L’Actu vue par Remaides : « Prep et insuffisance rénale : les associations dénoncent un refus de soins de la CNAM »
- Actualité
- 05.05.2025
Par Fred Lebreton
Prep et insuffisance rénale : les associations dénoncent un refus de soins de la CNAM
Alors que le traitement injectable Vocabria (cabotégravir) est recommandé par la Haute Autorité de Santé (HAS) pour les personnes ne pouvant bénéficier d’une Prep orale, la caisse nationale d’Assurance-maladie (CNAM) continue de refuser sa prise en charge dérogatoire pour les personnes en insuffisance rénale. Dans un communiqué commun publié le 30 avril, les associations TRT-5 CHV et Renaloo dénoncent une stratégie de temporisation injustifiable, qui met en danger les personnes les plus exposées au VIH. Explications.
En fin d’article, une info VIH, hépatites IST en Europe.
Une option thérapeutique disponible, sûre et recommandée
Pendant longtemps, les personnes souffrant d’insuffisance rénale ont été exclues des dispositifs de Prep au VIH, en raison de la toxicité rénale connue des médicaments à base d’emtricitabine et de ténofovir. La mise sur le marché du cabotégravir, administré par injection tous les deux mois sous le nom commercial de Vocabria, a permis de lever cet obstacle. Efficace et sans impact sur la fonction rénale selon plusieurs essais cliniques, ce médicament est d’ores et déjà remboursé en France dans le cadre d’un traitement destiné aux personnes vivant avec le VIH. Depuis août 2024, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande expressément son utilisation en Prep, notamment chez les personnes atteintes d’insuffisance rénale. Faute d’accord sur son prix, le cabotégravir n’est toujours pas commercialisé en France en Prep injectable. Les négociations entre l’industriel et les autorités françaises sont toujours en cours et devraient aboutir à une commercialisation dans les prochains mois du traitement sous le nom commercial d’Apretude (il s’agit de la même molécule, le cabotégravir, mais le nom commercial diffère selon qu’il s’agit d’un traitement VIH ou Prep).
Pendant ce temps et malgré ces validations scientifiques et réglementaires, la caisse nationale d’Assurance maladie (CNAM) refuse catégoriquement d’autoriser une prise en charge dérogatoire de Vocabria en Prep pour les personnes qui souffrent d’insuffisance rénale. Les associations TRT-5 CHV et Renaloo dénoncent une posture infondée médicalement et injuste : « La CNAM fait obstacle à une prévention indispensable, pourtant validée par les autorités de santé », alertent-elles. Les deux associations rappellent qu’il est parfaitement légal, dans certaines situations, d’obtenir un remboursement dérogatoire pour un médicament utilisé en dehors de son autorisation de mise sur le marché (AMM), avec l’accord préalable de la CNAM. Mais ici, celle-ci justifie son refus par l’attente de la commercialisation d’Apretude, traitement Prep à base de cabotégravir identique en tous points à Vocabria, à l’exception de son nom commercial.
Cette attente, dénoncée comme une manœuvre stratégique plutôt que médicale, repose en réalité sur des considérations économiques liées aux négociations de prix en cours entre l’industriel et les autorités. Pendant ce temps, des personnes restent sans solution préventive adaptée, et donc exposées au risque d’infection au VIH. Le TRT-5 CHV et Renaloo alertent : « Cette position revient à faire un pari dangereux sur l’absence de contamination en attendant l’arrivée d’Apretude. Et ce, contre l’avis de la HAS, des professionnels-les de santé et même du Conseil national du sida et des hépatites virales. »
Une doctrine interne opaque et une inégalité d'accès dénoncées
La CNAM justifie son refus par une « doctrine interne » qui exclurait toute prise en charge individuelle, hors AMM, en l’absence de « risque vital » et si un outil de prévention remboursé existe déjà ― en l’occurrence, le préservatif. Mais selon les associations, cette interprétation ignore délibérément la réalité des recommandations de santé publique. « Ce raisonnement revient à minimiser le risque d’acquisition du VIH, alors que la Prep est justement conçue comme un outil complémentaire, et non substituable aux autres moyens de prévention », rappellent les signataires. Pire encore, les critères d’évaluation des demandes s’appuieraient non sur les recommandations de bon usage de la HAS, mises à jour et validées par les associations et le ministère de la Santé, mais sur les avis de la commission de la transparence (CT) de la même autorité. Or, ces derniers n’ont pas vocation à guider la prescription, mais à évaluer les traitements en amont de leur commercialisation, notamment pour fixer leur prix. « Il est irresponsable de s’appuyer sur ces avis pour refuser une prise en charge en aval, alors même que les recommandations actuelles de la HAS valident le recours au cabotégravir chez les personnes souffrant d’insuffisance rénale », pointent les associations.
