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    L’actu vue par REMAIDES : Genres, sexualités… en haut de la pile !

    • Actualité
    • 04.09.2024

     

    midi minuit sauna

    © DR

    Par Jean-François Laforgerie et Fred Lebreton 

     

    Genres, sexualités... en haut de la pile !

    Chaque rentrée littéraire donne lieu à la sortie d’une multitude d’ouvrages : romans, essais, récits… Un phénomène bien français à la fois éditorial, commercial et médiatique. Cette rentrée littéraire 2024 (amorcée dès août) ne déroge pas à la règle. Elle a pour particularité de mettre en avant de nombreux essais sur la sexualité, le genre, etc. On peut citer Sexualités et dissidences queers ou Qui a peur du genre ? (Judith Butler, Flammarion) et surtout Le lobby transphobe, l’essai de Maud Royer chez Textuel. Du côté des récits et fictions, on pourra découvrir le premier livre publié en France de l’Américain, Brontez Purnell : Johnny, est-ce que tu m'aimerais si j'avais une plus grosse bite ? (éditions Rotulux) et le second roman de Lucien Fradin : Midi-Minuit Sauna (La Musardine, collection Prismes). Côté bandes dessinées, signalons : « À moindres risques », une nouvelle BD co-éditée par Médecins du Monde qui propose une immersion dans une salle de consommation, et chez Dupuis : G.I. Gay. Tout est dans le titre.
    Vous voulez lâcher Netflix… votre télé est en panne ? Remaides vous fait quelques suggestions de lectures pour l’automne.

     

    Lecture : le récit sans concession d'un homme noir, gay et séropositif

    Johnny, est-ce que tu m'aimerais si j'avais une plus grosse bite ?. Derrière ce titre provocateur, une autofiction qui suit les pas d'un antihéros dans la baie de San Francisco et l'Amérique des années 2000. Son auteur Brontez Purnell assume tout : noir, gay, séropositif, punk, précaire, gros, névrosé et accroc à l’alcool et à la drogue ! Mais aussi et peut être surtout capable d’une auto dérision et d’un humour féroce. Derrière la provoc, l’auteur raconte les travers d’une société américaine raciste, homophobe et tiraillée entre ses deux obsessions : le sexe et la religion.
    À l’instar d’un Guillaume Dustan, Brontez Purnell ne ménage pas ses lecteurs-rices dans le récit de ses aventures sexuelles. Le ton est cru, acide, parfois à la limite du scatologique. Mais avec son humour dévastateur, l’auteur anéantit toute tentative de culpabilisation. Il décape les stigmas des vécus gays et ruine toute forme de normalisation. Le livre, sorti en 2015 aux États-Unis, est enfin traduit en français par Alexandre Gaulmin qui raconte avec tendresse dans la préface son amitié improbable avec Brontez Purnell.
    Extrait : « J'avais le pressentiment que j'avais attrapé le sida. Je faisais souvent ce cauchemar où j'allais dans un centre de dépistage, je disais mon nom et ça déclenchait directement une sirène et des gyrophares rouges. J'étais assis avec ma conseillère VIH, je lui racontais ma vie sexuelle de l'année écoulée et — la vie de Dieu, je jure qu'elle a fait ça — elle s'est redressée, a carrément levé les yeux au ciel avant de dire (avec une voix de bouffonne) : « Hum, je pense que vous êtes séropositif ». Et elle avait raison ! « Vous savez comment ça vous est arrivé ? », m'a-t-elle demandé. J'ai réfléchi longtemps et profondément. C'était certainement un des deux cents mecs que j'avais laissés me tringler sans capote, mais ce n'est pas ce que j'ai répondu, parce que même si je connaissais pas cette meuf, je ne voulais pas qu'elle pense que je couchais à droite et à gauche.
    - « Je l'ai attrapé en m'asseyant sur la cuvette des cabinets ».
    Ça ne l'a pas fait rire. J'ai senti qu'elle était gouine et y a pas moyen de convaincre une lesbienne que le sperme, c'est cool. À moins qu'elle essaie d'avoir un enfant, mais c'est tout. Mais bon oublions ! J'ai fait ce que j'ai l'habitude de faire quand je me sens coincé, j'ai menti comme un arracheur de dents. « C'est mon petit ami avec qui j'ai une relation monogame qui m'a trompé et qui me l'a refilé (snif, snif) ». Maintenant elle était prête à me traiter comme un être humain. « Oh chéri ! Tiens, prends un mouchoir ! ». Le monde est injuste ! Quel monstre ! ». Je crois que je déteste cette conne, comment se fait-il qu'on n'ait aucune empathie pour les traînées ? Genre rien du tout ? Et si je lui avais dit la vérité ? « Oh je voulais juste qu'il me kiffe. Elle m’aurait certainement catalogué comme une menace pour la société. »
    « Johnny, est-ce que tu m'aimerais si j'avais une plus grosse bite ? » de Brontez Purnell, traduit par Alexandre Gaulmin, éditions Rotulux, 20 euros.

