordé un sujet encore trop souvent tabou : la sexualité des seniors-es. S’appuyant sur des données récentes et des références culturelles, il a défendu une vision inclusive et épanouie de la vie affective et sexuelle des personnes âgées, tout en pointant les nombreux freins sociétaux, culturels et professionnels qui entravent cette réalité.
Citée en introduction, une phrase de Simone de Beauvoir illustre l’âgisme persistant : « À l'égard des personnes âgées, la société est non seulement coupable, mais criminelle. » Pour le sexologue, ce constat reste d'actualité : les corps vieillissants sont encore perçus comme indésirables, et la sexualité des seniors-es demeure un sujet marginalisé. Pourtant, des œuvres culturelles comme la série Grace and Frankie commencent à lever le voile sur cette thématique, montrant qu’il est possible de repenser les relations intimes à tout âge. Patrick Papazian pointe également du doigt les soignants-es, souvent peu formés-es ou gênés-es pour aborder cette question avec leurs patients-es. Selon lui, l'absence de dialogue proactif autour de la sexualité dans les cabinets médicaux alimente ce tabou. Pourtant, des enquêtes récentes montrent que près de la moitié des seniors-es de plus de 60 ans ont toujours des relations intimes et qu’une grande majorité s’en déclarent satisfaits.
A gauche, le Dr Patrick Papazian, médecin sexologue hospitalier, lors de sa présentation sur Repenser la sexualité des seniors-es
(© Fred Lebreton)
Repenser la sexualité des seniors-es : communication, éducation et valorisation
Pour avancer, Patrick Papazian propose trois axes majeurs :
- communiquer : en parler ouvertement dans les sphères publiques et privées, mais aussi diffuser les chiffres qui montrent que la sexualité reste importante pour beaucoup de seniors-es ;
- éduquer : reconnaître les spécificités des corps vieillissants et sensibiliser les seniors-es comme les soignants-es à ces transformations naturelles ;
- valoriser : mettre en avant une sexualité ludique, créative et libérée des pressions sociales qui touchent davantage les générations plus jeunes.
Le sexologue évoque également les bénéfices psychologiques et physiques liés à une vie sexuelle active, tout en rappelant que l'absence de sexualité peut aussi être pleinement épanouissante. Enfin, Patrick Papazian insiste sur les besoins spécifiques de certains groupes, comme les personnes vivant avec le VIH ou celles issues de minorités sexuelles. Il appelle à une meilleure prise en charge dans les structures comme les Ehpad, où la vie intime des résidents-es est souvent négligée, voire entravée.
Pour conclure, l’expert en santé sexuelle cite des initiatives inspirantes, comme des maisons de retraite en Belgique offrant à leurs résidents-es un « panier de plaisir » (comprendre des sex toys, mais aussi du lubrifiant !) pour encourager l’épanouissement intime. Il invite chacun-e à déconstruire les préjugés, rappelant que si les seniors-es sont prêts-es à vivre pleinement leur vie affective et sexuelle, c’est à la société de les y accompagner. Un plaidoyer fort et nécessaire pour briser les barrières autour de la sexualité des seniors-es et leur permettre de vieillir dans la dignité et le plaisir.
Sexualité et santé ; le modèle innovant des Cssac en voie de généralisation
Lors d’une intervention, Hervé Richaud, directeur Animation réseau à AIDES, a présenté un bilan des centres de santé sexuelle à approche communautaire (Cssac), dispositifs expérimentaux lancés en France en 2019 dans le cadre de la feuille de route de la Stratégie nationale de santé sexuelle (SNSS). Ces structures, portées par des associations telles que AIDES, le Groupe SOS et Virage Santé, s’inscrivent dans une dynamique novatrice inspirée du modèle anglo-saxon (la Dean Street Clinic à Londres, Royaume-Uni). Le dispositif Cssac est né d’un constat : les structures de dépistage classiques, comme les Cegidd, peinaient à atteindre les populations clés les plus exposées au VIH et aux IST, souvent marginalisées ou éloignées des soins. L’objectif des Cssac était double : réduire les délais entre dépistage et accès au traitement ou à la Prep, et renforcer l’inclusion par une approche communautaire.
