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    L’Actu vue par Remaides : « SFLS 2024 : vers une prévention et une prise en charge plus inclusives pour le VIH »

    • Actualité
    • 26.11.2024

     

    recos experts SFLS 2024

     

    La présentation des nouvelles recommandations pour la prise en charge des personnes vivant avec le VIH ; à gauche, le directeur de l'ANRS-MIE, le Pr Yazdan Yazdanpanah, au centre le Dr Pascal Pugliese (CNS) et à droite le Pr Pierre Delobel qui a coordonné
    la nouvelle édition du Rapport d'experts-es
    (© Fred Lebreton)

    Par Fred Lebreton et Thierry Tran
     

    SFLS 2024 : vers une prévention et une prise en charge
    plus inclusives pour le VIH

     

    Pour sa 25e édition, le congrès annuel de la Société française de lutte contre le sida (SFLS) a choisi de poser ses valises dans la ville de Biarritz dans le sud-ouest de la France. Le thème de cette année ? « Bien vieillir avec le VIH. Bien vivre sa santé sexuelle ». La rédaction de Remaides était sur place. Elle revient sur les moments forts du congrès en trois articles. Troisième épisode sur la journée du vendredi 22 novembre 2024.

    Comme chaque année, il fallait être motivé-e pour assister à la présentation des communications orales avec une sélection des meilleurs posters le vendredi à 8h15 du matin. C’est donc devant une salle à moitié vide (hélas) que ce sont succédé à un rythme effréné ces présentations très intéressantes dont voici les points forts à retenir : 

    Le VIH en France : une dynamique en évolution contrastée

    Le Dr Pascal Pugliese (président du Corevih PACA Est) a détaillé les tendances de l’épidémie de VIH en France, en s’appuyant sur les données de Nadis, le logiciel de référence pour la prise en charge des patients-es infectés-es par le VIH qui regroupe 34 centres spécialisés et suit plus de 52 000 personnes vivant avec le VIH. L’analyse couvre la période 2009-2023 et met en lumière des dynamiques variées selon les groupes de transmission. Entre 2015 et 2019, une diminution notable des nouveaux cas pris en charge a été observée, notamment chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) et les hétérosexuels-es nés-es en France. Toutefois, la période 2020-2023 montre des disparités : une baisse modérée pour certains groupes, mais une augmentation des cas parmi les hétérosexuels-le nés –es à l’étranger. Cette hausse est liée à la reprise des flux migratoires, mais aussi à une amélioration du dépistage et de la prise en charge précoces. Sur l’ensemble de la période étudiée, une baisse médiane de 51 % des nouveaux cas a été enregistrée, atteignant 60 % chez les HSH nés en France. Cependant, le Dr Pugliese souligne la stagnation de l’épidémie dans certains sous-groupes, comme les HSH éloignés de la sphère communautaire, souvent peu sensibilisés à la Prep et à la prévention combinée. Il appelle à intensifier les efforts pour une approche globale de santé sexuelle, en renforçant l’accès à la prévention pour les populations étrangères nouvellement arrivées et en élargissant l’usage de la Prep. Ces résultats rappellent l’importance d’une action ciblée pour répondre aux besoins spécifiques de chaque groupe face à l’épidémie.

    VIH en Ile-de-France : des flux "banlieue-Paris" révélateurs d'inégalités daccès aux soins"