    Lecture : une plongée crue et réaliste dans un sauna gay

    Midi-Minuit Sauna est une plongée crue et réaliste dans l’espace habituellement clos d’un sauna gay. Il y a une dizaine d’années, Lucien Fradin a travaillé dans un sauna gay du Nord de la France. Il tenait la caisse, changeait les serviettes, nettoyait les arrière-cours du désir, observait surtout les allées-et-venues des clients. Dix ans plus tard, l’auteur retourne dans ce lieu, et dès l’ouverture jusqu’à minuit, regarde et participe à toutes sortes d’ébats, de cabines en jacuzzi, d’effleurements en partouzes, retrouvant des habitués, rencontrant de nouveaux amants, donnant rendez-vous à des amis, etc. Ce récit moderne et puissant, dans lequel tout est vrai, est aussi la chronique sensible d’un lieu et de ceux qui s’y rendent à différents moments de la journée : les hommes pressés de l’heure du déjeuner, les garçons en bande de fin d’après-midi, les solitaires en chasse. L’auteur relate la sexualité sans tabou, mais également l’identité gay, la solidarité, la communauté, et par-dessus tout le plaisir d’être ensemble, le temps d’une célébration des peaux et des corps.
    Lucien Fradin est né en 1988. Il vit à Lille, écrit et joue au théâtre. « Ce qui m’intéresse, c’est de multiplier les sources, de convoquer suffisamment de paroles et points de vue, pour se dire : peut-être que là, ça commence à ressembler à quelque chose qui pourrait définir la communauté gay », écrit-il pour expliquer sa démarche. Midi-Minuit Sauna est son second livre. Il a publié un premier roman Portraits détaillés en 2021 (Editions Les Venterniers).
    « Midi-Minuit Sauna » est le premier livre d’une nouvelle collection Prismes aux éditions La Musardine. Prismes cherche à faire émerger les récits des désirs et des plaisirs gays, lesbiens, transgenres, bi ou pansexuels. Créée et dirigée par Didier Roth-Bettoni, journaliste, auteur, producteur radio, spécialiste des représentations de l’homosexualité et des identités de genre au cinéma, cette nouvelle collection accueillera quatre titres par an. Elle aura à cœur d’exposer toutes les facettes de l’érotisme queer à travers des romans, des nouvelles, des textes autofictionnels. Une littérature réaliste ou romanesque, crue ou lyrique, contemporaine ou historique portée par des auteurs-rices débutants-es ou confirmés-es.
    Midi-Minuit Sauna, de Lucien Fradin. Parution le 17 octobre 2024 aux éditions La Musardine, collection Prismes, 17 euros.