Au pupitre, Hervé Richaud, directeur Animation réseau à AIDES lors de son intervention sur les centres de santé sexuelle d'approche communautaire (Cssac).
(© Fred Lebreton)
Hervé Richaud a rappelé que l’expérimentation, déployée à Montpellier, Lyon, Paris et Marseille, a permis de tester un modèle innovant, fondé sur des dépistages rapides, une prise en charge immédiate, des consultations en santé sexuelle, et des activités de médiation communautaire. Ces centres offrent également des services sociaux pour accompagner les personnes en situation de précarité ou sans droits ouverts, notamment les migrants. Évaluée par les Hospices Civils de Lyon, l’expérimentation a démontré son efficacité. Elle a permis de réduire drastiquement les délais d’accès aux soins, parfois dès le jour même du diagnostic. La satisfaction des usagers-ères et du personnel a dépassé les 80 %, preuve que l’approche bienveillante et non jugeante des Cssac répond à des attentes fortes. Parmi les points marquants, l’intégration des accompagnateurs-rices communautaires, considérés-es comme les « pivots » des Cssac, joue un rôle clé. Proches des usagers-ères, ces médiateurs-rices favorisent la confiance et l’expression libre, créant un environnement sécurisant pour les personnes souvent stigmatisées. Les ateliers collectifs et groupes d’autosupport, tels que ceux des femmes trans brésiliennes ou des migrants-es LGBT+, ont aussi contribué à rompre l’isolement et à renforcer le pouvoir d’agir des participants-es. Cette dynamique collective favorise également l’engagement communautaire : plusieurs usagers-ères des Cssac sont devenus bénévoles ou salariés au sein des associations porteuses.
Malgré ces succès, des améliorations restent nécessaires. L’intégration des personnes sans droits ouverts demeure un défi crucial, notamment pour les personnes migrantes, souvent exclues des dispositifs classiques. De plus, les accompagnateurs-rices communautaires appellent à une meilleure reconnaissance de leur rôle, à travers un statut clair et valorisant. Avec la fin de la phase expérimentale, l’enjeu est désormais de pérenniser et d’étendre ce modèle. Prévue pour entrer dans le droit commun en mars 2025, la généralisation des Cssac nécessitera des financements adaptés et une volonté politique forte. Hervé Richaud a conclu en soulignant l’urgence de déployer ces centres dans les zones les plus touchées par l’épidémie, afin d’atteindre l’objectif d’éradication du VIH d’ici 2030. Ce modèle innovant, reconnu comme l’un des plus performants au niveau mondial, offre une nouvelle voie pour la santé sexuelle et la lutte contre les épidémies. Il reste à espérer que les leçons de cette expérimentation serviront à transformer durablement l’accès aux soins en France.
Act Up Sud-Ouest dénonce les politiques de santé publique qui fragilisent les personnes vivant avec le VIH
Des militants-es d'Act Up Sud-Ouest dénoncent les politiques de santé publique actuelles à la tribune du congrès de la SFLS
(© Fred Lebreton)
En ce deuxième jour de congrès, plusieurs militants-es d’Act Up Sud-Ouest ont investi la scène munis-es de pancartes : « PVVIH de plus de 50 ans : Barnier nous préfère morts » ou encore « La Sécurité sociale nous protège, Macron la détruit ». Les militants-es dénonçaient la casse des services publics ainsi que les atteintes à l’accès aux soins et aux droits, notamment pour les personnes étrangères vivant en France.
Nous avons rencontré un militant présent sur scène à la sortie de l’auditorium. Sébastien Plachcinski, salarié et militant d’Act Up Sud-Ouest depuis quatre ans, coordonne les actions de prévention et de réduction des risques en milieu festif. Il explique pourquoi Act Up Sud-Ouest prend position contre les politiques gouvernementales actuelles, qu’il qualifie de « scandaleuses ». Sébastien Plachcinski évoque les coupes budgétaires et les réformes en cours, qu’il estime particulièrement néfastes pour les personnes vivant avec le VIH et les populations vulnérables, telles que les personnes exilées. Il redoute, sous un Premier ministre de droite, un durcissement des mesures, notamment la remise en cause de l’aide médicale d’État et des dispositifs de longue maladie. Selon lui, ces politiques, dans la lignée du gouvernement actuel, mettent en péril les acquis sociaux et sanitaires. Face à ces menaces, Act Up Sud-Ouest a publié un communiqué de presse axé sur le thème « Bien vieillir avec le VIH ». L’objectif : sensibiliser le grand public et mobiliser soignants, soignés et associations pour dénoncer ces atteintes aux droits fondamentaux. Le communiqué est à retrouver sur la page Instagram de l’association.
