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    L’Actu vue par Remaides : « Prix des médicaments : la France ne doit pas céder à la surenchère des Big Pharma »

    • Actualité
    • 19.05.2025

     

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    DR.

    Par Jean-François Laforgerie

    Prix des médicaments : la France ne doit pas céder à la surenchère des Big Pharma

    La décision de Donald Trump de baisser les prix des médicaments aux États-Unis et d’inciter les labos à vendre plus cher à l’étranger, en Europe notamment, pour compenser leurs pertes de bénéfices mobilise en France. Le 13 mai a été publiée dans les colonnes de L’Humanité, une « tribune de la société civile contre le chantage des laboratoires », le titre indique clairement le propos : « Prix des médicaments : la France ne doit pas céder à la surenchère des Big Pharma ». L’Actu vue par Remaides fait le point.
    En fin d’article, une autre info Médicaments.

    Quels arguments avance la tribune « Prix des médicaments : la France ne doit pas céder à la surenchère des Big Pharma » ?
    L’élément déclencheur de cette mobilisation de la société civile est la publication (23 avril) d’une tribune dans le Financial Times. Les PDG de Sanofi et Novartis appellent « l’Union européenne à relever les prix des médicaments innovants ». « Pour justifier leur position, ils dénoncent le « déclin de la compétitivité bio pharmaceutique européenne », tout en vantant les politiques américaines, qu’ils présentent comme « propices à un accès large et rapide aux traitements », explique le texte de la société civile. Ses signataires (voir plus bas) considèrent que cette tribune des « Big Pharma » « s’inscrit dans le cadre d’une multiplication des actions de lobbying de l’industrie pharmaceutique à Bruxelles, alors que les négociations au Conseil de l’UE sur le "paquet pharmaceutique" (ou code européen du médicament) touchent à leur fin ».
    Ce qui agacent surtout les signataires, c’est que derrière cette « prise de position », ce ne « sont pas les considérations de santé publique qui dominent, mais bien celles d’acteurs financiers, avant tout soucieux de défendre une certaine idée du rendement. En 2024, Sanofi a réalisé un bénéfice net de 5,7 milliards d’euros. Novartis, de son côté, a enregistré un bénéfice net de 11,9 milliards de dollars. Des montants qui, dans un contexte où les systèmes publics peinent à financer les soins essentiels, suffisent à démasquer l’imposture. »

    Quels sont les risques à vouloir imposer en Europe le système de fixation des prix des Etats-Unis ?
    « Aux États-Unis, le système de fixation des prix engendre de fortes inégalités d’accès aux traitements », explique la tribune. Et d’expliquer : « En appelant à calquer les prix européens sur ceux pratiqués aux États-Unis, les deux dirigeants promeuvent une vision du médicament guidée moins par l’intérêt des patients-es que par les attentes des marchés financiers. Le système américain de fixation des prix est profondément injuste. En 2024, près de 30 % des adultes déclarent avoir renoncé à un traitement prescrit en raison de son coût. Le coût élevé des médicaments entraîne aussi un endettement médical massif : une autre enquête de 2022 montrait que 41 % des adultes devaient rembourser une dette liée à des frais médicaux ou dentaires. » En outre, ce système, marqué par l’absence d’encadrement public des prix, contribue à « fausser les négociations en Europe ou ailleurs dans le monde, en imposant des références tarifaires artificiellement élevées ».

    Que répond la tribune aux arguments habituels des Big Pharma concernant le « décrochage industriel européen » dans le domaine du médicament ?
    « Les menaces de Sanofi et Novartis procèdent d’une stratégie bien rodée : agiter le spectre du décrochage industriel européen pour obtenir des avantages supplémentaires, dénonce la tribune. Ces industriels instrumentalisent la guerre commerciale lancée par Donald Trump pour faire pression sur l’Union européenne, ses États membres et ses habitants. Autrement dit, ces entreprises profitent sans scrupule d’une situation internationale inédite pour tenter de maximiser leurs profits. » Et d’expliquer : « S’ils cèdent, les États européens perdront leur capacité à réguler le marché, à orienter des investissements vers les besoins de santé publique, et à garantir l’équité d’accès aux soins pour toutes et tous aujourd’hui et demain. »

    Que demande la tribune aux autorités françaises ?
    « La France, qui joue un rôle clé dans les négociations européennes, doit faire entendre une voix forte. Elle doit défendre les mesures de transparence comme fondement d’une politique du médicament plus juste. Elle doit affirmer que la santé n’est pas une marchandise. Il est temps d’imposer la transparence comme préalable indispensable à toute politique publique de soutien au secteur pharmaceutique », indique la tribune, dont les signataires appellent « le gouvernement français et l’Union européenne à ne pas céder au chantage indécent de multinationales opportunistes. ».
    Et la tribune de conclure : « Face à la crise des systèmes de santé, les profits des grands laboratoires pharmaceutiques ne peuvent plus être la boussole de notre politique pharmaceutique. Notre santé, nos hôpitaux, nos solidarités requièrent un changement radical vis-à-vis de ces grands groupes. »

