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    L’Actu vue par Remaides : « Migrants-es : Retailleau veut allonger la durée maximale de rétention administrative à 18 mois »

    • Actualité
    • 18.03.2025

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    Par Jean-François Laforgerie

    Personnes migrantes : Bruno Retailleau veut allonger la durée maximale de rétention administrative à 18 mois

    Controverse. Le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, a souhaité mercredi 12 mars prolonger jusqu’à 18 mois, contre trois mois actuellement, la durée maximale dans les centres de rétention administrative (CRA) des personnes migrantes en situation irrégulière. Une initiative qui est très critiquée par les associations de défense des droits des étrangers-ères.
    En fin d’article, d’autres infos Droits.

    Fixée à 10 jours en 1993, la durée en centre de rétention administrative (CRA) a été portée de « manière exceptionnelle » à 90 jours avec la loi Collomb de 2018, et à 210 jours, soit sept mois environ, en matière terroriste. « Aujourd’hui, la durée de rétention maximale en France, elle est de trois mois. En Allemagne, elle est pratiquement d’un an et demi », a souligné Bruno Retailleau sur RTL. « Au Sénat, un texte va être discuté (...) Nous avions prévu au départ d’aligner le régime de tous les individus les plus dangereux sur le régime terroriste qui prévoit 210 jours. Je pense qu’il faut aller au-delà, donc au maximum, c’est-à-dire 18 mois », a-t-il ajouté. Le Sénat a d’ailleurs adopté en parallèle mercredi 12 mars, en commission des Lois, la proposition mentionnée par le ministre, en se positionnant sur une durée maximale de 210 jours. Cette disposition, si elle était définitivement adoptée, concernerait les personnes condamnées pour les crimes ou délits les plus graves et faisant l’objet d’une décision d’éloignement, ainsi que celles non condamnées mais constituant « une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ». Le texte doit être examiné dans l’hémicycle du Sénat, au côté d’une autre proposition de loi sur l’immigration soutenue par Bruno Retailleau, qui vise à conditionner l’octroi de prestations sociales aux étrangers-ères à une durée de résidence en France d’au moins deux ans. Ce texte a lui aussi été adopté en commission des Lois, le même jour.

    Dans un communiqué (13 mars), l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) « condamne la proposition d'allongement de la durée de rétention administrative ». Les ONG réunies dans ce collectif « dénoncent avec la plus grande fermeté la proposition d'allongement de la durée de rétention administrative actuellement discutée au Sénat ». « Dans la droite ligne de la loi du 26 janvier 2024, nous assistons à une surenchère et à un durcissement catastrophique de cette mesure de privation de liberté (…) Nos associations ne cessent d’alerter au sujet des effets délétères sur la santé physique et mentale des personnes enfermées, et cela alors que les données compilées année après année par les différentes associations intervenant en CRA montrent clairement qu'il n’existe aucune corrélation entre la durée de rétention et le nombre d'expulsions. ». Et les ONG d’expliquer : « Alors même que la durée maximale de rétention a été portée à 90 jours en 2018, il n’existe aujourd’hui aucune analyse de ses effets qui pourrait justifier d’allonger davantage l’enfermement des personnes étrangères au seul motif de leur situation administrative. Les conséquences de la rétention sur les personnes sont, en revanche, bien connues : suicides, tentatives de suicide, traumatismes, violations du droit à une vie privée et familiale, violations du droit à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants, atteinte à la dignité des personnes, violences policières, etc. Cette nouvelle mesure ne fera qu'aggraver la violence institutionnelle et la maltraitance des personnes retenues. » L’OEE appelle les « parlementaires à rejeter cette proposition d'allongement de la durée de rétention et à refuser de cautionner un dispositif qui dysfonctionne et qui est source de souffrances inutiles. »

    En bref, d'autres infos Droits

    Hausse de 11 % des crimes et délits racistes, xénophobes ou antireligieux en 2024