    Région clé de l’épidémie de VIH en France et région à haute densité de population, l'Île-de-France regroupe 42 % des nouvelles découvertes de séropositivité dans le pays. Dans le cadre de l’étude COINCIDE, visant à cartographier précisément les nouveaux diagnostics à l’échelle des départements et, surtout, à des niveaux plus fins, un résultat frappant a émergé : bien que 57 % des prises en charge soient effectuées à Paris, seuls 37 % des personnes nouvellement diagnostiquées y résident. Cela suggère l’existence d’un flux de patients de la banlieue vers Paris. Présentée par Alejandro Rojas Chaves (IPLESP, équipe ERES), cette étude transversale, fondée sur les données du COREVIH Île-de-France et recueillies auprès de personnes majeures diagnostiquées entre 2014 et 2021 (soit 5 620 PVVIH vivant en banlieue), avait pour objectif d’identifier les facteurs associés à une prise en charge à Paris. Les résultats montrent que les PVVIH se déplaçant de la banlieue vers Paris sont plus souvent des HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes), résidant dans des territoires avec un meilleur accès au dépistage et ne vivant pas dans un logement précaire. Ces déplacements pour les soins seraient ainsi liés à des déplacements professionnels et à une recherche de confidentialité, notamment pour éviter de potentielles discriminations. À l’inverse, les populations hors de ce profil, ayant un accès plus limité au dépistage, sont davantage prises en charge en banlieue. Ces résultats offrent des perspectives de recherche intéressantes pour mieux comprendre les enjeux autour de ces flux et renforcent la nécessité de mener des actions d’« aller-vers » dans certaines zones géographiques de banlieue.

    Prévention du VIH : des inégalités d'accès et des lacunes dans les connaissances

    Faisant suite à une première étude, Opportunité 1, menée en 2010 et concluant à l’insuffisance du dépistage orienté, Anne-Sophie Petit (psychologue notamment chez Actions Traitements et au SPOT Beaumarchais de AIDES) a présenté les résultats de sa suite : Opportunité 2. Cette étude a été menée dans un contexte bien différent de celui de 2010, marqué par l’avènement de la prévention diversifiée (Prep, Tasp), l’amélioration des traitements ARV et un accès accru au dépistage (dépistage communautaire, autotests, VIHTEST). Dans le contexte actuel, l’étude s’est concentrée sur l’évaluation de la perception de l’exposition au VIH, du recours au dépistage et des outils de prévention chez les personnes nouvellement diagnostiquées. Une analyse des trajectoires a été réalisée à partir de 19 entretiens auprès de PVVIH diagnostiquées depuis moins de six mois et résidant en France, y compris dans les départements d’Outre-mer. La diversité des profils a été recherchée selon des critères tels que le genre, l’orientation sexuelle, la communauté d’appartenance et les pratiques. Ainsi, toutes les personnes interrogées avaient réalisé au moins un dépistage au cours de leur vie avant le diagnostic, et le non-recours au dépistage dépendait davantage d’événements de vie individuels que d’un manque effectif d’accès. Les participants-es disposaient globalement d’un socle de connaissances sur la sérologie VIH, l’usage du préservatif, le VIH lui-même et les traitements avant diagnostic. Cependant, les connaissances sur la Prep concernaient principalement les hommes, tandis qu’elle était largement méconnue chez les femmes. L’autotest et le TPE demeuraient également peu connus, de même que le Tasp avant le diagnostic. De manière surprenante, le Tasp était, par ailleurs, peu intégré dans la vie réelle après le diagnostic. Une certaine méfiance vis-à-vis de la fiabilité du préservatif a également été observée. Ces résultats rejoignent ceux de plusieurs enquêtes menées auprès de la population générale et semblent également révéler un manque de confiance vis-à-vis du fait scientifique, notamment concernant le Tasp et le préservatif. En conclusion, il est essentiel de lutter contre l’exclusion des femmes de la Prep et de la prévention en général, tout en prenant en compte les trajectoires de vie des personnes.