Accès aux traitements ARV : entre pénuries et obstacles réglementaires, une urgence persistante
Quand on parle d’accès aux traitements antirétroviraux (ARV), on pense d’abord aux difficultés rencontrées dans les pays à faible revenu. Cette problématique se pose également en France, bien que différemment. La session « Bien vieillir avec les médicaments » a été modérée par Julie Langlois (SFLS) et Julia Charbonnier (Actions Traitements) et s’est ouverte sur une mise en contexte de Didier Chedorge, pharmacien d’officine à Lyon. À travers son expérience et les témoignages de PVVIH qu’il a reçus en entretien, il dépeint la relation de ces personnes avec les médicaments. Selon la précocité de la mise sous traitement et leur parcours de vie, ces personnes peuvent être davantage exposées aux comorbidités associées au VIH. Cela peut signifier la prise de plusieurs traitements ciblant différentes pathologies, ce qui accentue le risque d’effets secondaires indésirables, d’interactions médicamenteuses et complique l’observance des traitements.
Conséquence moins évidente mais néanmoins critique de la polymédication : ces personnes sont également plus largement exposées aux pénuries de médicaments. En effet, 44 % de la population française, au minimum, y serait exposée, selon Yann Mazens de France Assos Santé. Cette problématique a été soulevée dès 2010 par le collectif inter-associatif de lutte contre le VIH et les hépatites virales TRT-5 CHV (alors appelé TRT-5). Elle reste malheureusement d’actualité malgré un plaidoyer constant mené par le collectif. Les pénuries de médicaments ont été causées par différents acteurs selon les périodes. D’abord imputables aux grossistes-répartiteurs (qui achètent les médicaments aux fabricants pour les stocker et les revendre aux officines), la responsabilité s’est déplacée vers les fabricants eux-mêmes à partir de 2016. Les données disponibles pointent des stratégies commerciales défavorables à la production et à la distribution des traitements les plus anciens.
En 2020, un renforcement de l’Agence européenne du médicament a été mis en place. En 2023, des listes nationales de médicaments essentiels et critiques ont été élaborées. En résumé, les causes des pénuries sont multiples, mais il existe des responsabilités sectorielles. Malgré les améliorations réglementaires, il demeure crucial de continuer à militer pour le respect de la loi, l’augmentation des stocks de sécurité et la production publique ou à intérêt non lucratif. Bien sûr, les pénuries concernent aussi les ARV, dont l’accès peut être compliqué par l’absence de dispensation trimestrielle pour la majorité des traitements, à l’exception du Biktarvy et du Dovato. Laure-Anne Arnoux (CHRU Nancy) rappelle que, par défaut, les traitements sont distribués pour couvrir une durée d’un mois, sauf exception (articles R 5132-12 et R 5123-2 du Code de la santé publique), parmi lesquels figurent les contraceptifs oraux ou les traitements contre le diabète.
En cas de séjour à l’étranger d’une durée de un à six mois, une dérogation est possible. En pratique, cela exige au moins un mois d’anticipation, avec de fortes inégalités territoriales dans la chaîne des validations entre le médecin, le pharmacien et l’Assurance maladie. Un outil sous forme de checklist a été développé par le CHRU de Nancy pour naviguer dans cette procédure. Un plaidoyer impliquant la SFLS et le TRT-5 CHV, représentés par Lucas Vallet (AIDES) et Hughes Fischer (Act-Up Paris), est en cours afin de généraliser la dispensation trimestrielle des ARV, que ce soit en traitement ou en Prep. Ce plaidoyer s’appuie sur plusieurs enquêtes démontrant un intérêt largement partagé par les PVVIH (85,6 %), les usagers-ères de Prep (79,5 %), les médecins (99,6 %) et les pharmaciens-nes (86,4 %). Une autre étude estime qu’entre 63,9 et 459,2 millions d’euros d’économies pourraient être réalisées entre 2020 et 2025. Malgré cela, la réglementation tarde à évoluer en raison d’une inertie administrative extrême. Les pouvoirs publics, invoquant une hypothétique problématique de faisabilité par les laboratoires, ignorent les attentes et les besoins des personnes concernées, dont la qualité de vie reste suspendue à ces médicaments. Chaque mois, de quoi attraper des cheveux blancs.