Le caractère opaque et inégalitaire de cette « doctrine » est aussi souligné : plusieurs cas de prises en charge dérogatoires ont été autorisés dans certaines régions, alors que d’autres continuent de les refuser, sans justification claire. Une situation qualifiée de « discriminatoire » par Renaloo et le TRT-5 CHV. La sénatrice EELV Anne Souyris a saisi le Sénat de cette question, s’interrogeant sur le fondement d’une telle politique. Dans sa question publiée le 13 mars 2025, elle dénonce une décision « contre l’avis d’une prescriptrice et des experts de la HAS », qui « laisse une personne exposée au risque de contamination sans outil de prévention adapté ». La sénatrice met en lumière l’incohérence d’une CNAM qui, tout en étant habilitée à autoriser la prise en charge dérogatoire, choisit de ne pas le faire, en contradiction avec les objectifs de la stratégie nationale de santé sexuelle. Pour les associations, le statu quo est intenable. Elles réclament que les demandes de prise en charge dérogatoire de Vocabria soient systématiquement acceptées pour les personnes en insuffisance rénale éligibles à la Prep, dans un cadre transparent, équitable et conforme aux recommandations scientifiques. Faute de quoi, la CNAM porterait une lourde responsabilité dans l’échec de la prévention du VIH auprès d’un public particulièrement vulnérable.
En bref, une info VIH, Hépatites et IST en Europe
VIH, hépatites et IST : l'Europe décroche de ses objectifs santé pour 2030, alerte l'ECDC
L’Union européenne (UE) et l’Espace économique européen (EEE) ne sont plus en bonne voie pour atteindre, d’ici 2030, les Objectifs de développement durable fixés pour éliminer le VIH et la tuberculose, et lutter contre les hépatites virales et les infections sexuellement transmissibles (IST), selon une alerte lancée le 23 avril par le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). La plupart des États membres ne respectent pas les objectifs attendus ou manquent tout simplement de données pour évaluer leurs avancées. Si l’incidence du VIH et de la tuberculose a légèrement diminué, elle reste encore loin des objectifs de réduction. Pire : les diagnostics de gonorrhée, de syphilis et d’hépatite B aiguë sont en hausse dans de nombreux pays, alors que les données concernant les hépatites et les IST sont encore trop fragmentaires pour dresser un bilan complet. Chaque année, plus de 260 000 cas de ces infections sont enregistrés dans l’UE/EEE. Malgré certaines avancées, les mesures de prévention restent en deçà des standards attendus, notamment l’usage du préservatif, l’accès à la Prep contre le VIH, les programmes d’échange de seringues, les traitements de substitution aux opioïdes ou encore la vaccination contre l’hépatite B. L’ECDC reconnaît que l’Europe est sur la bonne voie pour les objectifs de dépistage et de traitement du VIH, et que la cible de détection de la tuberculose est atteinte. En revanche, le taux de réussite des traitements de la tuberculose reste insuffisant, et les progrès concernant les hépatites et les IST sont très difficiles à mesurer, faute d’indicateurs fiables. Face à ces constats, l’agence européenne appelle à intensifier les actions de prévention, à développer les services intégrés de dépistage et de soins, et à améliorer la qualité des données disponibles pour guider les politiques de santé. Dans un contexte budgétaire européen tendu, cet avertissement ne laisse rien présager de bon…
Note de la rédaction : L’Union européenne (UE) est une union politique et économique de 27 pays membres qui partagent des institutions communes et des politiques dans de nombreux domaines (monnaie, justice, environnement…). L’Espace économique européen (EEE), lui, inclut les 27 pays de l’UE plus l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège. Il permet à ces trois pays non-membres de l’UE de participer au marché unique européen (libre circulation des biens, personnes, services et capitaux), sans être soumis à toutes les règles politiques de l’UE.