    A moindres risques, une BD de Médecins du monde qui propose une immersion dans une salle de consommation

    À l’occasion de la journée internationale « Support Don’t punish » le 26 juin dernier, Médecins du Monde a annoncé la sortie de la première bande-dessinée qui propose une immersion dans une salle de consommation à moindre risque (SCMR). Cet album est réalisé en collaboration avec l’association Gaïa, ONG qui gère la SCMR de Paris. Cette BD souhaite sensibiliser la société civile pour dénoncer les discriminations envers les usagers et usagères de drogue et défendre leur accès aux soins dans une approche de réduction des risques. Dans un communiqué, Médecins du Monde explique que cet événement culturel est d’autant plus « significatif cette année qu’il s’inscrit dans un climat politique dangereux pour la santé de toutes et tous ». L’ONG s’inquiète des menaces sur l’accès aux soins suite à une victoire de l’extrême-droite aux législatives. L’album a été dessiné par Mat Let, illustrateur et carnettiste et grand voyageur. Le dessinateur s’est immergé pendant un an et demi au sein de l’Espace Gaïa, la SCMR parisienne, pour faire la connaissance de celles et ceux qui interviennent dans ce dispositif et comprendre le parcours de vie des personnes usagères qui le fréquentent. La mise en couleurs est de Fachri Maulana. L’album est coédité par Médecins du Monde et La Boîte à Bulles. Il paraît le 21 août prochain au prix de 22 euros.

    BD : G.I. Gay

    7 décembre 1941 : alors que Pearl Harbor pousse les États-Unis à entrer en guerre contre le Japon, le jeune psychiatre Alan Cole exerce à l'hôpital de San Diego. Exempté de conscription, il décide toutefois de s'engager sous la pression de son futur beau-père, général à la retraite qui ne donnera sa fille qu'à « un homme, un vrai »... C'est ainsi qu'Alan va se retrouver à examiner tous les nouveaux marines, avec pour objectif d'écarter ceux dont le comportement pourrait nuire à la cohésion des troupes : délinquants, alcooliques et surtout les homosexuels, considérés à l'époque au mieux comme des malades mentaux, au pire comme des criminels. Le jeune Alan va lui-même tomber amoureux de Merle Gore, jeune GI plein d'assurance… Ensemble, Alan et Merle devront non seulement survivre aux offensives des Japonais mais également aux purges anti-homosexuelles de l'armée US ! C’est sur cette base que se développe la nouvelle grande fresque historique d'Alcante, scénariste de La Bombe. C’est le trait sublime de Bernardo Muñoz qui rend corps à ce très touchant Brokeback Mountain sur fond de guerre du Pacifique, comme le présente son éditeur, Dupuis. L’album sortira le 6 septembre prochain au prix de 26 euros.

    Biblio : sexualités et dissidences queers

    À la jonction des savoirs universitaires et militants, l’ouvrage collectif Sexualités et dissidences queers entend « démystifier l’emprise qu’exercent les normes sur nos sexualités ». « L’ordre sexuel comporte un ensemble de règles souvent tacites régulant les dimensions les plus intimes de nos vies. De quoi est-il constitué ? Et surtout, qu’a-t-il comme effet sur certains-es membres de la société ? », interrogent les auteurs-rices (MP Boisvert, Mathilde Capone, Marianne Chbat, Julie Descheneaux, Chacha Enriquez, Jorge Flores-Aranda, Blake Gauthier-Sauvé, Marie Geoffroy, Stéphanie Gingras-Dubé, Adore Goldman, Julie Lavigne, Miko Lebel, Hugues Lefebvre Morasse, Sabrina Maiorano, Mélina May, Rossio Motta-Ochoa, Alex Nadeau, Gabrielle Petrucci, Gabrielle Richard, Em Steinkalik et Gui Tardif), dont le travail a été coordonné par Chacha Enriquez. Cet ouvrage collectif réunit des personnes qui réfléchissent à la libération des pratiques sexuelles et amoureuses à partir de la sociologie, de la sexologie, du travail social ou d’une perspective de terrain. Il permet une « rare prise de parole commune de dissidents-es sexuels-les autour des bisexualités, du plaisir, de la culture du consentement, du sexting, du travail du sexe, du cruising gai, de la pornographie, du polyamour, de l’éducation à la sexualité, du chemsex, du BDSM et de l’asexualité ». « Face au backlash anti-LGBTQ+, nous refusons d’être écrasés-es, nous refusons de disparaître », proclame l’ouvrage.
    Sexualités et dissidences queers, ouvrage collectif coordonné par Chacha Enriquez, éditions le Remue-Ménage (Québec), 32,95 dollars canadiens. =