Cancer et VIH : le témoignage poignant d'un parcours de soins semé d'obstacles
Sylvie nous a présentés, lors de cette session, le témoignage de son parcours de soins, que l’on pourrait qualifier de complexe. Elle était accompagnée de Guylène Madeline, membre du GAPS (Bordeaux). Pendant plus d’une heure, elle a partagé avec émotion son histoire, marquée par la découverte d’une nouvelle maladie, après plusieurs décennies de vie avec le VIH. Aujourd’hui âgée de 61 ans et vivant avec le VIH depuis plus de 35 ans, Sylvie a raconté les étapes et les difficultés qu’elle a rencontrées pour se faire soigner d’un cancer diagnostiqué en juin 2023, bien que les premiers symptômes soient apparus dès le début de l’année. Ce fut un combat de 18 mois parsemé d’obstacles pour accéder à des soins qui, normalement, devraient être bien plus simples à obtenir. Malgré tout, Sylvie a pu s’appuyer sur plusieurs ressources : sa propre expérience de patiente, le soutien de son entourage, et l’aide de spécialistes engagés (un infectiologue facilitant les prises de rendez-vous, un proctologue accélérant l’accès à des examens d’imagerie, etc.). Elle a également bénéficié de l’accompagnement de deux associations spécialisées dans le soutien global aux patients, le GAPS et Les Petits Bonheurs, qui interviennent dans des domaines complémentaires (médiation en santé, lutte contre l’isolement, accompagnement social, etc.). Son parcours de soins a impliqué plusieurs sites : hôpitaux, clinique privée, médecine de ville (médecin généraliste et proctologue). Sylvie a toutefois rencontré de nombreux obstacles : retards dans les rendez-vous d’imagerie : au sein du CHU, un défaut de circulation de l’information a entraîné un délai de deux mois pour un rendez-vous urgent ; longs délais pour les consultations spécialisées : jusqu’à trois mois d’attente ; des problèmes liés aux transports : des complications avec les véhicules sanitaires légers (VSL) pour des rendez-vous situés à plus de 50 km de son domicile et une absence d’accompagnement social : aucun soutien spécifique n’a été proposé par l’hôpital.
Sylvie a également évoqué des défis majeurs comme l’isolement, l’accès limité aux soins non médicamenteux, la fracture numérique, et les difficultés à naviguer dans un système de santé morcelé. Cela a soulevé des interrogations importantes : Comment coordonner efficacement ce type de parcours ? Qui doit assumer la coordination : le-la médecin généraliste ou le-la spécialiste VIH ? Quelles structures assureront cet accompagnement global à Bordeaux en 2025, après l’arrêt des activités des associations GAPS et Les Petits Bonheurs ?
Quelques pistes de réflexion ont émergé des échanges avec le public :
- anticiper pour mieux accompagner les personnes vivant avec le VIH (PVVIH) dans leurs parcours de soins et de vie ;
- renforcer la communication entre les structures, notamment entre la médecine de ville et l’hôpital ;
- adapter les modèles de parcours en fonction des réalités locales, souligner l’importance du rôle de médiateur : essentiel pour organiser les rendez-vous et lutter contre la fracture numérique ;
- explorer des solutions alternatives comme les CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé), les téléconsultations, les appels téléphoniques, et la télé-expertise pour pallier les problèmes de transport ;
- militer pour un meilleur financement de la santé et des soins afin d’améliorer ces parcours et développer l’éducation thérapeutique du-de la patient-e (ETP), recourir aux soins médicaux et de réadaptation (SMR).
VIH en Outre-mer : défis, inititiatives et solutions locales pour améliorer les parcours de soins
Cette session a permis de mettre en lumière les défis et initiatives majeures en matière de VIH dans les DROM (Départements et régions d'outre-mer), tout en soulignant les besoins d’adaptation aux spécificités locales.