    VIH : une collaboration interprofessionnelle améliore la déclaration obligatoire (DO) des diagnostics

    L’exhaustivité de la déclaration obligatoire (DO) des diagnostics VIH (c’est-à-dire l’assiduité des médecins à les déclarer) joue un rôle primordial dans la qualité de la modélisation, et donc de la description, de l’épidémie. Dès 2021, Santé publique France signalait une diminution inquiétante de l’exhaustivité de la DO VIH, y compris à l’hôpital. Pour répondre à cette tendance, le Corevih Occitanie a coordonné une intervention structurée fondée sur une collaboration interprofessionnelle. Nadia Meftah (CHU de Montpellier) a décrit la méthodologie employée, en commençant par un état des lieux réalisé en 2022 pour identifier les centres présentant le plus de discordances. Cette analyse a ensuite permis de nommer un-e responsable DO VIH dans les laboratoires hospitaliers de chaque centre. Ces responsables ont été associés à des professionnels-les des services des maladies infectieuses (souvent un-e TEC COREVIH par délégation), afin de former un binôme chargé de la DO. Enfin, un bilan a été réalisé pour comparer les données de 2020 à 2023. L’intervention a permis, dès 2022, une augmentation du nombre de DO et l’élimination quasi-totale des discordances (grâce au couplage entre DO virologie et DO cliniciens). Cette étude interventionnelle démontre la pertinence de la coopération hospitalière et valorise le rôle des TEC dans ces progrès — un point notable à souligner alors que les COREVIH évoluent vers les CORESS. En perspective, il reste un enjeu majeur : sensibiliser les professionnels de santé hors maladies infectieuses et hors hôpital (médecine de ville) à la déclaration obligatoire.

    VIH : la nécessité d'impliquer les hommes dans le dépistage prénatal

     

    dre penot sfls 2024

     

    Au pupitre, la Dre Pauline Penot lors de sa présentation
    au congrès de la SFLS 2024 à Biarritz
    (© Fred Lebreton)

    La Dre Pauline Penot, centre hospitalier de Montreuil et chercheuse associée au Centre population et développement (Ceped), a présenté les résultats d’une étude menée entre 2021 et 2022, mettant en lumière un aspect souvent négligé du dépistage du VIH : le rôle des partenaires masculins des femmes enceintes. Dans cette étude, 3 000 femmes suivies pour leur grossesse ont partagé les coordonnées de leur conjoint, permettant de les inviter à une consultation prénatale dédiée à leur santé. Si 100 % des femmes avaient déjà été dépistées pour le VIH, seules 53 % des 3 038 hommes contactés ont participé à la consultation. Parmi eux, 38 % n’avaient jamais réalisé de test VIH, avec des disparités selon les origines géographiques. Les taux d’absence de dépistage étaient particulièrement élevés chez les hommes originaires d’Asie, d’Europe de l’Est et d’Afrique du Nord. L’étude révèle aussi des inégalités persistantes : les hommes jeunes, immigrés ou ayant un faible niveau d’éducation sont les moins susceptibles de se faire dépister. Pourtant, lorsque ces hommes sont sollicités, la majorité accepte les tests proposés, démontrant leur ouverture à une prise en charge. La Dre Penot souligne que cette population masculine hétérosexuelle reste souvent en marge des politiques de prévention et de soins. Elle plaide pour une intégration systématique des conjoints masculins dans le dépistage prénatal, afin de réduire les diagnostics tardifs et de mieux prévenir les transmissions au sein des couples et vers les enfants à naître.

    VIVH et vieillissement : mesurer la fragilité pour mieux prévenir les risques

    La Dre Clotilde Allavena, infectiologue au CHU Nantes, a présenté les résultats d’une étude française sur la fragilité chez les PVVIH âgées de plus de 70 ans. Menée dans le cadre de l’étude ANRS SEPTAVIH, cette recherche a évalué la pertinence de plusieurs outils de dépistage de la fragilité, notamment l’échelle FRAIL (recommandée par l’EACS), le questionnaire HAS et le score SOF, pour prédire les événements de santé péjoratifs sur trois ans. Les événements suivis incluaient : chutes répétées, hospitalisations imprévues, institutionnalisation (entrée en Ehpad) et décès. Sur les 510 participants-es, majoritairement des hommes âgés-es en moyenne de 73 ans, 25 % ont été classés-es comme fragiles selon certains outils, et 50 % ont présenté au moins un événement de santé défavorable. Par ailleurs, le taux de mortalité sur trois ans s’élevait à 7,9 %. L’analyse a montré que les scores FRAIL et HAS étaient significativement associés à une augmentation du risque d’événements péjoratifs et de décès, contrairement au score SOF, jugé moins pertinent. Ces résultats valident le choix de ces outils dans les recommandations françaises pour le dépistage de la fragilité chez les PVVIH âgées. La Dre Allavena a conclu en soulignant l’importance de ces travaux pour améliorer le parcours de soins des PVVIH de 70 ans et plus, une population dont les besoins spécifiques méritent une attention accrue.