    Biblio : Le lobby transphobe

    Le 9 octobre prochain parait cet essai de Maud Royer (éditions Textuel, 17.90 €, dans la collection Petite encyclopédie critique), un essai qui devrait s’avérer salutaire dans le contexte transphobe actuel. En France, comme dans de nombreux pays, l'offensive transphobe est sans précédent, explique l’éditeur. Actrice du monde associatif et politique et présidente de l’association féministe Toutes des Femmes Maud Royer dresse un état des lieux des attaques transphobes désormais monnaie courante dans certains médias, dans certains discours politique. Si les mouvements féministes français se sont très majoritairement opposés à la transphobie, des groupes réactionnaires agissent désormais en un véritable lobby, analyse l’autrice. Ils ont adapté au contexte français un répertoire d'arguments emprunté à leurs homologues internationaux, et largement relayé par la droite et l'extrême-droite. Ils ont aussi repris leur stratégie : s'attaquer aux droits des enfants et adolescents-es trans, pour mieux remettre en question les droits des femmes et des personnes LGBTI. Dans une démarche à la fois militante et pédagogique, Maud Royer décrypte cette mécanique transphobe pour mieux la contrer.

    Biblio : le "wokisme" fait encore parler

    Cette rentrée encore, on dénombre plusieurs livres sur (contre !) le « wokisme » et ses supposés ravages. Ils sont cités ici pas tant pour leur lecture (on ne recommande pas que vous vous y plongiez) que pour comprendre sur quoi se construit désormais une partie du discours contre cet outil d’émancipation des minorités qu’est le mouvement woke. Parmi les nouveautés, on trouvera La gauche n’est pas woke de Susan Neiman (éditions Climats, traduction de Cécile Dutheil de la Rochère, sortie le 18 septembre). « Ce livre n’est pas un réquisitoire contre la cancel culture. « C’est un livre-manifeste qui appelle au sursaut d’une gauche universaliste, éprise de justice et de progrès » défend l’autrice qui s’efforce de démontrer « combien les revendications identitaires se révèlent réductrices et essentialistes, en un mot dangereuses ». Autre nouveauté, la Petite histoire du wokisme des Lumières à nos jours, de Bruno Viard (Éditions du Bord de l’eau, 15 euros). « Si le point de départ et le point d’arrivée de ce livre sont le wokisme contemporain, son enquête s’élargira à la pensée critique depuis deux siècles dans ses grandeurs autant que dans ses inflammations », explique l’éditeur. « L’enquête remonte d’ailleurs aux années 1830, moment d’une grande bifurcation (…) Anthropologique autant qu’historique, l’enquête permet à l’auteur de mettre en évidence l’existence d’un seuil à partir duquel une pensée se radicalise et se rigidifie ». Pour comprendre l’attaque en règle contre le mouvement woke, on vous recommande (plongez-y pour le coup !) l’ouvrage d’Alex Mahoudeau : La Panique woke, Anatomie d’une offensive réactionnaire (éditions Textuel). Ce n’est pas une nouveauté, mais cet essai « décortique méthodiquement cette campagne anti-woke en cours ». Il nous invite à explorer la mécanique idéologique qui sous-tend cette offensive réactionnaire. Une réaction classique mais violente, qui sert à préserver les privilèges et à maintenir le statu quo. Salutaire pour le coup !