Focus sur les personnes âgées vivant avec le VIH en Outre-mer (Isabelle Lamaury et Aude Lucarelli). En 2022, la Martinique est devenue la région la plus âgée de France, avec une population vivant avec le VIH (PVVIH) vieillissante dans les territoires antillais. La majorité des PVVIH ont plus de 60 ans à Saint-Martin (47 %), alors qu’à Mayotte, elles sont majoritairement âgées de moins de 50 ans. Les personnes nouvellement diagnostiquées après 60 ans entre 2019 et 2023 représentent une problématique croissante dans les DROM, seuls 9 % vivent en métropole. Cependant, les structures d’accueil adaptées, comme les Ehpad, restent rares, à l’image du seul établissement existant en Guadeloupe.
Parcours de soins des PVVIH nées à l'étranger, le cas de la Martinique
En Martinique, plus de la moitié des nouvelles découvertes de séropositivité concernent des personnes nées à l’étranger, principalement d’Haïti. Parmi elles, 42 % ont été infectées après leur arrivée en France. Ces personnes, souvent en situation précaire, représentent environ un quart des nouveaux cas, avec un mode de transmission principalement hétérosexuel (80 %). L’étude, présentée par Ornella Cabras, vise à estimer la proportion de PVVIH nées à l’étranger avec une charge virale indétectable à six mois de traitement, tout en explorant leur lieu de transmission, leurs caractéristiques sociales et médicales, les facteurs de risque et les comorbidités. Les parcours de soins et les réponses aux traitements sont comparables à ceux des PVVIH nées en France. Cependant, un point négatif notable est la transmission survenue en France chez une grande partie des personnes nées à l’étranger, potentiellement liée à des situations de sexe transactionnel (le sexe comme service : hébergement, nourriture, etc.). Pour améliorer la prévention, il est proposé de renforcer l’accès à la Prep, de promouvoir un dépistage répété et d’intégrer davantage de données issues des autres DROM.
Déploiement du dispositif VIHTest en Guadeloupe
Depuis fin 2021, le dispositif VIHTest a été déployé en Guadeloupe grâce à une collaboration entre l’ARS, le Corevih et les biologistes locaux. Des webinaires, des courriers aux professionnels-les de santé et des réunions de COPIL ont favorisé l’adhésion. En 2023, 5,3 % des tests réalisés provenaient de ce dispositif, avec une forte implication des biologistes dans le suivi des e-DO VIH. Toutefois, l’absence d’associations dans ce processus reste un point faible, ont souligné Vanessa Tressieres et Isabelle Lamaury.
"Les plaisirs de Parsou", un projet en Guyane
Face à des inégalités d’accès aux soins et un taux de pauvreté alarmant (une personne sur deux sous le seuil de pauvreté), un projet éducatif innovant, « Les plaisirs de Parsou », a été conçu pour les jeunes dès 15 ans (adaptable dès 13 ans), a présenté Joanna Zeludkiewicz. Ce projet vise à promouvoir des choix libres et éclairés en matière de vie affective et sexuelle, grâce à une boîte à outils ludique et inclusive abordant quatre thèmes : la connaissance de soi ; les IST ; la santé reproductive et la relation à l’autre. Il contient des planches pédagogiques sur la différenciation sexuelle, la variabilité anatomique des sexes ainsi que l’excitation féminine et le clitoris. Cet outil présente plusieurs points forts : inclusif, adapté, local, scientifiquement fiable, attractif, modulable, interactif et ludique.
Education à la Vras en néphrologie pédiatrique à la Réunion
À La Réunion, un programme éducatif sur la vie relationnelle, affective et sexuelle (Vras) accompagne les adolescents-es en transition vers la néphrologie adulte, a présenté Roland Rodet. Mis en place par le CHU Félix Guyon, il aborde des thématiques telles que le consentement, la séduction ou encore l’intimité, et combine ateliers interactifs et informations pratiques sur la prévention. L’objectif est de favoriser l’autonomie des jeunes tout en répondant à leurs problématiques spécifiques.