    Vieillir avec le VIH : entre défis médicaux et combats pour l'égalité

    pialoux sfls 2024

     

    Au pupitre, le Pr Gilles Pialoux, vice-président de la SFLS, dans sa traditionnelle
    intervention de clôture du congrès
    (© Fred Lebreton)

    C’est désormais devenu une coutume, à chaque fin de SFLS, le Pr. Gilles Pialoux chef de service des maladies infectieuses à l'hôpital Tenon, nous livre son best of du congrès. Le vice-président de la SFLS a évoqué avec humour les enjeux du vieillissement pour les personnes vivant avec le VIH. Il a rappelé qu’il y a encore peu de temps, vieillir avec cette infection relevait de l’exception. Aujourd’hui, vivre jusqu’à 100 ans tout en étant séropositif est possible, bien que ce soit encore rare. « Vieillir est un luxe », disait un participant. Une réflexion qui a résonné fortement dans les débats. Gilles Pialoux a fait rire la salle en projetant sur l’écran des photos d’enfance des membres du Conseil d’administration de la SFLS. Plus sérieusement, le rédacteur en chef de VIH.ORG a souligné que des études sociologiques ont révélé que 56 % des femmes et 73 % des hommes de plus de 50 ans restent actifs-ves sexuellement, soulignant l’importance d’un accompagnement adapté. Son intervention a également abordé des inégalités marquées : migrants-es, personnes trans, usagers-ères de drogues ou encore détenus-es continuent de faire face à des discriminations et des barrières d’accès aux soins. Il cite une phrase de Coluche qui résume bien la situation : « Dans la vie, on est tous égaux, mais il y en a qui sont plus égaux que d'autres. » Enfin, Gilles Pialoux a conclu sur une note politique en dénonçant la montée du complotisme, des fakes news et des idéologies rétrogrades, notamment aux États-Unis, rappelant que la lutte contre le VIH restait indissociable d’un combat pour l’égalité et les droits humains.

    Rendez-vous à Montpellier en 2025... à trois jours du 1er décembre

    alain makinson sfls 2024

     

    Le Dr Alain Makinson, infectiologue à Montpellier, sera un des hôtes du congrès 2025
    de la SFLS qui se tiendra à Montpellier.
    (© Fred Lebreton)

    Comme le veut la tradition, le congrès s’est conclu par l’annonce de la ville, des dates et du thème du prochain congrès de la SFLS. C’est le Dr Alain Makinson, infectiologue au CHU de Montpellier, qui a annoncé que le congrès SFLS 2025 aura lieu du 26 au 28 novembre 2025 à Montpellier. Son thème, un brin provoc : « Du VIH à la santé sexuelle : nouveaux enjeux. Sommes-nous vraiment dans l’ère post-sida? ». À la sortie du palais des congrès de Biarritz, certains-es acteurs-rices associatifs-ves se sont interrogés-es sur la pertinence d’organiser ce congrès à trois jours du 1er décembre. En effet, la semaine qui précède la journée mondiale de lutte contre le VIH/sida est, c’est bien connu, la semaine la plus chargée de l’année pour les associations VIH qui sont sollicitées de toutes parts (stands dans les hôpitaux, les mairies et les écoles, interventions médias etc.). Un choix de dates regrettable alors que ce congrès avait lieu d’habitude entre fin octobre et début novembre.