    Biblio : qui a peur du genre ?

    Flammarion publie, mi-septembre, le dernier essai traduit en France de Judith Butler. Pas un mot de l’éditeur sur son site pour présenter l’ouvrage, mais en cherchant un peu sur le net, on trouve néanmoins ceci à propos de l’ouvrage : « Dans son nouveau livre remarquable, la théoricienne féministe Judith Butler présente une explication précise de la manière dont la « force fantasmatique intensifiante du genre » est devenue la cible de tous ceux qui craignent un monde où les catégories construites se dissipent et exposent leur propre irréalité ». On peut considérer ce nouveau texte comme la suite de Trouble dans le genre, l’ouvrage-phare de l’autrice, publié en France en 2006 chez La Découverte.
    Qui a peur du genre ?, par Judith Butler. Éditions Flammarion-Nouvel Avenir, 23 euros, sortie le 18 septembre.

    Biblio : Sexe et tabous ; jusqu'où peut aller la transgression ?

    Peut-on assister sexuellement une personne porteuse d’un handicap ? Entretenir une relation charnelle avec un animal ? Manger un autre homme si ce dernier est consentant ? Suscitant le dégoût et le rejet, certaines conduites doivent être tues. Ceux qui s’y aventurent sont considérés comme pervers ou criminels. Dans nos sociétés prônant la liberté individuelle, les tabous continuent de provoquer la honte et l’aversion, commente l’éditeur de l’essai Sexe et Tabous ; jusqu'où peut aller la transgression ?, écrit par Guillaume Durand. Pourtant, il arrive que ces interdits soient bravés, mais aussi que des tabous tombent ou que de nouveaux adviennent... Serait-il possible que de telles interdictions puissent être légitimement transgressées, voire valorisées ? Certains ­tabous ne constitueraient-ils finalement que des préjugés ? Spécialiste d'éthique médicale et de bioéthique, Guillaume Durand est maître de conférences en philosophie à l'université de Nantes et publie ici son nouvel essai.
    Sexe et Tabous ; jusqu'où peut aller la transgression ?, par Guillaume Durand. Éditions Hermann, 17 €, sortie le 28 août 2024.

    Biblio : La gaie panique

    Hier pourchassés par l’État français, les gays sont aujourd’hui invités à souscrire à une gestion sécuritaire de l’homophobie : incorporation des valeurs républicaines, d’une culture de la peur et des solutions policières, avance Mickaël Tempête. Que faire de cette mise en scène d’une guerre sexuelle dont le but est de produire une masculinité hégémonique souveraine en faisant la part entre ceux qu’on élimine, ceux qu’on sacrifie, ceux qu’on contrôle et ceux qu’on fantasme ? Pour résister à cette guerre et cerner la raison de la permanence des brutalités anti-homosexuelles, il faut en remonter l’histoire. À partir de discours politiques, de disputes scientifiques, de faits divers et de séquences médiatiques, cet essai explore les bases théoriques qui constituent la répression sans fin du désir homosexuel. Mickaël Tempête est né à Bordeaux en 1986. Il est l’un des membres de la revue de la dissidence sexuelle Trou Noir dans laquelle il contribue régulièrement à des articles sur l’homophobie, les pensées révolutionnaires, le cinéma et la poésie. Il a également co-fondé avec un groupe d’amis les Éditions la Tempête, orientées vers les courants hétérodoxes du marxisme.
    La gaie panique, par Mickaël Tempête. Éditions Divergences, sortie le 6 septembre, 16 euros.