Vieillir avec le VIH : enjeux d'observance et nouvelles stratégies d'accompagnement
Bien vieillir avec le VIH, c’est aussi garantir une bonne observance. Selon certains, vieillir nous rendrait plus observants-es. Mais en fait, que signifie être observant-e ? Quels sont les enjeux ?
Le VIH n’échappe pas aux règles des autres pathologies chroniques et nécessite donc une prise de traitement efficace. En d’autres termes, l’observance, ou compliance au traitement, est essentielle pour garantir son efficacité et agir contre le virus. Mais comment favoriser cette observance ? Selon une étude de 2024, parmi les 140 000 PVVIH (en France), un quart prendrait seulement 80 % de leurs traitements ARV. Lors de son intervention, Jean-Jacques Parienti, biostatisticien au CHU de Caen, a souligné l’importance, lors des consultations, d’identifier les leviers permettant d’améliorer l’observance médicamenteuse. Plusieurs pistes sont envisageables : réduire le nombre de comprimés, proposer des traitements injectables, etc. Un rappel intéressant sur la charge virale a également été fait : bien qu’une personne puisse présenter une charge virale indétectable lors des analyses, une irrégularité dans les prises d’ARV pourrait entraîner des résistances futures. Il est donc crucial d’évaluer l’observance des PVVIH en consultation. Si celle-ci semble irrégulière, il est tout à fait pertinent de proposer des sessions d’ETP (éducation thérapeutique du-de la patient-e). Ces séances permettent d’identifier les causes d’une observance non optimale, de fixer des objectifs réalistes et atteignables pour l’améliorer. L’ETP ne se limite pas à l’observance : elle peut également aborder des problématiques telles que la prise de poids, l’allègement thérapeutique ou la transition vers des traitements injectables. Une participante du congrès a suggéré qu’après des années d’utilisation de ces dispositifs, il serait peut-être temps de changer leur nom pour « accompagnements thérapeutiques ». Un changement d’appellation qui, bien que mineur, serait moins infantilisant et plus adapté aux attentes des patients-es.
Vieillir avec le VIH : des défis spécifiques pour des populations marginalisées
À l’approche du vieillissement, les personnes vivant avec le VIH, déjà souvent marginalisées, doivent affronter des défis spécifiques, trop souvent ignorés. Parmi elles, les personnes migrantes, transgenres, usagères de drogues (UD), homosexuelles, en détention font face à des réalités où discriminations, précarité et isolement se combinent ; des problématiques accentuées par le vieillissement. Chacune de ces populations est confrontée à des défis spécifiques. Les personnes trans, comme le souligne Carole Ferroni du PASTT, subissent une méconnaissance généralisée de la part des professionnels-es de santé, notamment en ce qui concerne les interactions entre traitements VIH, traitements hormonaux et comorbidités liées au vieillissement. Pour les usagers-ères de drogues, « difficile de passer les 60 ans », explique la Dre Élisabeth Avril de l’association Gaia. Pour ceux et celles qui dépassent ce cap, très peu de services répondent à leurs besoins, en particulier face à des problèmes de santé somatique et mentale exacerbés par des vies souvent marquées par la rue et l’isolement. Francis Carrier, fondateur de Grey Pride, juge inacceptable que les personnes LGBTI+ soient contraintes de « revenir dans le placard à 70 ans ». Il dénonce leur invisibilisation dans les établissements pour personnes âgées. Les établissements pénitentiaires, quant à eux, sont peu adaptés à la perte d’autonomie liée au vieillissement. Bien que la loi permette la libération pour incompatibilité de l’état de santé avec la détention, les établissements extérieurs restent souvent réticents à accueillir ces personnes.
Face à ces enjeux, les associations jouent un rôle crucial, notamment dans la lutte contre l’isolement. Par exemple, l’association Ikambere soutient les femmes migrantes en organisant des activités collectives comme l’expression corporelle ou la couture. Tous-tes les intervenants-es s’accordent sur un besoin majeur : l’adaptation des politiques et des services pour garantir à toutes et tous une vieillesse digne et respectueuse. Les solutions passent par la sensibilisation et la formation des professionnels-les de santé pour mieux comprendre les besoins de ces populations, la mise en place de logements inclusifs et le développement de programmes communautaires d’entraide.