    Triste époque. Les crimes ou délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont de nouveau augmenté (+ 11 %) en 2024, après un bond encore plus fort l’année précédente, selon un rapport du ministère de l’Intérieur (SSMSI) publié le 14 mars. En 2024, 9 350 crimes et délits à caractère raciste, xénophobe ou antireligieux ont été enregistrés et 6 985 contraventions (+ 6 %), ce qui fait que la police nationale et la gendarmerie nationale ont enregistré « plus de 16 000 infractions » pour ces motifs sur l’ensemble du territoire en 2024, selon ce rapport, indique l’AFP. En 2023, la hausse des crimes et délits avait atteint quelque 30 %, « essentiellement au cours du dernier trimestre, dans un contexte de fortes tensions au Proche-Orient », rappelle le rapport. Sur deux ans, la hausse des crimes et délits atteint 44 %. Comme les années précédentes, les crimes et délits à caractère raciste ont principalement été des injures publiques (52 %), des menaces, ou du chantage (20 %). « Les discriminations et provocations représentent 10 % » des faits, selon le rapport. Du côté des contraventions à caractère raciste, la quasi-totalité a concerné des injures non-publiques (98 % du total). En 2024, les services de sécurité ont également enregistré « 9 700 victimes de crimes et délits à caractère raciste ». Parmi les personnes victimes « les hommes, les personnes âgées de 25 à 54 ans et les étrangers ressortissants d’un pays d’Afrique sont surreprésentés », explique le rapport. Environ 5 000 personnes ont été mises en cause par les services de sécurité, « dont plus de la moitié ont entre 25 et 54 ans ». Géographiquement, Paris « se détache nettement » avec un taux de crimes ou délits à caractère raciste « de trois à quatre fois supérieur à la moyenne nationale ». Le rapport rappelle aussi que la hausse « reflète à la fois l’évolution du phénomène en lui-même mais également celle de la propension de la population à déclarer ces actes et l’amélioration de leur prise en compte par les services de sécurité ».

    CJUE : la protection des données garantit les droits des personnes transgenres

    De droit. La justice européenne a estimé jeudi 13 mars que la Hongrie devait enregistrer « l’identité vécue » des personnes transgenres au nom du droit à l’exactitude des données. « En vertu du RGPD (Règlement général de protection des données) et du principe d’exactitude énoncé par celui-ci, la personne concernée a le droit d’obtenir la rectification des données collectées la concernant », a écrit la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans un communiqué. C’est un succès plus que symbolique depuis un durcissement en 2020 de la loi hongroise. En 2022, une personne transgenre iranienne venue en Hongrie avait demandé que l’on modifie le registre de l’asile dans lequel elle était enregistrée en tant que femme, son sexe de naissance. La personne avait en effet obtenu le statut de réfugié huit ans plus tôt en invoquant sa transidentité, sur la base de certificats médicaux. Mais la justice hongroise avait refusé de rectifier la mention de genre, exigeant la production de preuves d’un traitement chirurgical de réassignation sexuelle. La CJUE rappelle que, selon le droit européen, c’est « l’identité de genre vécue et non celle assignée à la naissance » qui permet d’identifier un individu, ce qui est le but de l’enregistrement dans les registres.
    Visant la loi passée par le Premier ministre nationaliste Viktor Orban en mai 2020 interdisant le changement de genre et de nom, la Cour rappelle la primauté du droit européen sur le droit national. « Un État membre ne peut invoquer l’absence de procédure de reconnaissance juridique de la transidentité pour faire obstacle à l’exercice du droit de rectification », estime-t-elle. Si l’état civil reste du domaine des États, les pays membres « doivent toutefois respecter le droit de l’Union, y compris le RGPD, lu à la lumière de la charte » européenne des droits fondamentaux », explique la Cour. En outre, les autorités ne peuvent « en aucun cas » exiger des preuves chirurgicales de changement de sexe, qui porteraient « atteinte à l’essence du droit à l’intégrité de la personne et du droit au respect de la vie privée ». Comme l’explique l’AFP, cette interprétation, inédite, ne vient pas trancher un litige. Elle intervient dans le cadre d’un « renvoi préjudiciel », le tribunal de Budapest ayant voulu interroger la Cour de justice de l’Union européenne sur cette affaire. Il appartient désormais à la Hongrie de résoudre l’affaire conformément à la décision, qui lie les autres pays membres de l’UE confrontés à un problème similaire. Pour Eszter Polgari, de l’ONG hongroise Hatter, citée par l’AFP, cet arrêt qui « oblige la Hongrie à garantir la possibilité de changer de sexe dans les registres publics » est une « lueur d’espoir ». Elle permet selon elle « aux personnes transgenres harcelées constamment par le gouvernement de ne pas être privées de leurs droits ». La Hongrie a progressivement durci ces dernières années sa législation en matière de transidentité. En 2020, elle a interdit l’inscription du changement de sexe à l’état civil et la reconnaissance juridique de l’identité de genre des personnes transgenres. En outre, selon une loi de 2021, contestée par la Commission européenne et plusieurs États membres devant la CJUE, il n’est plus possible d’évoquer auprès des mineurs-es « le changement de sexe ».