    Biblio : Le déni lesbien

    « Connaissez-vous des lesbiennes célèbres ? Si la réponse est non, il n’y a rien d’étonnant. En revanche, cela en dit long sur notre société », ironisent Sophie Pointurier (enseignante-chercheuse à la Sorbonne-Nouvelle) et Sarah Jean-Jacques (docteure en sociologie et chercheuse associée au Laboratoire architecture anthropologie de l’École nationale supérieure d’architecture de Paris-La Villette). Partant de ce constat, les deux chercheuses ont décidé de creuser les raisons pour lesquelles les lesbiennes sont si peu visibles. Quelle image a-t-on d’elles ? Quels obstacles rencontrent-elles au quotidien ? Quels espaces de liberté créent-elles en dehors de la norme ? Pour répondre à ces interrogations, les deux autrices sont parties à la rencontre de vingt personnalités out pour recueillir leur témoignage et comprendre le parcours de celles qui vivent à la marge de l’hétérosexualité : Charlotte Bienaimé, Carole Cassier, Chelcie et Dalila, Alice Coffin, Fatima Daas, Marie Docher, Soraya Garlenq, Élise Goldfarb et Julia Layani, Marie Labory, Mélissa Laveaux, Caroline Mecary, Marie Patouillet, Anna Polonyi, Aloïse Sauvage, Shirley Souagnon, Tahnee, Mathilde Viot et Mélanie Vogel. En 2022, les deux autrices ont fondé l’Observatoire de la lesbophobie, un centre de documentation et de ressources sur les parcours lesbiens et la lesbophobie. 
    Le Déni lesbien, par Sophie Pointurier et Sarah Jean-Jacques, Editions Harper Collins, sortie le 18 septembre, 20,90 €.

    Biblio : vies rebelles, histoires intimes de filles noires en révolte...

    Vies rebelles retrace des bribes d’existence de femmes noires, qui ont quitté le sud des États-Unis en quête d’une vie meilleure pour les villes du Nord-Est, New York et Philadelphie, entre 1890 et 1930, après l’abolition de l’esclavage. S’appuyant sur les sources de la police, les écrits des philanthropes et des réformateurs sociaux, les archives de la justice mais aussi sur les notes prises par le jeune W.E.B. Du Bois lors de ses enquêtes, Saidiya Hartman leur donne vie, rendant à ces filles et femmes leur statut de sujet, dessinant des portraits vibrants de Noires indisciplinées, reconstituant leurs désirs, leurs efforts pour trouver la joie de vivre, leurs aspirations à la liberté, leurs élans de vie, leurs pensées, leurs corps éprouvés mais libres, leur anarchisme, explique l’éditeur. Saidiya Hartman est l’une des théoriciennes afro-américaines les plus réputées aux États-Unis. Elle poursuit un travail d’écriture à la frontière des sciences humaines et de la narrative non fiction qui inspire nombre de chercheurs mais aussi d’artistes. Elle est professeure à l’université de Columbia.
    Vies rebelles, histoires intimes de filles noires en révolte, de radicales queer et de femmes dangereuses, par Saidiya Hartman (traduction : Maxime Shelledy et Souad Degachi). Éditions du Seuil, 25 euros.

    Biblio : Le déclin du désir ; pourquoi le monde renonce au sexe

    L'Occident est le théâtre d'une tendance qui pourrait bien s'étendre au monde globalisé dans son ensemble : l'activité sexuelle ne cesse de diminuer, notamment chez les plus jeunes, tandis que l'âge moyen du premier rapport augmente, explique l’auteur et psychanalyste Luigi Zoja. Loin d'inverser la tendance, l'avènement des applications de rencontres s'est même révélé contreproductif, avance-t-il. « La question est on ne peut plus cruciale, inédite et riche d'implications. Alors pourquoi n'a-t-elle pas encore donné lieu à un véritable débat ? Quelle est l'origine de ce renoncement ? Et comment se fait-il qu'un phénomène d'une telle portée survienne dans une société qui, grâce à la révolution sexuelle, semblait s'être libérée des tabous et des contraintes qui pesaient sur elle ? Telles sont les interrogations auxquelles essaie de répondre Luigi Zoja. À partir des données chiffrées, il se lance à la recherche des motivations profondes de cette « fuite loin de l'intimité des corps ». Avec pour objectif d'enfin replacer la sexualité au centre du débat, comme Freud avait été le premier à le faire, il y a plus d'un siècle.
    Le déclin du désir ; pourquoi le monde renonce au sexe, par Luigi Zoja. Éditions Imago, 22 euros.

