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    L'actu vue par REMAIDES : "Recherche clinique : les préconisations protectrices du CCNE"

    • Actualité
    • 24.04.2024

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    © Studio Capuche

    Par Jean-François Laforgerie  

    Recherche clinique : les préconisations protectrices du CCNE

    Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) a récemment publié un avis (N°145) sur « le cadre de l’évaluation éthique de la recherche clinique », dont l’enjeu est résumé dans le sous-titre : « Favoriser la recherche clinique sans affaiblir la protection des personnes ». Explications.

    À la demande conjointe de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et du ministre de la Santé et de la Prévention, cet avis examine « les enjeux éthiques liés à la recherche biomédicale et formule dix recommandations pour concilier une recherche clinique de qualité mais simplifiée avec le respect des principes éthiques fondamentaux ». Ce n’est pas la première fois que sont conduites des réflexions éthiques dans ce domaine. Le CCNE, lui-même, a émis des avis en octobre 1984, juin 1998 et septembre 2003. Parallèlement, une réflexion juridique a aussi été menée avec un rapport du Conseil d’État en 1988, la loi Huriet-Sérusclat (1988), puis la loi Jardé (2012). À cela s’ajoutent les règlements européens. Le nouvel avis du CCNE fait état des « abus criminels auxquels ont donné lieu certains essais cliniques aux heures sombres de l’histoire européenne [sous le régime nazi, notamment, ndlr] et les dérives qui se sont néanmoins produites par la suite ». Il évoque aussi « les dérives potentielles d’une science sans contrôle ». Le CCNE en tire la leçon que la « vigilance éthique demeure une exigence absolue à l’heure où de nouvelles perspectives prometteuses s’ouvrent à la recherche médicale ».

    Un cadre juridique solide

    Le contexte français et européen permet que « l'éthique des essais cliniques » s’exerce dans un « cadre juridique solide, reposant sur des principes tels que le recueil du consentement éclairé des participants, le respect de la bienfaisance, la transparence des résultats, et le double examen scientifique et éthique des projets de recherche », rappelle l’instance. Le cadre juridique solide français est assuré par les autorités administratives (l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé/ANSM) qui « apprécient la pertinence scientifique du projet ». De plus, un « comité d’éthique indépendant et pluridisciplinaire (ou « comité de protection des personnes »/CPP) évalue, dans les projets qui lui sont soumis, le respect des grands principes éthiques de la recherche clinique ». Du côté du CCNE, on estime que les CPP « sont les acteurs essentiels de la vigilance éthique en matière de recherche clinique ». Donc, si on doit envisager une simplification d’un certain nombre de procédures, cela ne doit donc en rien « affecter leurs prérogatives, garantes de la protection des patients ». Le CCNE note bien que « certains acteurs du secteur critiquent la lourdeur des procédures d'autorisation », mais souligne que « l’analyse réalisée par le groupe de travail qui a produit l’Avis N°145 se veut positive ».

    Adapter plutôt que bouleverser

    Cet avis propose dix recommandations pour améliorer ces processus, mais estime que le système français fonctionne de manière globalement satisfaisante, avance un communiqué du CCNE. Autrement dit, il est donc souhaitable de l’adapter aux besoins, mais pas de le bouleverser. Parmi les différents points abordés, on notera que cet avis recommande de « rendre plus explicite l’information des personnes qui se prêtent aux recherches cliniques afin que leur consentement soit donné en toute connaissance des bénéfices espérés pour la société et des risques encourus par la personne qui s’y prête ». Dans son avis, le CCNE a notamment mis l’accent sur « l’accès précoce aux innovations thérapeutiques prometteuses » (page 67 de l’avis). Le CCNE constate qu’« avoir rapidement accès aux médicaments innovants est une demande forte des associations de patients ». La loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (PLFSS 2021) a procédé à une refonte des procédures d’autorisation d’accès précoce et dérogatoires aux médicaments. Elles étaient fondées précédemment sur le principe des autorisations temporaires d’utilisation (ATU). Ont ainsi été créées les procédures d’accès précoce pré-AMM (avant l’évaluation pour autorisation de mise sur le marché), l’accès précoce post-AMM (immédiatement après l’AMM et avant l’inscription au remboursement), l’accès direct et l’accès compassionnel, détaille l’avis. L’accès précoce, en particulier pré-AMM, met ainsi à la disposition des patients-es un médicament dont le rapport bénéfice-risque n’est pas encore scientifiquement démontré mais jugé innovant avec une forte présomption selon des critères précisément définis. « Cette situation plonge le médecin prescripteur dans une zone floue puisqu’il va prescrire un médicament dont l’efficacité est incertaine : ce n’est plus tout à fait de la recherche clinique, mais ce n’est pas encore du soin puisque le recueil des données d’efficacité et de sécurité servira à renforcer ou infirmer l’intérêt du médicament concerné. Dans ce cas, l’éthique médicale exige qu’une information claire, loyale et objective soit apportée à un-e malade qui est souvent en échec des autres traitements disponibles. L’accès à un tel médicament doit être mis en balance avec les alternatives, en particulier les soins d’accompagnement », explique l’avis.

    Un avis repéré par France Assos Santé

    La parution de l’avis du CCNE n’a pas échappé à France Assos Santé qui a réagi. Le collectif a souligné que le texte « rappelle l’impérieuse nécessité de protéger les participants » des essais cliniques. Dans son communiqué (3 avril), FAS note que le « CCNE propose (…) de renforcer et consolider le cadre actuel de l’évaluation éthique de la recherche », en soulignant la compétence des comités de protection des personnes (CPP) et leur capacité d’adaptation aux crises sanitaires. Le CCNE estime que le « système français fonctionne de manière globalement satisfaisante » souligne le collectif. C’est un point important car « cette analyse est à rebours des critiques exprimées par certains acteurs industriels, qui invoquent régulièrement un fonctionnement qui freine la mise en œuvre de la recherche », mentionne FAS. Le collectif pointe aussi la préconisation de « donner davantage de moyens à la Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine (CNRIPH) pour assurer ses missions de contrôle éthique ». France Assos Santé rappelle aussi que l’avis « évoque (…) les défis posés par de nouvelles approches de recherche médicale, telles que les études sur un petit nombre de patients (touchés par une pathologie rare, par exemple) ou les recherches à dominante statistique fondées sur des bases de données de grande ampleur (« big data »), qui s’écartent des essais traditionnels ». Et FAS de conclure : « France Assos Santé est mobilisée sur l’ensemble du territoire pour faire vivre les CPP où la démocratie en santé prend particulièrement sens (…) Nous sommes régulièrement alertés par d’inquiétants projets visant à affaiblir le rôle des CPP. Cet avis étayé du CCNE est donc particulièrement bienvenu. Nous demandons aux pouvoirs publics d’être particulièrement attentifs aux propositions portées par le CCNE qui viendront garantir la protection des participants, tout en renforçant la qualité de la recherche menée en France ».