    Quels-les sont les signataires de la tribune publiée dans L’Humanité ?
    On y trouve des personnalités importantes de la recherche et de la médecine comme Françoise Barré-Sinoussi (Prix Nobel de médecine 2008, présidente de Sidaction), François Bourdillon (médecin de santé publique, ancien directeur général de Santé publique France), André Grimaldi (professeur honoraire de diabétologie, co-fondateur du Collectif Inter-Hôpitaux), Olivier Milleron (cardiologue hospitalier, membre du Collectif Inter-Hôpitaux), etc.
    On y trouve également des militants-es associatifs-ves comme Jean-François Corty (médecin, président de Médecins du Monde), Franck Desbordes (président d’Actions Traitements), David Fiant (président de Vaincre la Mucoviscidose), Nathalie Mesny (résidente de Renaloo), Serge Breysse (médecin de santé publique, directeur général de Solthis), Camille Spire (présidente de AIDES), Nathalie Tehio (avocate, présidente de la Ligue des droits de l’Homme), Florence Thune (directrice générale de Sidaction) ou encore Gérard Raymond (président de France Assos Santé), etc. Y figurent aussi des experts-es comme Gaëlle Krikorian (sociologue, membre du CA de Médecins du Monde), Théau Brigand (sociologue, chercheur associé au Cermes3), etc.

    En bref, une autre info Médicaments

    Sanofi : l’investissement massif aux États-Unis passe mal en France
    Sanofi a essuyé de vives critiques jeudi 15 mai en France au lendemain de sa décision d’investir massivement aux États-Unis, Bercy y voyant un « mauvais signal » et les syndicats redoutant un « désengagement industriel et social » du secteur pharmaceutique en Europe. « L’ampleur des investissements aux États-Unis, c’est sûr que c’est un mauvais signal à un moment où nous considérons et nous sommes convaincus que (...) l’Europe et la France, c’est l’endroit où il faut investir », a déclaré le ministre de l’Économie Eric Lombard sur BFM Business. Le groupe tricolore a annoncé vouloir investir « au moins 20 milliards de dollars aux États-Unis » sur cinq ans, consacrés à « une augmentation significative des dépenses de recherche et développement » dans ce pays et « à la production américaine ». Sanofi est l’un des derniers géants pharmaceutiques à vouloir y renforcer sa présence, répondant aux pressions du président des États-Unis. « Parce que Trump s’agite, Sanofi sort les chiffres », a fulminé Fabien Mallet, CGT Sanofi France, interrogé par l’AFP, anticipant que « la recherche va basculer aux États-Unis ». « En investissant massivement aux États-Unis, le groupe cherche à se positionner comme un acteur domestique, ce qui pourrait constituer un avantage stratégique dans les négociations tarifaires à venir », a commenté à l’AFP Adrien Chantereine, expert du secteur pharmaceutique de Circle Strategy. Avec ses menaces de droits de douane sur les importations de médicaments, le nouveau pouvoir à Washington a déjà fait changer de pied d’autres grands noms du secteur : Eli Lilly, Johnson & Johnson, Novartis ou encore Roche se sont dit prêts à lancer des investissements de très grande envergure aux États-Unis. Sanofi, « 20 milliards pour les USA : qui dit mieux ? », a ironisé la CGT du groupe dans un communiqué, ajoutant que « c’est la France qui finance et c’est l’Amérique qui encaisse » et que « ce n’est pas un virage, c’est une délocalisation massive de la recherche » aux États-Unis. L’industrie pharmaceutique, jusqu’ici épargnée par le protectionnisme, voit le climat changer depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche et ses menaces de droits de douane pour accélérer la relocalisation de la production. Le président américain a aussi affiché son intention de réduire les prix des médicaments de 50 à 80 %. Cette mesure affecterait les marges bénéficiaires des fabricants, mais « cela n’a pas empêché Sanofi de lâcher un investissement aussi massif en si peu de temps » outre-Atlantique, s’est étonné Adil Bensetra, de la CFDT. Avec leur choix stratégique tourné vers le marché américain, les laboratoires « n’ont même pas laissé le temps aux Européens de trouver une solution alternative », s’est indigné le syndicaliste, redoutant « une perte totale de notre souveraineté sanitaire dans les quatre à six ans ».