    Biblio : Histoire des sexualités en France XIXe-XXIe siècles

    La question des sexualités est aujourd’hui au cœur des réflexions historiennes, sociologiques et politiques. Mais, malgré l’essor et l’ampleur des ouvrages consacré à tel ou tel aspect (prostitution, homosexualité, violences, etc.), il n’existe aucun livre de synthèse rendant accessible tant au milieu académique qu’au grand public les apports de ce vaste et prolixe champ de recherche. Centré sur la France (hexagonale et d’outre-mer) du XIXe au XXIe siècle, cet ouvrage souhaite « combler ce vide » et « aborder tous les enjeux de la sexualité » et « rendre compte des constructions historiques des normes (religieuses, juridiques, médicales), mais aussi de leur remise en cause et leur évolution, des pratiques concrètes que des croyances, savoirs, idéologies et théories autant que des représentations qui les structurent et leur donnent sens ». Il est également nourri par les « approches de genre qui ont inscrit la sexualité dans la fabrique culturelle et sociale des sociétés ». L’ouvrage met également en lumière et interroge les dominations et les discriminations entre les hommes et les femmes et entre les sexualités minoritaires et dominantes, explique l’éditeur Armand Collin. L’ouvrage a été écrit et dirigé par Sylvie Chaperond, Emmanuelle Retaillaud-Bajac, Christelle Taraud et Catherine Deschamps. Sortie en octobre, prix non indiqué chez l’éditeur.

    Biblio : deux livres de Michel Foucault

    En septembre, est annoncée la sortie de Généalogies de la sexualité. La sexualité, est-elle réprimée ? Devrions-nous par conséquent nous efforcer de la libérer ? Et si elle l’est, pourquoi sommes-nous sans cesse appelés à en parler – à dire vrai à propos de nos désirs sexuels et à reconnaître dans notre sexualité la clé de notre identité ? Ces questions sont au cœur du projet foucaldien d’une histoire de la sexualité. Ce volume réunit une série de textes inédits qui relèvent de deux moments fondamentaux dans l’élaboration d’un tel projet. D’une part, le moment 1975-1976 : les conférences prononcées aux États-Unis sur la notion de répression, le cours à l’Université de São Paulo sur la généalogie du savoir moderne sur la sexualité, la première version du début de La volonté de savoir sont tous centrés sur l’époque moderne et nous offrent une perspective précieuse sur la façon dont Foucault conçoit initialement son Histoire de la sexualité. D’autre part, le séminaire que Foucault anime, en 1980, au New York Institute for the Humanities sur le thème « Sexualité et solitude » qui témoigne du recentrement de l’étude du dispositif de sexualité en direction de l’analyse de l’émergence historique de la chair chrétienne dans le christianisme primitif. Les textes ici recueillis permettent ainsi de suivre l’évolution complexe du projet foucaldien d’une histoire de la sexualité et de prendre la mesure de son ambition, de sa richesse et de son actualité, explique l’éditeur Vrin,
    En octobre, ce sont les Entretiens radiophoniques inédits 1961-1983 qui sont publiés chez Flammarion. Il faudra casser sa tirelire car cette somme de plus de 800 pages est au prix de 59 euros.
    Généalogies de la sexualité, par Michel Foucault. Éditions Vrin, collection Du présent, 23 euros, sortie en septembre.
    Entretiens radiophoniques inédits 1961-1983, Michel Foucault. Editions Flammarion, 59 euros, sortie le 23 octobre.